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tome 1, Chapitre 15 tome 1, Chapitre 15

Taylor se réveilla et fixa le plafond de la chambre qui servait d’infirmerie. Elle se redressa difficile et s’assit au bord du lit : dans la pièce, Ades faisait les cent pas tandis que son père la regardait depuis une chaise.

- Que s’est-il passé ? demanda-t-elle la gorge sèche..

Elle posa sa main sur ta tête comme si ce simple geste pouvait diminuer la souffrance qu’elle ressentait et le son sourd qui résonnait dans son esprit au point de l’empêcher de réfléchir.

- Tu as, disons, perdu le contrôle, répondit Baltazard avec une joie qu’il peinait à dissimuler, accompagné d’un grognement mécontent d’Ades.

- Le contrôle ? répéta Taylor.

- Tu as développé une nouvelle aptitude. Je dois dire que c’est incroyable, cela va au-delà de ce que j’imaginais !

- Baltazard ! intervint Ades dont l’aura démoniaque envahissait la pièce et saturait l’air.

- Je…je ne comprends pas, balbutia Taylor désorientée.

Le démon s’agaça et avança dangereusement jusqu’à se tenir devant la théurgiste qui semblait si petite et fragile ainsi assise sur le lit face à la grandeur et la puissance du roi d’As.

- Tu sembles avoir la capacité de contrôler le feu, mais si tu ne le maîtrises pas il te consumera. Ta perte de contrôle n’était qu’un aperçu de ce qui se passera si tu n’es pas stabilisée rapidement, avertit-il, puis il se tourna vers Baltazard. Maintenant fini les conneries. Si tu tiens à ce que tout se passe comme tu l’as décidé, il va falloir que quelqu’un se charge de l’entraîner. Elle est une bombe à retardement et crois-moi tu n’as pas envie de te tenir à côté le moment venu !

Le démon transpirait la puissance par tous les pores de sa peau et dans pareil situation, n’importe qui tenterait de disparaître pour ne pas s’attirer les foudres du roi, mais Baltazard était loin d’être aussi raisonnable. Il se leva, regarda Ades droit dans les yeux et un combat silencieux débuta. Taylor regardait la scène sans être réellement là, elle était prise dans un tourbillon et tout autour d’elle lui semblait étranger. Était-elle en train de rêver ? Elle n'en était pas certaine, car depuis son réveil, Shadow n’avait pas manifesté sa présence.

- Bien ! s’exclama Baltazard satisfait. Ades t’entraînera, annonça-t-il en faisant face à sa fille. Il t’aidera à te contrôler. Vous commencerez demain, pour l’heure Taylor doit rentrer au Centre.

Le démon grogna, croisa le regard de Baltazard et se tut. Il détestait se soumettre de la sorte face à l’ancien théurgiste, et même s’il venait de perdre cette bataille, la guerre ne faisait que commencer.

Taylor se leva lentement et attendit de sentir les signes d’un vertige qui n’arrivèrent pas. Elle put suivre son père à travers les couloirs qui les guidèrent dans une salle où, en son centre, trônait un portail. Elle s’avança et toucha la surface lisse.

- Il te conduira à quelques rues du Centre. Ne parle à personne de ta venue ici, est-ce bien clair ?

- Comme si j’avais des personnes à qui parler…

Son père sourit à cette idée, comme si savoir sa fille en marge de la société théurgiste le rendait heureux. Vraisemblablement, Baltazard était devenu fou au fil des années.

- Ades te contactera.

- Comment ?

Un sourire machiavélique fit apparaître des rides sur son visage, puis il désigna le portail et incita sa fille à partir. Elle ne chercha pas à résister : elle avait besoin de rentrer, de s’éloigner de cet endroit, des démons, de son père et d’Ades. Elle avait besoin de mettre de l’ordre dans ses idées, mais avant tout elle avait surtout besoin d’une douche, de manger et de dormir. Elle traversa le portail sans un regard en arrière et arriva dans une ruelle sombre de Prague, à quelques minutes du Centre. Elle marcha d’un pas rapide à travers les humains qui ne la voyait pas à cause de sa marque d’invisibilité.

Elle s’arrêta pour regarder la Cathédrale depuis le trottoir de l’autre côté de la route : son instinct lui suggérait de ne surtout pas faire un pas de plus en direction du Centre. Elle inspecta les environs, mais ne vit aucun démon ou autre créature susceptibles de l’attaquer. Il n’y avait a priori aucun danger, pourtant son instinct restait en alerte et jamais il ne la trahissait. Elle prit donc de l’altitude et se téléporta sur le toit d’un bâtiment qui faisait face au Centre. Elle prit le temps d’observer attentivement chaque passant, chaque voiture, chaque ruelle, sans rien remarquer d’anormal. Était-ce la fatigue qui la faisait délirer ? Elle en avait bien peur, puis soudain un oiseau passa dans le périmètre de la Cathédrale et elle les vit.

- Les balises…

Elles étaient installées autour du Centre et permettaient de détecter l’activité démoniaque en alertant les théurgistes à l’intérieur de la bâtisse. Le danger venait de là. Non, le danger venait d’elle, son instinct la mettait en garde contre elle-même : si une partie de son sang était d’origine démoniaque, il n’était pas suffisamment présent pour déclencher les balises, mais à présent c’était une partie de son âme qui était démoniaque et les balises allaient assurément la détecter comme étant une démone, alertant ainsi son peuple. Ils la tueront sans discuter et s’en donneront à cœur joie.

- Es-tu sûr que ça se déclenchera ? Après tout, je ne suis qu’une petite partie de toi.

La voix de Shadow se matérialisa dans l’esprit de Taylor pour la première fois depuis qu’elle s’était de nouveau évanouie.

- Oui.

- Et ton idée de te téléporter directement à l’intérieur ?

- Le Centre est protégé par de puissants boucliers, nous serions éjectés sur des dizaines de mètres.

- C’est rassurant…et après on traite les démons de monstres !

Taylor ne put qu’acquiescer : les théurgistes se disaient meilleurs que les démons parce qu’ils œuvraient pour une bonne cause, mais toutes les choses qu’ils faisaient pour arriver à leurs fins n’avaient rien de glorieux. Elle avait déjà vu des théurgistes torturer de pauvres créatures innocentes, simplement parce qu’elles étaient au mauvais endroit au mauvais moment.

- Comment fait-on maintenant ?

- Je ne sais pas…

Le Centre était une vraie forteresse, elle ne voyait aucune solution pour réussir à y pénétrer sans risquer de mourir.

- Taylor ?

- C’est qui celui-là ? demanda Shadow.

- Lev…, murmura-t-elle qui avait oublié jusqu’à son existence.

- Ton affect c’est ça ? Tu penses qu’il peut m’entendre ?

- Je ne pense pas et heureusement.

- Où es-tu ? demanda Lev. Je te sens tout près.

La voix de Lev se mêla à celle de Shadow et l’esprit de Taylor sembla sur le point d’exploser : ses oreilles se mirent à bourdonner et sa vue devint floue.

- Taylor ? l’appela Lev.

- Stop, supplia-t-elle en se prenant la tête entre les mains.

Elle s’assit sur le rebord du toit, les jambes dans le vide et essaya de faire le vide dans son esprit.

- Stop…Stop…

Lev continuait de parler et s’énervait à mesure qu’il l’appelait, mais Taylor était incapable de répondre. Elle voulait que ça s’arrête, il fallait qu’il se taise, qu’ils se taisent tous. Une douleur sourde se réveilla dans son dos annonçant l’arrivée d’une nouvelle crise. Des larmes glissèrent sur ses joues à mesure que la douleur devenait de plus en plus intense et que les voix continuaient inlassablement de résonner dans son esprit, tandis qu’au fond d’elle quelque chose de plus gros et de plus puissant se réveilla. Elle sentit son corps être consumé par les flammes et Shadow sembla se nourrir de la souffrance de son hôte. Quant à Lev, Taylor avait réussi tant bien que mal à bloquer le lien pour le protéger de son agonie, même si son cœur en souffrait. L’énergie qu’elle mettait pour combattre se mal l’épuisait et lui faisait perdre le contrôle, au point qu’elle se sentait envahir par la puissance des flammes. Elle aurait voulu s’y engouffrer pour faire cesser cette torture, mais elle était plus forte que ça et résista.

Trois ombres apparurent devant Taylor et se penchèrent au-dessus d’elle. Ils l’appelèrent, mais son esprit était envahi par les flammes et la douleur, puis elle sentit la magie la soulever jusqu’à la faire flotter et lorsqu’elle ouvrit péniblement les yeux elle les remarqua. D’abord leurs capuches, puis la couleur de leur âme : la confrérie était là, devant elle. Axi, qu’elle reconnut par sa couleur blanche, souffla une fine poussière sur son visage et tout cessa.


Texte publié par Aihle S. Baye, 4 juillet 2023 à 10h08
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