C’était la première fois que Feng se promenait dans le jardin et elle devait avouer qu’elle appréciait beaucoup. L’endroit donnait de la souplesse au repère qui accueillait des hommes et des femmes aux personnalités froides et dangereuses, les arbres étaient soigneusement taillés, les plantes convenablement entretenues et le doux bruit des fontaines accompagnés des chants des oiseaux rendaient le tout apaisant. Un espace de repos et de plénitude qu’il fallait chérir face à l’incertitude du monde dans lequel ils évoluaient.
Son téléphone sonna et rompit le charme de cet instant.
- Je vais devoir y aller, s’excusa-t-elle auprès de l’Ancien en s’inclinant, puis elle retourna à sa voiture.
Elle rejoignit son repère où Shi Shu-Fang attendait devant l’atelier.
- Tu pouvais sonner, ils t’auraient laissé entrer, lui dit-elle en arrivant à sa hauteur.
- Je sais, mais je voulais te demander comment ça s’était passé avec l’Ancien.
- Bien.
- Tu ne comptes pas me dire de quoi vous avez parlé ? reprit-il après un moment de silence.
- Nous avons discuté de choses que tu sais déjà, mentit-elle.
Il l’observa et n’insista pas : il n’était pas le chef de la Triade, il n’était pas en position d’exiger des réponses.
Feng lui tourna le dos, entra dans l’atelier en saluant Xue Yi et descendit au sous-sol.
- Réunion ! alerta Vitali en voyant sa marraine arriver et retirer sa manchette.
- Nous avons peu de temps, faisons vite, déclara Feng en s’asseyant autour de la table avec Shi Shu-Fang. Valia ?
- Vous embarquez demain à 11h de l’aéroport de Shanghai-Pudong. Vous arriverez à l’aéroport de Domodedovo à 20h, soit 15h heure locale, expliqua-t-elle.
- Bien. Sacha ?
- Comme convenu, vous voyagez dans l’avion privé de la Triade Huo. Une inspection aura lieu demain avant le décollage, informa-t-il.
- Parfait. Concernant notre arrivée à Moscou ?
- La sécurité sera assurée par mes hommes, répondit Shi Shu-Fang sous le regard vigilant de Vitali.
Feng hocha la tête et fit signe à Sacha de poursuivre.
- La Triade Huo possède un hôtel proche de l’arène, vous y séjournerez. Si tu me le permets Xenia, j’aimerais vous accompagner pour superviser la sécurité.
- C’était déjà prévu.
- Merci.
- Les autres vous restez ici.
- Xenia ! protesta Vitali. Je croyais…
- Que croyais-tu au juste ? le coupa-t-elle avec fermeté. Je suis la marraine, je prends les décisions et vous obéissez. Ton statut de premier fidèle ne te donne pas tout les droits, lui rappela-t-elle.
- Non, je ne…
- Que vous donniez votre avis est une chose, mais que vous remettiez en doute mes ordres en est une autre. Que ce soit clair, il n’y aura pas de deuxième avertissement, les avertit-elle. C’est compris ?
Ils gardèrent le silence sans oser lever les yeux.
- C’EST COMPRIS ? répéta-t-elle en donnant un coup de poing sur la table.
- Oui ! répondirent-ils tous à l’unisson.
Feng croisa le regard de chacun de ses membres et tous baissèrent la tête en signe de soumission, mais elle vit une lueur briller dans les yeux de Vitali : l’envie de se rebeller.
- Reprenons : Valia, tu garderas un œil sur les autres organisations et sur le dark net. Tu assureras également la sécurité de l’atelier.
Elles se regardèrent et un échange silencieux sembla avoir lieu. Feng avait confiance en Shi Shu-Fang, mais préférait prendre ses précautions et éviter de dire à voix haute qu’elle faisait surveiller de près la Triade 14K.
- Arkadi, tu assures l’approvisionnement en armes et en marchandises. Soit prudent, fais-toi accompagner des hommes de la Triade Huo.
- À tes ordres.
- Vitali, tu les supervises le temps de mon absence et tu me rendras compte.
- À tes ordres, dit-il avec un goût amer dans la bouche.
- Au moindre problème, prévenez-moi. N’hésitez pas à faire appel à la Triade Huo, vous pouvez compter sur eux. Si vous n’avez pas de question, vous pouvez disposer.
Ils s’inclinèrent et retournèrent à leur occupation, mais Valia s’approcha de Feng.
- Un problème ?
- Je dois te parler.
- Je t’écoute.
- En privé, précisa-t-elle en coulant un regard à Shi Shu-Fang qui s’éloigna de lui-même.
- Que se passe-t-il ?
- L’Institut m’a contacté par le biais du système de communication que nous avions mis en place en cas d’urgence, annonça-t-elle.
- Je suis au courant : mes parents veulent voir Yeva pour obtenir sa garde.
- Comment le sais-tu ? demanda Valia avec surprise et déception.
- L’Ancien a des hommes qui sécurisent l’Institut, il m’en a informé.
- Je vois, répondit-elle dans un soupir.
Feng avait conscience que Valia se sentait parfois inutile, mais heureusement elle avait trouvé une façon d’y remettiez.
- Je n’ai pas eu le temps de t’en parler plus tôt, mais la Triade Huo à son propre système de traitements de l’information. Tu devrais te coordonner avec eux et s’il y a besoin de changer notre matériel, fait le.
- D’accord.
- Valia, ce n’est pas parce que je reçois certaines informations par le biais de quelqu’un d’autre que ton travail est inutile. Je préfère que tu me dises quelque chose que je sais déjà, plutôt que de manquer une information. Tu fais de l’excellent travail, ne doutes pas de toi !
- Merci, Xenia, répondit-elle avec un sourire avant de partir.
Feng regarda Shi Shu-Fang qui lui fit signe de s’écarter des oreilles indiscrètes de ses Hommes.
- Fais attention Feng, l’avertit-il.
- À propos de Vitali ? devina-t-elle.
- Il devient envieux et ambitieux.
- Je sais, mes rappels à l’ordre ne semblent pas l’affecter.
- Est-ce une bonne idée de le laisser ici ?
- Je dois le tester. S’il échoue, je m’occuperai personnellement de son cas, affirma-t-elle.
Shi Shu-Fang sourit.
- Tu ne m’en crois pas capable ?
- Je ne doute pas de tes capacités, tu sembles avoir vécu et fait beaucoup de choses, répondit-il avec sérieux.
- Alors quoi ?
- C’est simplement une facette de ta personnalité que j’apprécie, tu devrais la montrer plus souvent.
- Tu oses te moquer en plus ! fit-elle semblant de s’offusquer.
Feng lui donna un coup de poing dans l’épaule et Shu-Fang se mit à rire, attirant l’attention de Vitali et Arkadi qui planifiaient la prochaine réception de marchandises.
- Tu nous rejoindras à l’aéroport ? demanda-t-elle en reprenant son sérieux.
- Oui, j’inspecterai l’avion avec le personnel.
Elle acquiesça, puis plongea dans ses pensées : elle redoutait son retour en Russie, parce qu’elle n’avait aucun moyen de les empêcher de la trouver.
- Un problème ?
Elle le regarda et se demanda si elle devait tout lui raconter : il allait forcément découvrir la vérité au cours de ce voyage, c’était inévitable.
- Je…commença-t-elle. Je crois que nous avons fini.
Elle s’éloigna sans lui laisser le temps de la questionner davantage. Elle n’était pas prête à parler de son passé, elle ne voulait pas lire la pitié dans son regard lorsqu’elle lui raconterait son histoire.
- Attends.
- Il la retint par le bras et le maintint en l’air.
- Qu’est-ce que tu fais ?
Il s’approcha et observa avec minutie son tatouage en caressant chaque ligne depuis son poignet à remonter jusqu’à son épaule. Feng le regarda étudier le dessin qui symbolisait son appartenance à la mafia et son statut de marraine, et eut un frisson en sentant son souffle chaud sur sa peau.
- Où s’arrête-t-il ? demanda-t-il en remontant la manche de son haut.
- Sur ma poitrine, répondit-elle doucement.
Il la regarda, leur proximité mêla leur souffle et le temps sembla s’arrêter. Leur rencontre remontait à peu : ils ne se connaissaient peu et beaucoup de choses étaient encore gardées sous silence, pourtant chaque fois qu’ils se voyaient l’attraction entre eux augmentait et leurs cœurs battaient plus fort.
- M’autoriseras-tu un jour à le voir entièrement ? demanda-t-il en murmurant près de son oreille.
Feng sentit ses joues s’échauffer et sa respiration se bloquer, elle croisa son regard et y lut beaucoup de tendresse. Pour la première fois, elle ne savait pas comment réagir. Le contrôle qu’elle exerçait quotidiennement sur ses émotions n’avait plus lieu d’être en sa présence : il avait cette façon de la regarder et de lui parler qui la faisait éprouver un sentiment nouveau qu’elle n’était pas encore en mesure de définir. Était-ce les prémices de l’avenir que le Tak khunn de la Triade Huo avaient imaginé ? Il était trop tôt pour le dire et Feng ne voulait pas s’accrocher à cette idée. Si cela devait arriver, elle voulait que ça se fasse en douceur et comme ils l’auraient décidés.
- Qui sait ? répondit-elle malicieusement.
Elle lui fit un clin d’œil, puis s’éloigna vers la sortie. Il sourit et la suivit, amusé.
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