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Dans une usine désaffectée au sud du District de Xuhui, Feng se mêla aux spectateurs qui encerclaient une zone de combat, illuminé à la seule lumière du feu allumé dans des barils.

- À qui le tour ? s’exclama une femme en donnant au vainqueur une épaisse liasse de billets.

Feng se fraya un chemin et paya le prix de sa participation, imité par un homme d’une carrure imposante.

- Préparez-vous !

Elle retira sa casquette, son masque, sa veste avec son couteau et sa manchette où la vue de son tatouage procura à certains un mouvement de recul. Récemment implantée, la mafia Phénix avait réussi à se lier avec la Triade Huo et représentait maintenant une menace pour les autres organisations.

Elle entra dans le cercle, échauffa ses chevilles, ses poignets et ses épaules tout en se concentrant sur son adversaire. Lors d’un combat, plus rien n’existait que son adversaire. Toutefois, ce soir elle devait rester vigilante : un ennemi pouvait surgir avec un couteau à tout instant.

- Allez-y ! annonça la femme et le combat débuta.

Les deux combattants se tournèrent d’abord autour pour évaluer l’autre : l’homme était grand, ses épaules larges et ses bras très musclés. Feng analysa son jeu de jambes, sa posture et son regard, puis porta un coup dans son flanc. Il encaissa et répliqua, mais elle était plus rapide de par sa taille et son poids, ce qui lui donna un avantage pour esquiver. Elle avait appris durant ses années d’entraînements intensifs auprès de la mafia russe qu’être le plus musclé ou le plus grand n’était pas signe d’une victoire assurée.

Elle avait pris le temps d’analyser son adversaire afin d’ajuster sa cadence et trouver le bon moment pour attaquer, mais combattre ainsi épuisait une quantité importante de son énergie et l’homme en profita pour lui assommer un coup de poing dans la mâchoire. Feng perdit ses repères et tituba en sentant un goût métallique envahir sa bouche : elle cracha du sang et reprit son souffle en entendant son adversaire rire. Elle essuya sa bouche en fixant l’homme d’un regard meurtrier, puis s’approcha de lui avec lenteur. Un sourire machiavélique se dessina sur son visage en voyant la peur envahir son adversaire face à son aura puissante digne d’une marraine de la mafia. Elle frappa vite et fort aux endroits du corps les plus sensibles et douloureux avec un sourire lumineux sur son visage : l'adrénaline mêlée à l’odeur du sang la faisait jubiler. Elle assomma un dernier coup à son adversaire qui tomba K.O sur le sol poussiéreux et tâché de sang.

Le silence se fit dans le cercle, la prestation de Feng avait montré la puissance de la mafia Phénix et le danger qu’elle représentait en tant que marraine. L’appréhension défigurait les visages, mais parmi les spectateurs, certains affichaient une expression meurtrière : leur soif de sang venait d’être réveillée. Feng ne s’en soucia pas et récupéra ses 8000 yuans de gain, puis ses affaires et reprit le chemin du QG de Dragon.

Elle entra discrètement dans le bâtiment aux lumières éteintes et où seul le brut d’un clavier résonnait depuis la salle de gaming au premier étage. Elle emprunta l’escalier et se dirigea dans la cuisine à pas de loup, mais en passant devant la salle commune elle vit Xie Tao installé sur un coussin à pianoter sur son ordinateur. Elle retint sa respiration et reprit son ascension jusqu’à la cuisine pour récupérer une banane qu’elle mangea et une poche de glace dans le congélateur qu’elle plaça sur sa mâchoire gonflée.

- Feng ? l’appela Tao en la rejoignant.

Elle reposa la poche de glace et ajusta sa casquette pour masquer le bleu qui ornait déjà sa joue et le sang qui avait séché au coin de sa bouche.

- Tout va bien ? demanda-t-il en s’appuyant sur le comptoir en face d’elle.

- Oui, je suis juste fatiguée. Je vais aller dormir, dit-elle en s’éloignant en direction du deuxième étage.

L’entraîneur n’ajouta rien et la regarda s’éloigner, conscient qu’elle avait besoin d’être seule. Ce n’était pas le cas de Ming qui avait quitté la salle de gaming en entendant la voix de sa manageuse.

- Feng ?

- Tu n’es pas encore couché ? souligna-t-elle la tête baissée pour dissimuler son visage.

- Où étais-tu ? Tu ne répondais pas au téléphone.

- J’avais des affaires à régler.

- Quelles affaires ? l’interrogea-t-il en essayant de chercher son regard.

- Tu fais ton travail, je fais le mien, répondit-elle sèchement.

Ming la regarda avec méfiance : depuis l’incident avec Warren, il avait remarqué un changement dans son comportement et sa personnalité, ses paroles étaient devenues plus dures, ses gestes plus assurés et quelque chose se dégageait d’elle au point qu’il avait la sensation d’étouffer.

- Que se passe-t-il ? Tout va bien ? insista-t-il soucieux.

Elle soupira et lui tourna le dos. Elle n’avait pas envie ni l’énergie de parler avec lui, sauf qu’il la retint, instantanément elle posa sa main sur le manche de son couteau dissimulé dans son dos, puis se détacha de sa prise. Ming fut blessé de son geste, pourtant ça ne l’arrêta pas : il retira sa casquette et l’inquiétude l’envahit en voyant le sang séché au coin de sa bouche et sa mâchoire gonflée et bleuâtre.

- Que t’est-il arrivé ? Qui t’a fait ça ? demanda-t-il en voulant examiner sa blessure.

- Personne, répliqua-t-elle en faisant un pas en arrière.

- Feng ! Si quelqu’un te fait du mal, tu…

- Occupe-toi de tes affaires, le coupa-t-elle d’une voix tranchante, puis elle récupéra sa casquette et monta dans sa chambre.