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Aujourd’hui, j’ai vu une petite ville de bord de mer.

Tout est mer ici. Les algues se répandent jusque sous les gouttières, et les coquillages sur les bureaux de notaires. Les bâtiments sont changeants, aussi. D’un jour à l'autre, ils décident de mouvoir : autant vous dire que se déplacer en ville n’est pas chose aisée. J’ai abandonné depuis longtemps l’idée de me repérer ici, alors je longe les pavés sèchement mousseux qui aiment gratter mes semelles. Je m’amuse à écouter les sons inlassablement différents de mes pas qui se réverbèrent le long des murs hauts. Le ciel est couvert des fois, et le vent gronde dans mes yeux. J’ai le vertige de la proximité de l’océan, toute cette eau. Elle nous observe, j’en suis sûr, mais je ne l’avoue pas. Je sais qu’au fond tout le monde le pense aussi. Alors je longe les pavés, j’épie les affiches de chats perdus en m’imaginant la rançon qui irait avec, je compte les gouttes de sueur qui se fondent avec le sol. Le paquebot n’est même pas encore construit qu’il coule déjà dans les nuages. C’est devenu un monument de la ville, je crois. Je marche droit sur ces pavés penchés, et penché sur le béton droit. Tous ces degrés me font vaciller à force, je suis ivre de ces rues, je tourne et essaye, mais l’air finit par me happer.

Je me fonds avec la brise. Elle me percute au bois salé des portes, me fait frétiller au contact frais du lierre et m’élève au-dessus des tuiles brunes du grand village. Je vois les chats qui jouent aux cartes. La tête retournée, je comprends enfin cette petite ville de bord de mer. Elle s’amuse bien des gens comme moi, et elle les pousse dans leurs derniers recoins, jusqu’à les faire s’évaporer en brume. Elle me regarde. L’océan m’ignore. Elle rit et gronde en moi. Je ne lutte pas pour descendre, car je ris avec elle et me souffle entre les volets dépeints. Je parviens alors à me chatouiller sur les tapis de poils ras et je repart de plus belle, grimpant dans les machineries grinçantes du transporteur, qui me recrache aussitôt. Arrivé sur un toit, les tuiles sèches glissent sous mes ongles brisés et me jettent, dans le vide de la falaise qui m’attendait. Je plonge dans un fracas de bulles perçantes. Des yeux clairs qui remontent à la surface en me regardant couler. Plus de mains, plus de pieds pour les rejoindre, là-haut. Le roucoulement de la ville m’abandonne et, maintenant, il fait noir. Je me suis trompé : elle me regarde. Mes yeux passent des siens à sa bouche, qui, telle une baleine, s’ouvre en aspirant le vide qui la devance, et moi avec. Je ne pensais pas qu’il pouvait faire plus sombre que le noir.

Des reflets scintillent. Une poussière me heurte. Des gorges pleines d’enfance me résonnent. Et là, je me vois: une brique rousse, figée entre quatre autres. Je reste là, malgré la brise. Je ne bouge pas, malgré la peur. Je panique et me demande, je me demande comment et pourquoi, je me demande combien et enfin, je rage et enrage en criant muettement sur les enfants riants.

Puis je le vois passer, un homme qui marche, penché.


Texte publié par Rosalie, 26 avril 2023 à 12h51
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