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Le crépuscule…

Une dense forêt…

Des bruits à faire froid dans le dos…

Mon monde. Ma vie. J’avance lentement, pour profiter de cette ambiance macabre. Ma petite masure apparait alors au détour d’un sentier. Un geste de la main. La porte s’ouvre. Un autre. Elle se referme derrière moi. Je claque des doigts. Le feu s’allume dans la cheminée. Un feu vert. Un feu froid. Ma journée a été longue. Le soleil frappait ma peau verte, abimait mes yeux noirs. Mais j’ai tout de même gagné beaucoup. Je jette ma bourse sur la table. J’entends un tintement qui me fait sourire. De l’or. Je m’installe sur une vieille chaise. Elle grince. J’ouvre la bourse et verse mon gain sur la table. J’observe mon trésor quelques instants, et commence à compter.

- Un… Deux… Trois…

- Trois-cents-vingt-sept… Trois-cents-vingt-huit…

TOC, TOC, TOC !

Je sursaute et renverse mes pièces d’or sur le sol. Plus qu’à tout recompter. Furieuse, je me lève et crache en m’approchant de l’entrée:

- Qui ose me déranger à cette heure ?!

En ouvrant la porte, je trouve une jeune fille sur le seuil. Elle se crispe en voyant ma peau verte.

- Je suis vraiment désolée… s’excuse-t-elle. Je… Je cherche un abri pour la nuit…

Elle regarde le sol. Je la scrute de la tête aux pieds. Ses yeux sont rouges, elle a pleuré. « Elle doit être perdue. Quelle chance ! Cela faisait longtemps ! »

- Mais oui, bien sûr. Dis-je en adoucissant le ton de ma voix. Entre, mon enfant.

- Merci, madame. Merci beaucoup.

Elle entre et regarde autour d’elle. Elle a un mouvement de recul devant le feu vert, mais n’ose rien dire.

- Assieds-toi, petite. Dis-je en lui désignant un fauteuil.

Elle s’assoit timidement devant la cheminée.

- Veux-tu du thé ? Demandé-je.

- Je ne veux pas vous déranger.

- Mais non, mais non…

Je prends une petite fiole sur une de mes étagères. Elle me regarde faire en silence. Je verse le liquide jaunâtre qu’elle contient dans une casserole crasseuse et l’approche du feu.

- Peux-tu tenir ça au-dessus des flammes, je te prie ? Prévient-moi quand ça boue.

Elle hoche la tête et prends la casserole. Je prends quelques pots sur les étagères. L’un contient des herbes, un autre des pâtes de scarabée, un autre encore des coquilles d’escargots. J’écrase le tout dans un mortier pendant que la jeune fille est concentrée sur l’eau, jusqu’à obtenir une petite poudre.

- Ça boue, dit alors la jeune fille.

- Bien.

Je m’approche et met la poudre dans la casserole.

- Qu’est-ce que c’est ? Demande-t-elle.

- Des feuilles de menthe et de la réglisse, dis-je d’un ton mielleux. Mon mélange préféré. Maintenant on attend un peu.

Je lui retire la casserole des mains et la pose sur la table. Puis, sans qu’elle ne m’entende, je murmure :

- Potion jaune aux airs attrayants, devient verte donne-moi cette fille maintenant.

Le liquide change lentement de couleur. Je vais chercher une tasse en bois, un peu fissurée. Je verse doucement la boisson dedans et la tends à la jeune fille. Puis je viens m’asseoir près d’elle. Je vois le dégout se peindre sur son visage lorsqu’elle voit la liqueur.

- C’est délicieux, je t’assure.

Elle me regarde et, par politesse, prend une petite gorgée.

- Au fait, dis-je lorsqu’elle a bu, quel est ton nom ?

- Milène. Répond-elle.

« Ça y est, pensé-je. Elle a dit son nom. Elle est à moi. »

Un nuage noir sort de la tasse et entoure Milène. Je vois la panique s’emparer d’elle. Elle essaye de fuir, mais reste clouée sur place. Elle disparait derrière l’épaisse fumée, puis celle-ci se dissipe quelques secondes plus tard. La jeune fille n’est plus là. A sa place, sur le sol, se trouve un anneau d’argent. Je le ramasse et le passe à mon doigt. Je sens une nouvelle puissance magique s’emparer de moi. Quelle joie. Moi, la sorcière des bois, n’avait pas volé d’âme depuis bien longtemps. « Mais ce ne sera pas la dernière. J’ai encore plusieurs siècles devant moi. » Je ramasse mes pièces d’or et m’installe de nouveau sur ma vielle chaise. Puis je recommence à compter.

- Un… Deux… Trois…

- Quatre-mille-cent-douze… Quatre-mille-cent-treize…

TOC, TOC, TOC !

- Ah non, pas encore ! M’exclamé-je.

Prenant garde à ne rien renverser cette fois ci, je vais ouvrir. L’aube commence à paraitre. C’est un jeune homme qui se tient devant la porte. Me voyant en colère, il s’excuse :

- Pardonnez-moi de vous déranger si tôt, madame. Je cherche ma sœur. Hier soir, elle est allée se promener et n’est pas revenue. Je suis donc parti à sa recherche, et je viens de voir votre cabane. Peut-être l’avez-vous aperçue ? Elle est grande comme ça, cheveux châtains et yeux clairs. Elle s’appelle Milène.

Je réfléchis quelques instants. Puis une idée me vient.

- Oui, dis-je. Je l’ai vue. Mais hélas…

Je regarde derrière moi, faisant mine de vérifier quelque chose. J’ajoute en baissant la voix :

- Ma sœur, l’horrible sorcière des bois, l’a capturée. Elle a volé son corps et a enfermé son âme dans un anneau d’argent. J’ai heureusement réussi à le récupérer, c’est celui-là même que je porte au doigt. Je vous propose un marché : si vous me donnez mille pièces d’or pour pouvoir vivre loin de ma cruelle sœur, je vous donne l’anneau et vous aide à libérer Milène.

- Bien sûr ! J’accepte.

- Bien. Revenez cette nuit, ma sœur dormira. Vite, partez ! Je l'entends qui vient !

L’homme s’enfuit entre les arbres. Je ricane et retourne compter mes pièces.

- Quatre-mille-cent-quatorze…

- Dix-mille-deux-cent-deux…

TOC, TOC, TOC !

Cette fois, je sais qui est là. J’ouvre en souriant. Le jeune homme de ce matin me tend une bourse pleine.

- Soyez le bienvenu, mon brave. Vous prendrez bien une tasse de thé ?

Fin


Texte publié par RougeGorge, 6 mai 2023 à 11h16
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