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Mes chers parents,

Voilà bien trois mois que je ne vous ai pas écrit, et j’en suis désolée. La vie mondaine et la gestion du manoir me prennent tout mon temps. Archibald est aux petits soins pour moi. Je ne pouvais rêver d’un meilleur consort. Malgré les circonstances de notre mariage, cette union qui n’était que politique est devenue un mariage d’amour. C’est assez miraculeux. Je suis chanceuse.

La vie dans le domaine de Roncépine est charmante. Il se situe au bord du lac, non loin du pont qui mène à Argentlune et de l’Université. Le paysage est splendide et merveilleux. Je ne me lasse pas de le contempler. Mais vous le connaissez déjà et je ne vais pas vous en rebattre les oreilles.

Les domestiques ont fini par s’habituer à ma présence. Et je n’ai même pas eu besoin d’utiliser mes capacités. J’essaie de les traiter au mieux. J’ai passé de nombreuses heures plongée dans les livres de droit et dans les codex de lois pour comprendre les règles du Duché. Archibald voulait engager un intendant, mais je l’ai convaincu de me confier ce rôle. Je préfère m’occuper ainsi. Et je prends beaucoup de plaisir à prendre soin de tout le monde.

Mère, vous serez rassurée d’apprendre que je continue mes entrainements à l’épée. Je ne peux guère exercer ma magie malheureusement. Trop d’yeux et d’oreilles trainent et la peur de me retrouver enfermée dans un cachot du Sigile des Arcanes m’en empêche.

Je sais bien que je ne risque pas grand-chose. Pourtant le Sigile des Arcanes est si puissant, si intraitable qu’il me fait peur. Il y a trois semaines, le fils de l’un de nos fermiers a eu la révélation de son sanguinium élémentaire. J’étais présente quand un sigilite est venu l’arracher à sa famille. Arracher, c’est le mot. J’ai consolé sa pauvre mère en larmes, alors que son fils était emmené, enchainé. Le pauvre a gardé un air digne, mais je sentais qu’il était terrifié.

J’ai bien conscience que les mages élémentaires sont instables et dangereux, mais les traiter ainsi arrange-t-il vraiment la situation ? Au moins je sais qu’entre vos mains et ceux de nos compatriotes ils ont une chance.

Je ne pourrai pas vous rejoindre comme prévu le mois prochain. Je viens d’apprendre une grande nouvelle : je suis enceinte. Je suis certaine que c’est un petit garçon, même si je ne peux le clamer sur les toits. Mon époux le sait. Il sait tout de moi et de mes capacités. J’ai une entière confiance en lui. Cependant je ne lui confierai jamais vos secrets et ceux du Bastion.

Acrétius et Katria ont fait leur chemin dans la garde rapprochée du duc, comme vous le souhaitiez, père. Ils viennent régulièrement me rendre visite, pendant leurs jours de repos. Ils se sont adaptés à la vie dans la capitale avec aisance. Mais leur cœur reste avec le Bastion du Verre. Ils voulaient que je vous assure de leur éternelle loyauté. Leur présence me rassure.

Je ne comprends pas vraiment pourquoi mère et vous leur avez donné cette mission. Avez-vous perçu quelque chose qui nécessite leur présence à Argentlune ? Les étoiles vous ont-elles murmuré l’un de leurs secrets, mère ? Je sais que vous ne me révélerez rien mais j’aime poser ces questions comme si vous étiez près de moi et que vous me répondiez de votre sourire énigmatique.

Je joins à cette lettre une rose séchée. Elle devrait vous aller à ravir, mère. Sa couleur bleu nuit, je l’ai obtenue en mariant des espèces qui poussent au bord du lac. Je n’ai pas perdu la main avec les plantes. Dans ma prochaine missive vous aurez des nouvelles de votre petit-fils.

Avec tout mon amour,

Maryah