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tome 1, Chapitre 18 tome 1, Chapitre 18

Après le départ de Yeva, les joueurs voulurent sortir prendre l’air et visiter les alentours, mais Feng les dissuada : si l’homme qu’ils détenaient dans le sous-sol de l’hôtel était bien un Homme de main de son père, d’autres étaient probablement en train de guetter une occasion de faire un otage pour la forcer à se montrer. Elle ne pouvait pas les laisser livrer à eux-mêmes dans un monde qui n’était pas le leur, néanmoins elle leur promit de leur montrer des endroits sympathiques le lendemain. Ils obéirent et passèrent leur soirée devant un film, puis allèrent se coucher tôt.

Feng dut attendre d’être certaine que tout le monde dormait pour sortir de sa chambre et quitter la suite avec Shu-Fang. Une fois dans le hall, ils empruntèrent la porte derrière le comptoir et descendirent une volée de marches pour rejoindre le sous-sol. Shu-Fang s’apprêta à entrer dans la pièce où était retenu l’homme, mais Feng posa sa main sur son bras pour le retenir : ils devaient avoir une conversation avant de franchir cette porte, car une tension régnait entre eux depuis la venue de Yeva.

- M’en veux-tu de ne pas t’avoir dit pour ma fille ? lui demanda-t-elle en le regardant droit dans les yeux.

- Non.

- Tu mens.

- Pourquoi me poses-tu la question si tu sais déjà la réponse ? s’agaça-t-il.

Elle ne répliqua pas et n’osa pas lui dire que ce qu’il pensait d’elle lui importait plus que de raison. Elle n’aimait pas savoir qu’il lui en voulait au point de mettre de la distance entre eux.

- Me fais-tu confiance ? demanda-t-il.

- Oui, répondit-elle sans hésiter un seul instant.

- Pourtant tu ne cesses de me cacher des choses, souligna Shu-Fang.

- Ce n’est pas par manque de confiance en toi que je le fais, rectifia Feng.

- Alors pourquoi ?

- Il y a des choses qu’il est préférable que tu ignores pour protéger ta couverture, expliqua-t-elle.

- Et ta couverture à toi ?

- Je suis la marraine de la mafia, mon statut m’impose de devoir m’impliquer dans des affaires dangereuses qui peuvent remettre en cause la double vie que je mène auprès de Dragon, avoua-t-elle.

Feng prenait des risques, elle le savait, mais bientôt elle ne serait plus un danger pour Dragon. Pour Shu-Fang s’était plus compliqué, il n’avait pas le statut de chef de la Triade et ne l’aurait qu’à la suite de son père lorsque lui-même succèdera au Tak khunn actuel. Puis, il aimait également trop sa vie d’idol : chanter et danser étaient ses passions et être obligé de se retirer de la scène lui serait difficile.

- Je le comprends et le respecte, mais j’aimerais mieux te connaître, répondit-il en réduisant la distance entre eux.

- J’aimerais pouvoir tout te dire, tout t’expliquer pour que tu comprennes les décisions que je prends et que je prendrais, mais il m’est difficile de parler de mon passé, expliqua-t-elle en baissant la tête.

Feng était une femme forte, son éducation et l’apprentissage qu’elle avait eu l’avaient forgée, ainsi que ses expériences. Pourtant elle gardait en elle une profonde cicatrice qui ne se refermerait que lorsque vengeance aura été faite. Sa vie se résumait maintenant plus qu’à cette idée et rêvait presque toutes les nuits que ce jour arrive. Elle aurait aimé pouvoir raconter à Shu-Fang son histoire, sauf qu’elle ne pouvait pas mettre en péril son plan planifié avec tant d’ardeur. Plus il y avait de personnes au courant et plus il y avait de risque de ne pas pouvoir arriver au bout, et ça elle ne pouvait le permettre. Quoi qu’il arrive, elle se vengerait, même si elle devait y perdre la vie.

Shu-Fang plaça son doigt sous le menton de Feng pour lui faire relever la tête et caressa sa joue avec douceur.

- Quand tu te sentiras prête, je serais là, je ne compte pas partir, déclara-t-il en se penchant pour déposer un baiser sur son front.

- Merci, murmura-t-elle avec émotion.

Il agissait avec douceur et bienveillance à son égard à tel point qu’il devenait progressivement un pilier sur lequel elle pouvait s’appuyer et exprimer son ressentiment et ses doutes.

Ils s’écartèrent l’un de l’autre mettant fin l’échange et à leur proximité. Feng retira la manchette qui masquait son tatouage et ils entrèrent dans la pièce où le prisonnier attendait. Ils franchirent la porte et la métamorphose s’opéra, ils basculèrent dans l’envers du décor, du côté le plus sombre du monde dans lequel ils évoluaient. Les traits de leur visage se durcirent, leurs regards s’assombrirent et leur aura devint menaçante.

Des scientifiques avaient longuement étudié le cerveau humain et avaient déterminé qu’avec un entraînement spécifique l’être humain était capable de contrôler son esprit et ses émotions. Les mafias et Triades s’étaient servies de cette théorie pour ajuster l’entraînement de leurs recrues. Feng et Shu-Fang étaient à présent capables de contrôler le flux émotionnel qui circulait et venaient alerter leur cerveau d’un potentiel danger ou leur conscience d’une mauvaise action. Cette capacité leur offrait la possibilité d’éteindre leurs émotions, leurs sentiments et de devenir de véritable tueur.

L’homme assis sur la chaise voulut se lever et fuir en les voyant arriver, mais les cordes soigneusement attachées le privèrent de toute évasion. Il déglutit en regardant un de ses bourreaux récupérer une chaise et s’installer en face lui.

- Nom et prénom, demanda Shu-Fang et le prisonnier rit.

- Nom et prénom, réitéra-t-il.

Il obtint en guise de réponse qu’un crachat. Shu-Fang sourit, amusé par son audace et sa stupidité. Ce rapide échange lui confirmait qu’il s’agissait qu’un simple soldat qui n’avait aucune place importante au sein de son organisation et ne savait probablement pas grand-chose. Toutefois, ça n’arrêta pas le duo : si le prisonnier détenait des informations, ils se devaient de les lui faire cracher.

Shu-Fang regarda Feng qui acquiesça. Elle quitta le cercle éclairé par un néon et dans l’espace sombre de la pièce, des bruits métalliques se firent entendre, ainsi que celui d’une perceuse. Le sourire de l’homme se fana quelque peu, mais il tenta de ne rien montrer de la peur qui commençait de nouveau à prendre possession de son corps.

Feng disposa sur un chariot médical plusieurs instruments et le fit rouler jusqu’à revenir dans la lumière, puis sa main passa au-dessus des outils sans savoir lequel choisir en premier. Elle avait appris à torturer en se faisant elle-même torturer : son corps était témoin de cette partie importante de son apprentissage qui avait contribué à faire d’elle une tueuse capable d’éteindre ses émotions. En tant que fille du parrain de la mafia, son propre père s’était chargé de son entraînement. Feng se souvint encore du plaisir qu’il avait ressenti à lui faire subir toutes sortes de châtiments. Aujourd’hui, elle l’en remerciait, car elle avait beaucoup appris. La torture exigeait certaines règles pour obtenir des prisonniers des informations, une allégeance ou encore une reconnaissance. Tout pouvait devenir un prétexte pour torturer, mais il fallait faire attention et ne pas franchir la ligne de non-retour : il était très aisé de se perdre en faisant souffrir d’autres individus et de finir par y prendre beaucoup de plaisir au point de ne pas pouvoir survivre sans.

Elle finit par se décider et opta pour une petite pince parfaite pour arracher les ongles. Elle saisit la main du prisonnier qui perdit toute contenance. Il se débattit avec acharnement, le regard totalement apeuré tandis que la sueur perlait sur son front, mais Feng maintient fermement sa main en place et approcha la pince de son auriculaire. Il se mit à la supplier de l’épargner en pleurant, sauf qu’il n’obtint aucune réaction, alors il regarda Shu-Fang pour espérer trouver de l’aide.

- Nom et prénom, continua-t-il de demander.

- Arrêtez, s’il vous plaît, arrêtez, suppliait-il en russe.

- Nom et prénom.

Il continua d’implorer. Shu-Fang soupira en se passant la main dans ses cheveux et fit signe à Feng de commencer. L’homme voulut protester, mais seul son cri de douleur se fit entendre. Sa tête partit en arrière et il s’évanouit lorsque Feng agita son ongle arraché devant son visage. Elle rit, puis récupéra un seau d’eau froide, lui jeta au visage et lui donna quelques claques pour le faire revenir à lui.

- Nom et prénom, répéta une énième fois Shu-Fang d’une voix dénuée de toutes émotions.

Le prisonnier les regarda complètement terrorisé, pourtant il conserva le silence. Feng reprit donc sa pince et lui arracha cette fois-ci deux ongles. Le cri d’agonie qui s’en suivit déchira la gorge de l’homme tandis que son sang se répandait sur la bâche noire installée mise en dessous de sa chaise.

- Nom et prénom.

Il contracta sa mâchoire et se mordit l’intérieur des joues pour ne pas parler. Il ne devait pas céder, sinon il aurait trop honte pour retourner auprès de son organisation. Feng lui arracha les deux derniers ongles de sa main droite lui faisant perdre de nouveau connaissance. Elle se plaça alors sur sa gauche et le réveilla.

- Arrêtez, supplia-t-il faiblement.

- Nom et prénom.

Feng approcha la pince de son pouce et l’homme pâli conscient qu’elle n’hésiterait pas, elle lui avait déjà prouvé sa cruauté.

- Aksyonov Vyacheslav, capitula-t-il suivit d’un cri de douleur.

Il avait peut-être répondu, toutefois Feng ne pouvait pas le laisser espérer que la torture prendrait fin aussi rapidement, sinon il allait commencer à inventer toutes sortes d’histoires dans l’espoir d’être relâché.

- À quelle organisation appartiens-tu ?

Il garda cette fois-ci le silence et vit un autre de ses ongles lui être arraché en serrant les dents. Feng comprit qu’il commençait à s’habituer à la douleur qui était vive et passagère, alors elle retourna auprès de son chariot et prit un couteau à lame dentelée. L’arme pouvait sembler peu efficace comparé à la torture que venait de subir le prisonnier, mais il ne fallait pas sous-estimer une telle lame.

Feng se plaça face à l’homme et d’un simple coup de poignet fit une première entaille sur son torse. Il grogna, bien que l’impact fut réduit par le haut qu’il portait, mais il fut rapidement mis en lambeau par les nombreux coups que son bourreau lui infligea.

- À quelle organisation appartiens-tu ?

Il les regarda, osa bomber le torse et sourire. Feng fit disparaître toute trace de fierté sur son visage en lui tranchant son torse de sa hanche droite à son épaule gauche. Elle appuya avec force sur le manche et la lame transperça sa peau pour s’enfoncer dans son corps et déchirer chaque fibre. Le sang coula abondamment et l’homme hurla de douleur en se débattant sur sa chaise pour essayer vainement de s’échapper.

- À quelle organisation appartiens-tu ? répété Shu-Fang qui restait sagement assis sur sa chaise à observer le spectacle.

- La mafia russe, répondit-il en grimaçant de douleur.

- Quels étaient tes ordres ?

- Surveiller…la fille et…attendre le bon moment pour…la capturer.

- Pourquoi ?

- Je ne…sais pas.

Feng appuya la lame sur son torse et l’enfonça lentement sous le cri de protestation de sa victime.

- Nous…, reprit-il en regardant son bourreau pour l’arrêter. Nous devons…surveiller l’hôtel.

- Pourquoi ? demanda Shu-Fang toujours aussi calme.

- Pour la capturer, répondit-il en regardant Feng.

Il avait dit tout ce qu’il savait, les informations sensibles n’étaient pas communiquées à un pauvre soldat.

Feng savait que ses parents feraient tout pour récupérer sa fille afin d’en faire leur pantin, et ils voulaient la récupérer elle pour lui faire payer sa trahison. Elle aurait aimé connaître la disposition de ses troupes, sa capacité d’armement, mais seuls les membres les plus proches du parrain avaient connaissance de toutes ces informations. Il s’était passé moins d’un an depuis qu’elle avait véritablement déserté la mafia russe, mais son père l’avait toujours gardé à distance des affaires de l’organisation, alors elle n’avait aucune idée de la menace qu’il représentait réellement.

Elle échangea un regard avec Shu-Fang, puis lui sourit avant de faire de nouveau face à Vyacheslav et de lui perforer le coeur de sa lame. Il succomba peu de temps après, recouvert de son propre sang sous le regard satisfait de son bourreau.


Texte publié par Aihle S. Baye, 23 juin 2024 à 14h10
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