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Taylor se trouvait dans une pièce sombre éclairée par les murs où de la lave s’écoulait sans bruit. Elle ne savait pas où elle était ni comment elle s’était retrouvée ici, mais les lieux lui semblaient familiers. Elle tenta d’user la magie des éléments, sauf qu’aucune marque sur son corps ne s’illumina, leur pouvoir lui était inaccessible. Une ombre passa devant elle et courut sur les murs en ricanant. Taylor, une dague dans la main, resta de marbre, elle connaissait que rarement la peur : elle était le signe d’une mort certaine. Elle tenta d’activer une nouvelle fois ses marques, sans résultats.

- Ta magie ne fonctionne pas ici, théurgiste.

La voix et le rire de l’ombre percutèrent les murs et provoquèrent un écho désagréable.

- Montre-toi ! ordonna Taylor.

L’ombre apparut devant elle, sans visage et sans membres. Ce n’était qu’une forme épaisse et indéfinie. Taylor examina la chose sans savoir véritablement de quoi il s’agissait. Elle pensa d’abord à une Ombre de Mroy, mais elles ne ressemblaient pas à ça : les siennes étaient physiquement présentes et possédaient une forme semblable à un être humain. Elle faisait donc face à un démon. Il ne restait qu’à savoir lequel et pourquoi.

- Je vois que tu ne me reconnais pas… moi qui pensais t’avoir fait grande impression…

L’ombre feint de pleurer avant de pousser un rire machiavélique à en faire trembler les âmes.

- Regarde ce que tu as fait, tu m’as rendu triste ! MOI JE N'AIME PAS ÊTRE TRISTE ! Quand je suis triste, je deviens incontrôlable. Tu ferais bien de t’excuser si tu ne veux pas que j’aille massacrer des humains. Oh tien ! J’ai justement un petit creux, une dizaine d’humains devraient rassasier ma petite faim ! Qu’en penses-tu ?

Taylor connaissait la tendance des démons à être quelque peu déstabilisé mentalement, mais pas à ce point.

- Je vois que tu n’as pas beaucoup de jugeote, alors laisse-moi te rafraîchir la mémoire.

L’ombre s’approcha et l’aura qui se dégageait d’elle se fit plus pesante et sombre. La main de Taylor se crispa sur sa dague : un démon instable pouvait être bien plus dangereux qu’un démon de rang supérieur, puisqu’ils étaient totalement imprévisibles.

- L’âme reflète la véritable identité de l’être…

- …une âme démoniaque restera à jamais démoniaque, compléta Taylor malgré elle.

- La mémoire te revient, j’en suis très heureux ! Maintenant, on va vraiment pouvoir discuter.

C’était les mots prononcés par l’intermédiaire de l’humain lors de l’attaque à l’Université. Durant ses recherches à la bibliothèque du Centre, Taylor avait découvert que c’était un démon Shadow à l’origine du meurtre : un être immatériel dont sa capacité était de s’associer à une autre âme. Elle avait également lu, dans les pages écrites en langue démoniaque, que ces démons ne pouvaient survivre seuls et qu’ils avaient le pouvoir d’entrer dans un esprit en sommeil pour se nourrir des souvenirs et de l’énergie des êtres qu’ils visitaient. Tout ceci n’était donc pas réel, Taylor dormait et il en avait profité pour pénétrer dans son esprit. Toutefois, un détail la perturbait : comment pouvait-elle avoir conscience de ce qu’il se passait ? Était-ce sa nature de théurgiste et ses années d’entraînements qui l’avaient conditionné à faire preuve d’un instinct de combat si fort que même endormi il prenait le dessus ? Ou était-ce le démon qui l’avait faire venir ?

- Ton esprit est vif, mais arrête de réfléchir autant tu me files la gerbe !

« Le démon Shadow présent dans l’esprit d’un être pourra entendre toutes ses pensées. Il pourra les contrôler si l’esprit est suffisamment faible. » Taylor bouillonnait, elle était prise au piège par un vulgaire démon au mental altéré.

- Eh oh ! Surveille ton langage, je suis un démon de classe renommé !

Elle aurait aimé le tuer, sauf que ça lui était impossible, car il n’était pas physiquement présent. Si elle l’attaquait, elle ne ferait qu’endommager son propre esprit sans jamais toucher l’ombre. La seule solution était d’attendre qu’il parte ou qu’elle se réveille.

- Dans ce cas, discutons !

- Pourquoi es-tu là ?

- Ah non ! J’ai dit une discussion, pas un interrogatoire ! Vous n’êtes vraiment pas drôle vous les théurgistes.

Taylor rangea sa dague dans son dos et s’assit en tailleur en gardant un œil sur l’ombre qui reprit sa course effrénée sur les murs. Les minutes passèrent lentement, mais pour elle une éternité s’était déjà écoulée.

- Bon puisque tu ne veux pas discuter, je vais répondre à ton interrogatoire.

Taylor attendit.

- Je me souviens plus de ta question… C’était quoi déjà ?

- Pourquoi es-tu là, démon ?

- Pourquoi ça sonne comme une insulte quand tu dis « démon », ce n’est vraiment pas sympa tu sais, moi je suis gentil avec toi…

Elle serra les poings pour contenir sa colère.

- Ok, ok ne t’énerve pas, qu’est-ce que tu peux être susceptible !

- Réponds !

L’ombre se ratatina sur elle-même et un couinement plaintif résonna.

- Je suis venu pour toi, bien sûr !

- Pourquoi ?

- Parce qu’au fond tu n’es pas très différente de moi.

- Je n’appartiens pas à ta race, démon !

- Vraiment ? Je crois que tu ne te connais pas si bien que ça.

- Explique.

Taylor n’avait pas réellement envie d’entendre ce qu’il avait à dire, seulement il fallait bien qu’elle s’occupe en attendant qu’elle se réveille. Toutefois, peu importe ce qu’il dirait, elle devait garder la tête froide : il était venu pour une raison bien précise et la tourmenter en faisait assurément partie.

Taylor eut la surprise de voir l’ombre s’étirer et commencer à disparaître. Son raisonnement lui échappait. Qu’était-il venu faire dans son esprit ? Pourquoi l’avoir fait venir si c’était pour partir au moment où elle lui témoignant un minimum d’attention ?

- Tu devrais demander à ton papounet ce qu’il est en réellement.

Elle serra les dents : quoi qu’elle fasse elle était toujours reliée à son père, mais la seule chose qu’il avait entreprise envers elle, c’était de faire de sa vie un enfer.

- On se revoit une prochaine fois !

- Ne rêve pas trop.

- Tu feras appel à moi, tu peux en être sûr et le moment venu je répondrais présent.

Le démon s’évanouit et Taylor se réveilla dans sa chambre au Centre. Elle resta un moment, allongée dans son lit à réfléchir : de nouvelles questions sans réponses se bousculaient dans son esprit et elles semblaient toutes converger vers le même homme. Au moment opportun, Taylor allait devoir rencontrer son père pour discuter.