— Denise, faut qu’on cause !
Géribaldine, communément appelé Gégé, la foudroyait du regard. Elle tenait son petit Kiki entre les mains, prostré dans le creux de son bras, les ailes repliés sur son pelage noir. Le dragaur, dragon-nain originaire des plaines glaciales des pays Slevek, couinait et observait Denise de ses yeux apeurés.
Il ressemblait à une jolie peluche, ainsi couché, mais Denise les savait pourvus de puissantes griffes et d’une mâchoire des plus féroces. Sans oublier les flammes bleues qu’ils étaient capables de produire en cas d’attaque. Une petite boule de guerre, ce Kiki…
— Chou, qu’elle agréable visite !
— Oh, fais pas ta bêcheuse avec moi. Tu as vu mon Kiki ?
Elle le secoua sous le nez de Denise.
— Je connais Kiki, mais…
— Regarde ses ailes. Tu ne vois donc pas sa détresse ?
Bouche pincée, Denise se pencha vers la petite créature et scruta lesdites ailes. La membrane de celles-ci paraissait déchirée. Elle avança un doigt vers la blessure, vite interrompue par les grognements gutturaux qui remontaient de la gueule aplatit du dragon.
— C’est ton satané clebs !
— Mon sata… Quoi ? Gégé, je t’interdis de parler ainsi de Grimouche !
Elle lorgna vers son chien, étendu dans son panier pelucheux, le ventre à l’air. Grimouche ressemblait à un asticot comparé à ce fameux Kiki. Quoiqu’insinuait Géribaldine, Denise savait Grimouche incapable d’une telle agression : lui qui n’arrivait déjà pas à attraper une mouche, il lui était tout bonnement impossible de faire le poids face à ce dragon-nain mastoc et sa queue hérissés d’écailles de protection.
— Je le sais, insista Gégé. C’est ton clébard qui a attaqué mon pauvre petit Kiki, incapable de se protéger.
— Grimouche ? Attaquer ? Tu as vu sa taille ?
— Oh, ne joue pas à ça avec moi Denise. Tu sais aussi bien que mon que ton espèce de rat sur pattes ne fait que grogner quand il passe devant chez moi !
— Peut-être n’accepte-t-il pas le manque de respect ?
— Peux-tu répéter ?
— Chou, c’est tout vu. Grimouche ne ferait jamais une chose pareille. Il grogne quand il est en laisse, voilà tout. C’est une manière de… faire le grand ? Regarde-le, s’il en avait après ton Kiki, il serait déjà à aboyer et à vouloir attaquer.
Géribaldine se renfrogna, le menton enfoncé dans sa gorge, faisant ainsi ressortir un goitre gonflé par la contrariété. Elle esquiva quelques pots et autres ustensiles qui flotillaient vers la table d’un client et haussa les épaules.
— Qu’importe, je le sais, voilà tout ! Je vais finir par porter plainte, voilà ce qu’il risque d’arriver !
— Gégé, ne me force pas à utiliser mon don pour te prouver le contraire ?
— Me prouver ? Mais me prouver quoi ? Ce sont que mots et merveilles sortant de ta bouche. Qui nous dit que tu as vraiment un talent ?
— La chambre des aptitudes, peut-être ? Crois-tu vraiment que ta plainte sera prise au sérieux ? Mon don est enregistré et reconnu.
— Ton don, persiffla Gégé. C’est bien facile !
Denise soupira ; cette conversation ne menait nulle part et les tentacules télépathiques qui frôlèrent la chevelure gonflée et rouge de Géribaldine lui confirma ses dires : Kiki s’était blessé de lui-même en traversant un champ de ronces. Cette fourgueuse petite créature n’en était pas moins fragile. Faire appel à un vétotherapeute, un médicant spécialisé dans les soins aux créatures ésotériques, serait onéreux.
— Gégé, imagine un peu. Si quelqu’un te dénonçait ? Ne pas avoir de pancarte « attention aux dragons » sur ta clôture est un délit. Et…
— Est-ce une menace ?
— Non. Juste un constat. D’ailleurs, chou, ne savais-tu pas que seules les sorcières avaient le droit de posséder un dragaur ?
La bouche de Géribaldine, garnie d’un sublime rouge à lèvre carmin, s’ouvrit en grand et se referma aussitôt. Décontenancée, elle secoua ses boucles plusieurs fois et pointa son doigt sur Denise.
— Qui te dit que je n’en suis pas une ?
— Chou, on ne va pas rejouer à ça, n’est-ce pas ?
— Roh. Tu as raison, encore une fois. Il faudra vraiment qu’un jour tu m’apprennes à être comme toi !
— Comme moi ? Chou, je te le souhaite pas !
Denise rit enfin de bon cœur.
— Chou, j’ai une idée ! Pourquoi ne t’assiérais-tu pas pour boire un bon thé à la groseille ? C’est la maison qui paye !
— Denise, chérie. Je n’ai pas le temps.
— Et si je te dis que j’ai un ami qui me doit un service ?
— Continue…
— Disons que cet ami est ami avec un vétotherapeute… cela t’aiderait à oublier ta plainte et à boire ce thé à la groseille ?
Une moue ridicule déforma le visage de Géribaldine ; elle faisait mine de réfléchir. Son regard s’illumina soudain. Elle déposa Kiki à ses pieds et déclara :
— D’accord, d’accord, si tu me prends par les sentiments. Avec une lichette de liqueur abricale, je te prie !
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