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Taylor sangla deux chakrams dans son dos, glissa des dagues dans les fentes de ses vêtements et activa sa marque de téléportation. Elle se matérialisa devant les portes du cimetière Olšany : le lieu de repos des humains et le repère de la confrérie. Elle franchit le grand portail où l’énergie des éléments la traversa et décupla sa puissance : habituellement sa venue dans ce lieu sacré l’importante concentration d’énergie la rendait instable, étonnamment ce soir elle ressentait un parfait équilibre à la fois apaisant et réconfortant. Elle suivit les indications laissées par Klement sur un papier : section 4, rangée 6, emplacement 3, et elle trouva la pierre tombale sur laquelle était gravé à même le marbre les noms et dates de naissance ainsi que de décès des parents du théurgiste. Taylor retira le papier kraft du paquet et découvrit un cadre photo de Klement enfant entouré de ses parents : leur sourire était sincère et ils paraissaient véritablement heureux. Elle déposa délicatement le cadre au pied de la tombe et s’en alla, le cœur lourd : elle n’avait aucune photo de famille, aucun souvenir d’avoir un jour souri de la sorte avec ses parents. Le peu dont elle se souvenait était les cris et les insultes.

Taylor se rendit au centre du cimetière où un édifice se confondait aux arbres : une porte se dessina et offrit un passage vers les profondeurs de ce lieu sacré. Le manque de lumière et le froid décourageaient depuis longtemps les plus audacieux des théurgistes, mais ce n’était pas le cas de Taylor qui s’engagea avec prudence : les marches glissantes sous ses semelles et recouvertes d’une couche de mousse l’obligèrent à faire appel à sa marque d’agilité pour continuer sans danger sa descente vers les confins du cimetière. Une lumière vive aux lueurs orange et bleu filtra et projeta des ombres sur les murs qui semblaient raconter une histoire dont le sens échappait à Taylor. À mesure qu’elle descendait, la puissance des marques se renforçait et lorsqu’elle atteignit la cavité sinistre, un frisson la saisit : il n’y avait aucun danger en ce lieu, néanmoins les membres de la confrérie étaient connus pour inspirer la crainte à travers leur neutralité et leur désir de faire régner la paix.

Taylor fit face à trois être encapuchonnés dont seule la couleur de leur âme permettait de les différencier. Celui au centre à l’âme blanche était Axi, le maître de l’air et des rêves. Dans une époque lointaine, il fut lui aussi humain et répondait au nom de Raiden : un être à l’âme austère et à l’esprit terni.

Elle ressentit une stimulation d’énergie dans son esprit qui lui fit ressentir la force du sol sous ses pieds, du cœur de la planète qui battait et de la gravité. C’était Tkeg, le messager des temps anciens et des temps oubliés qui lui insufflait de l’énergie pour lui permettre de comprendre la Terre et tous les éléments qui la composaient. C’était une sensation magnifique qui lui faisait prendre conscience de l’importance des choses, aussi insignifiantes fussent-elles.

- Nous te remercions de ta présence en ce lieu sacré, théurgiste Taylor Masaryk.

La voix dénuée d’humanité de Tkeg résonna dans son esprit : c’était là le seul moyen pour la confrérie de communiquer.

- Pour quelle raison vouliez-vous vous entretenir avec moi ? demanda-t-elle de vive voix, bien qu’elle puisse également communiquer par l’esprit.

- Nous te surveillons depuis plusieurs mois, théurgiste Taylor Masaryk.

Ce n’était pas une surprise, pour autant ça ne la rassura pas : à eux trois, ils avaient la possibilité de connaître chacune de ses pensées et de surveiller chacun de ses gestes. Ils usaient rarement de ce pouvoir, et quand bien même les théurgistes avaient la possibilité d’ériger des barrières pour repousser toute intrusion dans leur esprit, cela requérait une force considérable.

- L’agitation de tes rêves n’a pas échappé à Axizrd, le maître de l’air et des rêves, théurgiste Taylor Masaryk.

Chaque fois qu’elle rencontrait la confrérie, Axi avait pour habitude de parler de lui à la troisième personne et cela l’agaçait : elle avait l’impression d’être rabaissée à une vulgaire chose inutile. Il n’en était rien, c’était simplement sa façon d’être.

- C’est un simple cauchemar…

- Axizrd sait que tu n’en crois pas un mot, théurgiste Taylor Masaryk.

- Il ne veut rien dire.

- C’est là que tu te trompes, ton cauchemar n’en est pas un. Il est le fruit d’un avenir certain, théurgiste Taylor Masaryk.

Elle se massa les tempes en sentant les prémisses d’une migraine.

- Je ne saisis pas.

- La prophétie est en marche, il est de ton ressort d’aller en son sens, théurgiste Taylor Masaryk.

Des points lumineux apparurent devant ses yeux et elle perdit l’équilibre : son esprit éprouvait une surcharge en raison de l’importante quantité d’énergie qui régnait dans ce lieu sacré.

Ton ennemi n’est pas toujours celui qui te ressemble le moins. Dans vos différences, vous êtes alliés. Dans vos particularités, vous êtes complémentaires. La mort arrive et avec elle la prophétie. Va, théurgiste Taylor Masaryk.

La noirceur de la redoutable Mroy envahit son esprit et lui coupa le souffle. Elle était le dernier membre de la confrérie, une mage noire dont personne ne connaissait l’étendue de son pouvoir : elle était la mort, et partout où elle allait son armée d’ombrageux la suivait.

Les trois êtres tendirent leur bras en direction de Taylor et la téléportèrent devant la porte qui se recouvrit de lierre. Elle prit appui sur un tronc d’arbre : son esprit embrumé par l’afflux d’énergie et les propos énigmatiques de la confrérie.