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tome 1, Chapitre 10 tome 1, Chapitre 10

Taylor reprit lentement connaissance : sa tête semblait sur le point d'exploser et son corps était endolori avec l’incapacité du moindre mouvement. Elle prit de longues inspirations, puis se concentra sur ce qu’elle ressentait et sur l’environnement qui l’entourait : elle était assise contre ce qui lui semblait être un canapé, ses mains attachées dans son dos, et un bandeau recouvrait ses yeux l’empêchant d’identifier où elle se trouvait, mais la pièce dégageait une atmosphère glaciale et ténébreuse. Elle tenta d’user du pouvoir des marques, mais elles étaient hors services. Les marques apportaient beaucoup de facultés aux théurgistes, les réduisant à en être dépendants, mais Taylor avait des particularités bien à elle, alors elle se concentra sur son ouïe et perçut rapidement du bruit : l’endroit où elle se trouvait était grand avec beaucoup de passages. Elle fit ensuite appel à son odorat et se laissa imprégner par les nombreuses odeurs qui étaient principalement celles de démons, mêlée à celles des autres peuples. Soudain, des pas et des voix se firent entendre et s’approchèrent dangereusement de Taylor qui resta discrète et silencieuse. L’un des hommes, d’après leur voix grave, s’installa en face d’elle alors qu’elle sentait son corps lui être rendu et le pouvoir des marques se libérer.

- Elle devrait déjà avoir repris conscience maintenant.

- C’est le cas, elle fait semblant.

L’homme n’était donc pas dupe et avait un grand sens de l’observation. Le bandeau qui plongeait Taylor dans les ténèbres fut retiré et elle fut aveuglée par la lumière blanche des plafonniers. L’homme assis en face d’elle sourit : rien dans sa posture, dans la délimitation de sa mâchoire, dans la dureté de son regard ne renvoyait à Taylor l’image d’un traitre, d’un homme mauvais à l’âme corrompue. Elle ne fit aucun mouvement, même si elle avait récupéré la pleine capacité de son corps, elle ne doutait pas qu’il pourrait assurément la tuer à la seconde où elle bougerait.

- Je t’ai connue plus bavarde, tu ne dis donc même plus bonjour à ton père ?

- Baltazard, répondit-elle en inclinant très légèrement la tête

- Les temps où tu m’appelais papa sont loin, n’est-ce pas ?

- Étrangement, je n’en garde aucun souvenir.

- Tu étais jeune…

- Oui, on va dire ça.

Taylor se retrouvait là où elle avait souhaité être, mais maintenant qu’elle se tenait devant son père, elle se demandait si c’était réellement une bonne idée. Il avait trahi les théurgistes et était devenu le maître des démons, ralliant des membres de tout peuple à sa cause. Il avait laissé sa fille aux mains des théurgistes qu’il haïssait tant, la confrontant aux regards, à la peur et à la haine qu’engendrait son nom. Une part d’elle lui en voulait de l’avoir laissé là-bas, de l’avoir laissé au Centre où chaque jour elle se demandait si quelqu’un allait la poignarder pour des crimes qu’elle n’avait pas commis. Au fond, elle comprenait ces agissements : n’aurait-elle pas agi pareil à sa place ? Elle était indécise, il y avait trop de questions sans réponses et trop de secrets. Si la seule manière d’obtenir la vérité était d’aller chez l’ennemi, alors elle était au bon endroit. Mais était-ce vraiment son père l’ennemi ou les théurgistes ? Le doute persistait, même la confrérie l’avait incité à se retrouver ici. Il y avait-il seulement un camp plus louable que l’autre ? Elle ne savait plus.

- On m’a rapporté que tu voulais me voir, je t’ai donc fait venir ici.

- On va plutôt dire que j’ai été kidnappé.

- C’était nécessaire.

- Me droguer aussi ?

- La localisation du repère doit demeurer dans le plus grand secret.

- Dès l’instant où j’ai vu cette pièce, je peux m’y téléporter aisément. As-tu donc tout oublié du pouvoir des marques ?

Baltazard sourit, puis reprit une expression sérieuse.

- Dis-moi plutôt pourquoi tu souhaitais t’entretenir avec moi. Cela doit être important pour que tu ailles jusqu’à défier le roi d’As en personne.

- Pour un roi sa puissance laisse à désirer.

Baltazard manqua de s’étouffer avec une gorgée de whisky qu’il s’était servi au bar derrière lui.

- Tu auras tout le temps d’admirer la véritable puissance d’Ades, mais pour le moment dis-moi ce que tu es venu chercher ici.

- Des réponses.

- Je t’écoute.

Elle hésita malgré l’attention que lui portait son père. La vérité valait-elle le coup d’être connue ? Taylor n’appréhendait pas les réponses, seulement les répercussions et les choix que celles-ci engendreraient. Toutefois, elle ne devait pas oublier qu’elle était une théurgiste : elle se sortait de n’importe quelle situation et était là où elle devait être.

- Mon sang comporte-t-il des risques ?

- Sois plus précise, Taylor.

- Est-il nocif sur le long terme ?

- Pour toi ? Non, du moins je ne pense pas. Il faudrait que je fasse des tests pour en être parfaitement sûr.

- Je voulais dire pour les autres.

- L’exposition à ton sang n’est pas nocive, il est plutôt une drogue. Ton sang est composé du sang de chaque créature qui existe en ce monde, ce qui le rend si spécial. Il a une odeur très attrayante, particulièrement pour les vampires.

- Je sais tout ça, ce n’est pas ça que je te demande ! s’exclama-t-elle.

- Alors, parle !

Pourquoi était-ce si difficile pour elle de formuler clairement sa question à son père ? Était-ce parce qu’elle redoutait qu’il la juge, qu’il la regarde à son tour comme le monstre que tout le monde voyait en elle ?

- Il y a-t-il des conséquences si quelqu’un boit mon sang de façon régulière ?

- Taylor ?

- Réponds simplement à la question !

Baltazard rejoignit son bureau au fond de la pièce et fouilla dans les tiroirs.

- Un vampire ? supposa-t-il.

- Oui…

- Hm.

Il posa sur son bureau deux épais dossiers et il balaya les notes qu’il avait lui-même prises lors de nombreuses expériences. Taylor patienta : elle avait retiré les liens qui étaient censés retenir ses poignets et jouait nerveusement avec ses doigts.

- D’après les expériences que j’avais effectuées, il n’y aurait a priori aucun risque.

- D’accord.

- Mais je te déconseille fortement de servir de repas. Ton sang est une drogue, les vampires ne peuvent pas se contrôler en sa présence et peu importe leur âge.

Taylor allait donc devoir prendre une décision : si elle prenait le risque de nourrir régulièrement Samuel, elle savait pertinemment qu’il n’arriverait jamais à se contrôler, il était trop instable pour y arriver. Si elle refusait, il allait se laisser mourir de soif et elle ne pouvait l’accepter.

- Tout autre sang à côté du tien semble fade. Nourris une fois un vampire de ton sang et plus jamais il ne se contentera des autres.

Avait-elle condamné Samuel ? La culpabilité lui noua l’estomac et elle eut envie de vomir. Elle avait fait de son ami un drogué et chacune de ses visites le rendait un peu plus dépendant.

- Quelles solutions ai-je ?

- Le sevrage, encore faut-il qu’il puisse le supporter.

- Je vois…

Taylor ferma les yeux, le cœur douloureux. Elle devait pourtant se ressaisir : le temps auprès de son père était limité, et elle avait encore des questions.

- Le mélange des sangs peut-il me donner des aptitudes ?

- Oui, c’est la principale raison de l’expérience.

- Même après vingt-deux ans d’existence ?

- Développe.

- Du jour au lendemain, je pouvais comprendre, lire et parler une langue que je n’avais jamais apprise.

Baltazard marmonna quelque chose que Taylor ne put entendre, mais le sourire qu’il affichait n’était pas pour la rassurer.

- Vu ton expression, tu n’es pas surpris. Cela fait partie de ton gigantesque plan ?

- Disons que l’avenir promet d’être particulièrement intéressant, jubila-t-il.

Elle essaya de décrypter ses paroles, mais il semblait être dans son propre monde.

- Tu comprendras tout très bientôt, fais-moi confiance.

- C’est bien ça le problème…

Taylor avait parlé si bas que son père ne l’entendit pas depuis son bureau. Elle voulut se lever et faire quelques pas en sentant le début d’une migraine, mais la douleur dans sa tête se fit plus vive et elle resta clouée au canapé.

- Les effets de la drogue, ça va vite passer.

- Ce n’est pas ça : Lev essaie de me contacter, mais le signal bloque. Je dois y aller.

- Laisse-moi te raccompagner.

- Ça ne sera pas nécessaire.

Taylor se leva en prenant appui sur le dossier du canapé et s’arrêta.

- Une dernière question : il y a-t-il une prophétie sur moi ?

Baltazard suspendit ses gestes et regarda attentivement sa fille.

- Pourquoi cette question ?

- Par curiosité.

- Qui t’a parlé des prophéties ?

- Personne…

- Comment alors ?

- Quand on sait où chercher, on trouve.

Taylor venait de mettre le doigt sur un élément visiblement important, mais elle n’avait plus le temps pour creuser la question. De plus, son père semblait particulièrement intéressé par le sujet, ce qui ne lui plaisait guère.

Elle activa sa marque de téléportation et disparut sous les yeux surpris de Baltazard : de toute évidence, il ne s’était pas attendu à ce que ses marques fonctionnent dans son repère. Elle avait compris depuis le début que ce n’était pas le pouvoir de la confrérie que son père avait bloqué, mais le sang des théurgistes. Elle ne savait pas comment il avait réussi à isoler un sang en particulier et à concevoir un bouclier en conséquence, mais il avait oublié un facteur clé : ses particularités. Son sang recensait celui des théurgistes, des vampires, des métamorphes, des sorciers et des démons, faisant d’elle un être unique. Elle n’était donc pas sujette à la restriction qu’il avait créée.

Taylor regagna le Centre et dut se frayer un chemin parmi les théurgistes qui étaient tous agglutinés dans les couloirs et réussit finalement à atteindre le premier étage où Lev l’attendait en haut des marches.

- Je peux savoir où tu étais ?

- Sortie.

- J’ai essayé de te contacter je ne sais pas combien de fois et tu n’as jamais répondu ! s’énerva-t-il, blessé.

- Qu’est-ce qui se passe ?

Taylor ne pouvait pas expliquer à Lev où elle était. Il ne comprendrait pas. Elle savait que ses secrets lui faisaient mal, mais c’était la seule manière de le garder en dehors de tout ça.

- La confrérie est là…

- La confrérie ? répéta-t-elle. Pourquoi ?

- Ne t'affole pas. Ils sont simplement venus annoncer les prochaines évaluations.

- Super…

Deux fois par an, la confrérie organisait des évaluations pour tous les théurgistes en âge de combattre. Ces tests étaient à la fois physiques et mentaux afin de s’assurer de l’aptitude de chacun au combat. Les théurgistes en dessous du score requis allaient être amenés à suivre des entraînements intensifs ou, au pire des cas, voire leurs marques leur être retiré et continuer leur vie en tant qu’humain.

- Quand ?

- Dans un mois.

- Ils s’y prennent en avance.

- Pas plus que d’habitude.

Taylor était méfiante, surtout depuis sa dernière conversation avec la confrérie, elle n’était plus si sûre de la véritable raison de leurs agissements.

- Tu m’as appelé juste pour ça ?

- Non. Le Conseil veut te voir.


Texte publié par Aihle S. Baye, 16 juin 2023 à 11h29
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