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La vengeance est un plat qui se mange glacial
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L’eau semblait profonde et invitante.

Leila était accroupie au-dessus et observait son reflet. Ses cheveux bouclés paraissaient voler dans les airs, et ses traits formaient d’étranges formes géométriques.

Elle tendit la main vers l’eau turquoise. Celle-ci était froide. Il faisait tellement chaud que Leila mourrait d’envie de plonger tête la première dans cette rivière. Mais elle savait que si elle le faisait, sa mère lui ferait passer un savon interminable. Elle continua alors à admirer la beauté de l’eau.

Soudain, une chose immergea brusquement, faisant basculer Leila en arrière. Elle tomba sur ses fesses et se hâta de se relever et de s’éloigner le plus vite possible de ce…corps ?

-Oh mon Dieu… Qu’est-ce que…

Elle s’avança prudemment et confirma sa première hypothèse: un corps humain

flottait exactement là ou son propre reflet se trouvait quelques instants plus tard. Le visage était pâle et les lèvres bleues.Quelqu’un était mort, probablement noyé.

Effrayée, la jeune fille prit ses jambes à son cou et retourna chez elle. Lorsqu’elle raconta ce qui lui est arrivé à ses parents, son père décida de s’y rendre. S’il trouverait le corps, il appellerait la police.

Arrivé sur place en compagnie de sa fille- qui avait insisté pour venir avec lui-, le corps n’était plus là. Ils cherchèrent plus loin, et ils le retrouvèrent. Comme prévu, le père appela la police, qui arriva quelques minutes plus tard.

La nouvelle fit le tour du village. Tout le monde était au courant que Leila avait retrouvé le corps. Elle était devenue célèbre dans son lycée et tous ses camarades ne cessaient de lui poser des questions sur l’apparence du corps, comment il était habillé, de quelle couleur étaient ses cheveux…Bref, tous les détails auxquels Leila n’avait pas fait attention et ne voulait pas savoir. Pour elle, le simple fait d’avoir pratiquement touché un corps sans vie lui donnait envie de mourir; et sa célébrité au sein de son école ne lui plaisait pas du tout.

Quelques jours après les événements, l’identité du défunt fut révélée: C’était un garçon de 14 ans, nommé Adrien Langlois. Le fils aîné de Florian et Annabelle Langlois, des habitants du village banals et sans histoires. Pourtant, les parents du garçon ne semblaient ni accablés, ni choqués. De plus, ils n’avaient signalé la disparition de leur fils à personne.

Tout de suite, les inspecteurs chargés de l'enquête se rendirent chez les concernés. Annabelle, âgée d’une quarantaine d’années, paraissait très stressée. L’inspecteur Dupont nota sur son carnet de note que la jeune femme bougait constemment la jambe gauche et se machait les ongles de la main. Quant à son mari Florian, lui, semblait calme et gérait totalement la situation. Seul le frère d’Adrien, qui se nommait Elyas, paraissait éprouver de tristesse.

Après leur visite, l’inspecteur Dupont et son collègue échangèrent un regard complice.

-Tu penses ce que je pense? lui demanda Dupont.

-Si tu penses que la mort du gars est louche et que ses parents cachent quelque chose, alors oui, je pense tout comme toi.

Le temps passait, mais l'enquête était au point mort. Les inspecteurs étaient persuadés que ce n'était pas un simple accident et que les parents étaient impliqués, mais ils n’avaient pas assez de preuve pour les arrêter.

Cependant, un matin, Dupont découvrit un bout de papier plié en quatre posé sur le seuil de sa porte d’entrée. Dedans étaient inscrites deux phrases.

"Je sais ce qu’il s’est passé. Venez là où le corps a été retrouvé à 13h."

L’inspecteur y songea toute la matinée. Qui pouvait bien savoir la vérité? Et pourquoi le contacter lui en anonyme au lieu de se rendre au commissariat? Était-ce un piège?

Une demi-heure avant l’heure de rendez-vous, Dupont décida d’y aller, mais de placer un micro à l’intérieur de sa veste. Il prévenit aussi son collègue et lui demanda de s’y rendre aussi vingt-minutes après lui.

Arrivé sur place, il trouva un garçon accroupi au-dessus de la rivière, dos à lui. En ayant entendu arriver l’inspecteur, il se retourna vers lui. C’était Elyas.

-Avant de vous dire quoique ce soit, vous devez me jurer de ne rien dire à personne, surtout pas à mes parents, déclara-t-il d’un ton ferme.

-C’est noté, répondit simplement Dupont.

-Jurez-le moi! Insista Elyas.

-Je vous le jure.

Le jeune garçon parut soulagé. Il se laissa alors tomber sur l’herbe et mis ses mains sur son visage.

Je ne pouvais plus supporter. Je devais en parler à quelqu’un.

Dupont l’imita et s’assit en face de lui.

-Je t'écoute, mon garçon. Qu’est-ce que tu sais à propos de la mort de ton… grand frère.

-Il n’est pas mort noyé.

-De quoi est-il mort?

-Je…

Elyas poussa un gémissement et se couvra à nouveau le visage.

-Non, je n’aurais pas dû… Je n’aurais pas dû vous contacter!

Il se releva et s'apprêta à s’en aller en courant, mais l’inspecteur lui attrapa le bras et le força à ne pas bouger.

-Non! Ne t’en va pas! Bien au contraire, tu as bien fait de m’avoir appelé. C’est mon devoir et mon rôle de connaître la vérité derrière ce genre de situations et de mettre les coupables derrière les barreaux.

-Justement! S’écria Elyas, les larmes aux yeux. Si mes parents vont en prison je n’...

Il regretta instantanément ses paroles, mais il était trop tard. Il vit une lueur d’espoir s'allumer dans les yeux marrons de l’inspecteur.

-Tu crois que tes parents sont coupables de la mort de ton frère, Elyas?

-Je ne sais pas… Enfin, non! non, ils ne sont pas coupables! oubliez ce que je viens de vous dire!

-Mon garçon, si tu es au courant de quelque chose, il vaudrait mieux que tu en parles, et vite. Car un jour ou l’autre, on découvrira le coupable et on le fera payer pour son acte, et si on découvre que tu étais au courant et que tu n’as rien dit, tu le paiera aussi.

C’était un mensonge, évidemment. Elyas était jeune, effrayé, et n’était probablement pas complice avec le ou les meurtriers de son frère. Mais il fallait le faire parler. Comme prévu, Dupont lut dans les yeux du garçon de la peur.

-Quoi…?

-Oui. Alors, Elyas, que sais-tu exactement?

Le jeune garçon soupira et ferma les yeux, puis déclara d’une traite:

-Mes parents ont forcé Adrien à se baigner dans la rivière alors qu’il ne savait même pas comment nager. Ils l’ont fait exprès… Ils le regardaient se noyer sans rien faire pour l’aider. Et moi j’étais derrière eux, caché. Au début, je pensais qu’ils allaient le sauver, mais…mais quand j’ai compris qu’ils n’allaient pas le faire, je suis sorti de ma cachette et j’ai couru vers lui, mais papa m’a attrapé avant que je n’y arrive et m’a retenu.Et puis, c’était trop tard. Adrien a arrêté de bouger et a disparu sous l’eau. Je… Je n’ai pas pu sauver mon frère…

Des larmes coulèrent le long de ses joues. Il essuya son nez du revers de la main.

-Je ne voulais pas qu’il meure, moi..

Il éclata soudain en sanglots. Ne sachant quoi faire, l’inspecteur le prit maladroitement dans ses bras. Il nétait pas très à l’aise lorsqu’il s’agissait de réconforter quelqu’un. Il aperçut son collègue arriver de loin et lui fit signe de s’éloigner.

-Elyas, tu es un homme courageux. Peu d’hommes auraient été capables de faire ce que tu viens de faire. Allez, viens avec moi. Tout ira bien.

Seize ans plus tard…

Elyas s’affala sur le canapé et alluma la télévision. Il tomba sur une chaine d’informations et écouta le journaliste.

“Les deux détenus ont été retrouvés il y a deux heures et remis en prison, quant au troisième, il est toujours en liberté à l’heure actuelle. Voici une photo de lui. Si vous l’apercevez quelque part, n’hésitez pas une seule seconde et appelez au 0…”

Elyas sentit son sang se glacer dans ses veines. Une photo de son père était affichée à l’écran. Il était en liberté depuis 24 heures et il ne le savait pas. Des frissons lui parcoururent la colonne vertébrale. Soudain, Elyas comprit.

Il sortit en trombe de chez lui et faillit se cogner la tête sur la porte coulissante. L’air glacial de la nuit lui fouetta le visage. Il se dirigea en vitesse vers la piscine où son fils se baignait quelques minutes avant.

Merde…Merde merde merde!

Elyas se laissa tomber sur ses genoux et lança un coup de poing au sol humide.

C’était trop tard. Il avait réussi et s’était déjà enfui.

Le corps de son fils Théodore flottait. L’eau autour de lui était rouge.

Son propre fils baignait dans son propre sang.

Sous le choc, Elyas mit du temps à remarquer le bout de papier posé sur le bord de la piscine. Il le déplia et lut les mots suivants:

“Tu n’aurais jamais dû nous dénoncer. La vengeance est un plat qui se mange glacial”


Texte publié par Doria Krys, 17 février 2023 à 22h34
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