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Quelques jours plus tard

Feng, assise à l’arrière d’un taxi, vérifiait le planning des joueurs et les derniers événements médiatiques auxquels ils devaient assister pour promouvoir la finale du tournoi qui avait lieu bientôt, tandis qu’elle se rendait à un rendez-vous d’affaires avec Tian Liang, le PDG d’un groupe de production de média.

- Nous sommes arrivés, annonça le chauffeur.

- Merci, dit-elle en le payant avant d’entrer dans l’imposant gratte-ciel.

Feng avait rencontré Tian Liang lors d’un séminaire à Londres dans le cadre de sa formation pour devenir manageuse esportive et avait eu l’opportunité d’échanger brièvement avec lui.

- Que puis-je pour vous ? demanda la réceptionniste.

- J’ai rendez-vous avec Tian Liang.

- Un instant, je vous prie.

Feng regarda rapidement les personnes présentes dans le hall à la recherche d’un signe permettant une identification : tatouage, arme. La prudence était devenue vitale et elle ne devait jamais relâcher sa vigilance, car le danger pouvait être partout. Elle rajusta inconsciemment sa manchette masquant le tatouage de son bras gauche qui permettait d’identifier son statut et vérifia la présence de son couteau dans son dos.

- Monsieur Tian est actuellement en rendez-vous, l’informa la femme, il arrivera bientôt.

- Merci.

Feng s’inclina en signe de respect et se dirigea auprès des fauteuils où elle avait repéré Shi Shu-Fang accompagné du leader du groupe 4to1 auquel il appartenait. Elle passa volontairement devant eux et attendit d’être interpellée.

- Liu Feng !

- Shi Shu-Fang, le salua-t-elle en s’inclinant et il fit de même.

L’homme à côté de lui toussa pour signaler sa présence.

- Liu Feng, je te présente…, commença Shi Shu-Fang.

- Sheng Wei ! répondit-il à sa place.

- Enchantée Sheng Wei. Je suis Liu Feng.

- Jiějiě, pourquoi es-tu ici ?

- Wei ! Où sont tes manières ? s’offusqua Shi Shu-Fang.

- Ce n’est rien, ça ne me dérange pas, affirma Feng.

- Tu vois ! T’es juste jaloux Fang-Shu !

- Shu-Fang, rectifia le concerné.

- Fang-Shu ! répéta Sheng Wei en riant.

Son rire attira les regards sur eux et certains en profitèrent pour prendre discrètement des photos. Shi Shu-Fang donna une tape sur l’épaule de son ami et lui demanda de ne pas trop attirer l’attention. Sheng Wei fit la moue, puis reprit son sérieux.

- Vous êtes venu pour... ? voulut demander Shi Shu-Fang.

- Feng, l’interrompit le PDG Tian Liang. Excuse-moi, la réunion a été plus longue que prévu.

Il salua brièvement les deux chanteurs et s’éloigna en compagnie de Feng. Elle s’attarda un instant, échangea silencieusement avec Shi Shu-Fang, et eut la confirmation par hochement de tête qu’une entrevue était toujours possible avec la famille Shi.

Tian Liang guida Feng jusqu’à sa Mercedes, puis ils roulèrent jusqu’au restaurant où une table les y attendait pour le déjeuner. Là-bas, ils furent accueillis par une femme vêtue d’une robe traditionnelle qui donnait du caractère au lieu. Feng appréciait la culture ancienne et trouvait gratifiant de connaître les coutumes et les histoires du passé.

- J’ignorais que tu avais déjà rencontré un membre de la famille Shi, dit Tian Liang en entrant dans le vif du sujet alors qu’ils prenaient place à la table.

- Nous nous sommes croisés par hasard.

- Un sacré hasard, souligna-t-il et Feng sourit en prenant la carte du menu.

Tian Liang était loin d’être dupe et avait rapidement compris que Shi Shu-Fang faisait partie de son plan.

- Tu prends beaucoup trop de risques en voulant les rencontrer.

- Il vaut mieux que ce soit moi qui vienne à eux, plutôt qu’eux à moi, précisa-t-elle en reposant le menu. Tu sembles ignorer que je connais parfaitement ce milieu, je sais comment il fonctionne.

- Les Triades fonctionnent différemment, dit-il en chuchotant pour ne pas attirer l’attention des autres clients. Ne t’aventure pas trop loin.

- Est-ce une menace ?

- Une simple mise en garde : la famille Shi est la plus puissante de Shanghai, ne te les met pas à dos.

- Ce n’était pas mon intention.

Il soupira : il trouvait Feng trop sûre d’elle et trop ambitieuse. Il ressentait le besoin de la protéger et de la tenir loin de ce monde qui ne ferait qu’une bouchée d’elle.

- Arrête Liang ! Je ne suis pas une petite fille fragile, je suis née et j’ai grandi dans ce milieu donc je le connais très bien, dit-elle, agacée. Les Triades ne m’effraient pas, je sais comment elles fonctionnent et de quoi elles sont capables. Puis, ce n’est rien comparé à ce que j’ai déjà subi et fait subir, clarifia-t-elle.

- Tu es faite pour ce monde, avoua Tian Liang à regret.

- J’ai été éduqué pour l’être.

Elle était fière de l’éducation qu’elle avait reçue et de l’entraînement qu’elle avait subi, malgré les événements qui avaient engendré sa fuite. Elle ne regrettait pas d’être née dans une telle famille et ne comptait pas essayer de changer : elle était faite pour cette vie.

La serveuse vint prendre leur commande, clôturant cette conversation. Ils attendirent leur repas en silence et ce fut qu’en mangeant que Tian Liang reprit la parole.

- Que comptes-tu faire de Shi Shu-Fang ?

Feng le regarda, perplexe, il parlait de lui comme s’il était un objet.

- À part l’utiliser pour rencontrer sa famille, précisa-t-il sans jugement.

- Je ne l’utilise pas, rectifia-t-elle.

Il n’était pas convaincu, dans ce monde tout était prétexte pour se servir d’une personne, les limites n’existaient pas.

- Je n’ai rien prévu pour lui, répondit tout de même Feng en coupant sa viande.

- Pourquoi ne lui proposes-tu pas de devenir l’image de Dragon ?

- Non, trancha-t-elle.

- As-tu au moins réfléchi à la question ?

- Ce n’est pas nécessaire.

- Feng…

- Non Liang, le coupa-t-elle. C’est trop risqué.

- Pour l’instant, mais si tu arrives à t’associer avec la famille Shi peut-être que…

- Ça tournerait les regards sur nous, et qui sait ce qui pourrait arriver ?

Tian Liang abdiqua, il connaissait le milieu dans lequel évoluait Feng, car c’était en partie le sien : il renseignait ceux en quête de savoir en échange d’autres informations, d’argent ou de marchandises. Il avait aidé Feng à prendre ses marques à son arrivée en Chine et agissait aujourd’hui comme un conseiller. Il connaissait donc beaucoup de choses sur elle, mais une part d’ombre persistait : la raison de son départ de la Russie et son véritable objectif.

Le repas se termina et Tian Liang raccompagna Feng au QG de Dragon. Au moment de descendre, elle prit les deux enveloppes scellées qui lui tendit : l’un contenait les noms d’entreprises susceptibles de soutenir Dragon, l’autre recensait d’importantes informations sur les Triades de Shanghai et le trafic des marchandises qui s’y faisait.