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tome 1, Chapitre 20 tome 1, Chapitre 20

Dans l’avion pour rentrer à Shanghai, l’ambiance était maussade et les joueurs empreints à une profonde déception suite à leur défaite en quart de finale. Le changement soudain de la version du jeu avait déstabilisé l’ensemble des équipes, et malgré les nombreuses heures d’entraînements ça n’avait pas suffi à Dragon pour atteindre la finale. L’entraîneur Xie Tao avait fait son possible durant les deux jours qui avaient précédé au premier match, mais ça n’avait pas suffi. Il s’était senti si impuissant en voyant leur aventure prendre fin et coupable de ne pas avoir pu leur offrir la victoire. Feng avait joué son rôle de manageuse et l’avait rassuré, mais le moral de l’ensemble de l’équipe était au plus bas et elle savait plus comment les aider.

Elle regarda Sacha pianoter des lignes de codes sur son ordinateur dans le but de continuer d’améliorer la sécurité de l’organisation. Ensemble ils avaient traversé des moments difficiles auprès de la mafia russe, elle lui était reconnaissante pour tout ce qui lui avait apporté et pour la confiance qu’il plaçait en elle. Elle espérait ne jamais le décevoir ainsi que Vitali, Arkadi et Valia. Ils avaient tous vécu des évènements qui avaient progressivement fait naître une haine profonde pour le parrain de la mafia russe : Ladislas von Keyserling. Ils nourrissaient maintenant l’espoir de pouvoir se venger, et Feng était déterminée à obtenir ce qu’ils désiraient si ardemment.

Elle regarda ensuite Shu-Fang qui dormait en face d’elle. Ils n’avaient finalement jamais pris le temps de discuter après la rencontre avec Clarence et l’appel avec Shi Shen dont il avait été témoin. Il avait même cessé de vouloir obtenir des informations, comme si cela n’avait plus d’importance pour lui. Il s’était même désintéressé de Feng et ne lui parlait que par grande nécessité. Elle ne comprenait pas son brusque changement de comportement, mais c’était peut-être pour le mieux.

L’avion se posa sur une piste de l’aéroport de Shanghai-Pudong et les joueurs descendirent la tête basse, honteux de la performance qu’ils avaient montrée à leurs fans. Ils récupérèrent leurs affaires, puis rejoignirent les voitures garées sur un parking privé, loin de la foule à la demande de Feng.

Sacha salua sa marraine d’un signe de tête et monta dans un véhicule pour rejoindre l’atelier de la mafia Phénix. Shu-Fang, quant à lui, s’en alla sans un mot ni un regard et rentra à la Triade Huo pour avoir une conversation avec son père.

Il le trouva devant le Hall du feu ardent à superviser l’entraînement aux arts martiaux des recrues.

- Père, s’inclina-t-il. Pouvons-nous discuter en privé ?

Shi Shen regarda son fils, le sonda, puis ils prirent la direction des jardins où la faible fréquentation et le calme qui y régnait leur permettraient de discuter sans crainte.

- Il y a-t-il un problème ?

- À toi de me le dire, répliqua Shu-Fang d’un ton qu’il n’avait encore jamais employé avec son père.

Shi Shen était un homme d’apparence froide, il avait éduqué son fils et sa fille d’une manière stricte en priorisant le respect envers leurs aînés et en leur donnant les clés pour survivre. Il avait su dès le début que Shi Jia, son plus jeune enfant, n’était pas faite pour leur monde et il l’avait encouragé à poursuivre la voie qu’elle souhaitait emprunter. Toutefois, ce fut différent pour son fils, Shi Shu-Fang, car il avait toujours eu une prédisposition pour succéder au chef de la Triade. Il était fait pour ce monde, cependant il n’en avait pas encore conscience. Il l’avait donc autorisé à devenir idol, mais aujourd’hui il le regrettait. Shu-Fang n’en avait été que plus perturber et indécis quant à l’avenir. À présent, Shi Shen redoutait le jour où le Tak khunn, Shi Yue-Yan, partirait pour un autre monde. Il était prêt à être le chef de la Triade, c’était sa destinée, mais il appréhendait les répercussions sur son fils.

- Que se passe-t-il avec la mafia Phénix ?

- Que cherches-tu précisément à savoir ? demanda Shi Shen en retour.

- Tout. Je veux qu’on arrête de me mentir et de me cacher des choses ! s’énerva-t-il.

- Qui te cache quelque chose ?

- Tout le monde.

- Pourquoi penses-tu que des choses te sont cachées ? continua de la questionner Shi Shen faisant honneur à son statut de bâton rouge de la Triade Huo qui s’accompagnait d’une grande maîtrise de soi.

Il forçait Shu-Fang à trouver lui-même les réponses à ses questions pour le contraindre à réfléchir à ce qu’il voulait véritablement, à trouver qui il était et où était sa place.

- Justement, j’aimerais savoir.

- Que s’est-il passé pour que tu penses ainsi ?

- Le premier fidèle du parrain de la mafia russe est venu à notre rencontre, déclara Shu-Fang.

Il regarda son père et comprit qui ne lui apprenait rien.

- Tu es déjà au courant. C’est toi qu’elle a appelé, en déduit-il. Tu étais au courant qu’elle avait une fille ?

- Des hommes veillent à sa sécurité, affirma Shi Shen.

- J’étais donc le seul à l’ignorer, en conclut-il. Pourquoi t’a-t-elle appelé ?

- Pourquoi penses-tu qu’elle l’ait fait ?

- Arrête de me retourner mes questions !

Sa voix grave et puissante fut portée par le vent et fit fuir les oiseaux posés dans les arbres.

- Pourquoi penses-tu qu’elle m’ait appelé ? répéta Shi Shen plus durement.

- Pour te demander de l’aide.

- C’est en effet ce qu’elle a fait.

- Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qu’elle a avoir avec la Triade 14K ? demanda Shu-Fang le visage marqué par l’inquiétude et la colère.

- Que sais-tu exactement ?

- Rien, avoua-t-il.

- Si tu poses la question, c’est que tu sais des choses, souligna Shi Shen.

L’approche qu’il utilisait avait déjà fonctionné à de nombreuses reprises, mais sur le moment il se sentait comme un enfant ignorant et c’était blessant. Il prit néanmoins sur lui et lui répondit.

- Le parrain de la mafia russe a volontairement laissé Feng s’implanter en Chine et il a la Triade 14K sous ses ordres.

- La mafia russe est plus dangereuse que nous le pensions, avoua Shi Shen à regret.

- Pourquoi la Triade 14K s’allierait-elle avec eux ?

- Ce n’est pas la bonne question.

- Dans ce cas, pourquoi Feng est-elle reliée à la Triade 14K ? Ne sait-elle pas le danger que représente cette organisation ?

- Elle l’a su lorsqu’il était déjà trop tard.

- Que veux-tu dire ?

- Tu sais comment nous fonctionnons.

Il le savait et il prit réellement conscience du danger qui pesait sur Feng et son organisation.

- Le coup de couteau, c’était en guise de premier avertissement.

Son père acquiesça et un goût amer envahit sa bouche.

- Ce n’est pas le cas, répondit Shi Shen aux paroles silencieuses de son fils.

- Alors quoi ? Je ne suis pas digne de connaître la vérité, d’être au courant de ce qui se passe réellement ?

- Ça n’a rien à voir avec la dignité, Shu-Fang. Nous ne faisons que te protéger.

- Me protéger ? répéta-t-il sous le choc. Pourquoi aurais-je besoin de l’être ? Vous pensez que je suis incapable de supporter le monde dans lequel nous vivons ?

Shi Shen soupira face au comportement de son fils qui lui confirmait ce qu’il redoutait : il n’était pas prêt. Il était le maître des encens de la Triade, sauf qu’il n’agissait pas comme tel. À l’époque, il avait vu en lui un chef, mais à présent cette impression avait disparu.

- Nous te protégeons pour assurer ta carrière, nous te cachons des informations pour que tu puisses poursuivre ton rêve et que tu ne sois pas mêlé à des affaires qui entacheraient ta notoriété.

- Ce n’est qu’une couverture, précisa-t-il.

- En es-tu si sûr ? Je vais te poser une question et je veux que tu me répondes sincèrement. Le moment venu, accepteras-tu de devenir le chef de la Triade ?

- Je…

- Je vais te poser une autre question : si tu avais le choix, souhaiterais-tu faire partie de la Triade Huo ?

Shu-Fang ouvrit la bouche, mais rien n’en sortit.

- Lorsque tu auras la réponse à cette question, tu sauras quoi faire, lui assura Shi Shen.

Il posa sa main sur l’épaule de son fils et la pressa avant de s’éloigner pour retourner au Hall du feu ardent et reprendre l’entraînement de ses disciples.

- Et pour Feng ? demanda soudainement Shu-Fang. Que suis-je censé faire ?

- Toi, rien. C’est à moi qu’elle a demandé de l’aide.

- Mais je…

- Tu ne devrais pas trop t’attacher à elle, le prévient-il, la guerre à venir la changera.

- C’est déjà trop tard, avoua-t-il.

Il acquiesça, conscient que son fils était déjà épris de la marraine de la mafia Phenix. L’Ancien avait anticipé ce scénario, mais Shi Shen se demandait si c’était une bonne ou une mauvaise chose.


Texte publié par Aihle S. Baye, 29 juin 2024 à 22h47
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