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tome 1, Chapitre 12 tome 1, Chapitre 12

Baltazard quitta son laboratoire où un énième humain était mort des suites de ses expériences. Il essayait, depuis plusieurs mois, toutes sortes de sérum dans le but de créer une armée d’humains aux capacités supérieures à celles de son ancien peuple, les théurgistes. Cependant, il n’avait pas encore trouvé le bon dosage. Malgré toutes ses tentatives, quelque chose semblait lui échapper. Il ne désespérait pas, il finirait par y arriver, même si pour cela des centaines, voire des milliers, d’humains devaient mourir. Baltazard n’était pas à ses premiers meurtres, que ce soit pour la science ou à titre personnel. Pour lui, une vie n’avait aucune importance. Quant aux humains, ils étaient aussi insignifiants qu’inutiles.

Il longea les couloirs de son repaire et gagna son bureau. Baltazard était appelé le maître des démons et vivait, depuis qu’il avait quitté les théurgistes, dans un lieu tenu secret et protéger de barrières invisibles. Il avait créé un sanctuaire, un endroit où il était libre de pratiquer ses expériences sans se soucier des yeux et des oreilles indiscrets.

– Maître ! Maître !

Un être mi-métamorphe, mi-démon parcourut une distance considérable en quelques microsecondes, et surgit devant son maître. Il était le fruit d’un échantillon qui avait subi une expérience plus que réussie : les capacités primaires du métamorphe avaient été décuplées grâce à l’injection de sang démoniaque.

– Que se passe-t-il ? demanda Baltazard.

L’être au genre indéfini n’eut pas le temps de répondre : des cris d’agonies résonnèrent dans tout le sanctuaire. Baltazard usa de ses particularités pour isoler les sons et se focaliser sur les hurlements qui le guidèrent jusqu’à son bureau. Sur le sol, entre son canapé et sa table basse, gisait une théurgiste aux cheveux noirs bleutés, sa fille. Baltazard avança jusqu’à elle et se tint debout à ses pieds. Il regarda son corps brûler, son visage être tétanisé par la souffrance et voyait, dans ses yeux bleus translucides qu’ils avaient en commun, son souhait de mourir. Le mi-métamorphe, mi-démon tenta de toucher l’épaule de Taylor, mais les flammes le propulsèrent contre une bibliothèque qui tomba sur lui.

– Démons, faites venir Ades immédiatement ! ordonna le maître par la pensée.

Il avait, après des années d’expérience, réussi à reproduire la magie provenant des marques que les théurgistes se voyaient confier par les membres de la confrérie. Il en avait créé une capable de relier toutes créatures entre elles, elle était apposée au niveau du cœur et représentait un corbeau. De cette manière, Baltazard pouvait communiquer avec les êtres qui la portaient, elle lui permettait également de connaître leur position, dès lors qu’ils étaient dans le même monde que lui.

Il se servit un verre de whisky et vint prendre place sur le fauteuil à côté de sa fille. Il sirota son verre en la regardant agoniser et pousser des hurlements qui n’étaient plus semblables à ceux des humains. Le visage dur de Baltazard était accentué par son regard froid qui ne montrait aucun signe d’inquiétude, à croire qu’il se trouvait devant une pièce de théâtre, et à en témoigner par son sourire, le spectacle lui plaisait. Le plan qu’il avait mis tant d’années à concevoir se mettait en place, les pions s’alignaient et avec eux la victoire.

Dans une pièce adjacente, Baltazard entendit le portail prendre vie, puis le roi d’As le rejoignit.

– Pourquoi m’as-tu fait ve…

Le démon fut interrompu par le dernier hurlement de Taylor qui la fit perdre connaissance. Des flammes jaillirent, la soulevèrent du sol et laissèrent une empreinte noire sur le plafond blanc et lisse. Le corps de Taylor se cambra, puis retomba lourdement sur le parquet. Les flammes continuèrent de l’envelopper, réduisant en cendre le peu de vêtements qui lui restaient.

– Un feu de joie dans ton bureau, tu ne pouvais pas trouver meilleur endroit ?

– Approche.

Ades obéit malgré lui. Baltazard était le maître des démons, lui était le roi du royaume des démons, ensemble ils avaient conclu une alliance, mais la rivalité faisait rage.

Baltazard ne fit aucun mouvement pour venir en aide à sa fille et continua de boire tranquillement son verre de whisky et regarda Ades s’approcher du corps rougi par les flammes.

– C’est la théurgiste qui voulait te rencontrer.

– Taylor, ma fille.

Le roi ne réagit pas, la famille n’était pas une notion qu’il connaissait, chez les démons elle n’existait pas. Il avait grandi, livré à lui-même, car lorsqu’il y avait procréation, ils n’étaient pas liés par un lien particulier, chacun retournait à ses occupations et ses envies une fois l’enfant mit au monde.

– Qu’en penses-tu ?

– Arrête de parler par énigme, je n’ai pas que ça à faire !

– Donne-moi ton ressenti de démon supérieur sur ces flammes, ordonna-t-il, toute forme de respect envolé.

Ades grinça des dents, il avait envie de le brûler vif. Il se retint néanmoins et se pencha sur le corps inerte de Taylor pour l’examiner : les flammes semblaient protéger son corps, elles cachaient sa nudité et empêchaient quiconque de s’en approcher. Toutefois, ça n’arrêta pas Ades qui tendit la main pour les toucher. Baltazard se redressa dans son fauteuil, intrigué. Allait-il lui aussi être propulsé à travers la pièce ? Il n’en fut rien. Les flammes accueillirent Ades avec bienveillance, elles s’enroulèrent autour de son bras et l’enveloppèrent à son tour, réduisant ses vêtements en tas de cendres. Le démon était hypnotisé, les flammes dansaient sur son corps et semblaient prendre possession de lui pour faire plus qu’un. Il les sentit glisser, s’infiltrer dans sa peau et atteindre son cœur. Un déferlement d’énergie inonda son âme et devant ses yeux, des images qui ne lui appartenaient pas se succédèrent. Il vit la confrérie, la mort de nombreux démons, la haine dans le regard des théurgistes, il sentit la solitude et la souffrance. Ades ressentait tout, à travers ce qu’il devina être des souvenirs, ceux de Taylor. Les images s’estompèrent, il voulut reculer et s’éloigner, mais il en était incapable. Une force invisible le poussait à rester près d’elle, à tendre sa main pour la toucher.

Depuis son fauteuil, Baltazard regardait la scène avec curiosité. Il voyait le démon et sa fille être enveloppés par les flammes. À cet instant, il sut, la prophétie était en marche et plus rien ne pouvait l’arrêter.


Texte publié par Aihle S. Baye, 24 juin 2023 à 10h23
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