L’air embrumée ne laissait guère le temps ni le pouvoir d’apercevoir quelque chose dans cette pièce, si grande puisse-t-elle être, mais avant tout bondée. Les personnes ici présentes n’avaient pas l’air de s’en rendre compte, ou tout simplement d’y prêter attention. Comme si l’atmosphère pesante et étouffante ne les gênait guère. Comme si elle s’en souciait. Elle qui vibrait de tout son corps, elle qui paraissait être en transe. Gesticulant dans tous les sens, laissant son corps bouger au grès de ses envies, laissant la musique l’envahir. Une musique au rythme étonnement semblable aux battements du cœur. Ta-Tam. Ta-Tam. La lumière s’était tamisée à ne plus voir, l’obscurité ayant pris ses marques dans cette abîme de folie. D’une nonchalance négligée, la jeune femme traversa la pièce, évitant quelques danseurs débutants, pour finalement atteindre le centre de la piste de la boite de nuit.
« C’est l’un des seuls à ne chasser que la nuit. Il se camoufle, se fondant dans le décor. »
Les yeux fermés, elle appréciait particulièrement ce moment. D’une volupté calculée, elle virevolta sur elle-même, jusqu'à en perdre l’esprit. Dansant à un rythme plus rapide, ses mouvements étaient sensuels, presque érotiques. La jeune femme ferma alors ses yeux, pour mieux s’imprégner de ce sentiment. Elle sentait à présent son cœur s’accélérer dangereusement, ces palpitations tant désirés l’enivrer. Une vague d’adrénaline l’a submergeât. Elle semblait oublier les piètres danseurs à ses côtés qui, sans une once de regret, l’a bousculait sans retenu. Tout ce qui comptait, c’était ça.
« Et ensuite, il choisit sa proie. »
La jeune femme ouvrit subitement les yeux. Elle ralentit curieusement sa danse, fixant quelque chose au loin. Un homme marchait en sa direction. Assuré, il s’arrêta à côté d’elle et entama une conversation. Il s’appelait Nicholas. Vieux nom pour un homme de cet âge.
« Et quand la proie est à portée, elle est sienne »
L’inconnu opta pour des avances tactiles. Se rapprochant sournoisement de la jeune femme, il ne cessait de profiter du ton de ses paroles pour les accompagner d’un geste, innocent pouvait-il paraître. Une main sur l’épaule, un léger effleurement. Abusant de la proximité de la foule, il prétextait le besoin de se rapprocher, ne serait-ce que pour établir un contact.
« Mais la panthère ne s’arrête pas là. Il emmène sa proie à l’abri des regards et jouie de sa chair »
La jeune femme pris la main de ce Nicholas et lui fis traverser toute la pièce. Elle prenait soin de se tenir droite et d’avoir une démarche élégante. Elle voulait avant tout faire monter le désir déjà existant chez cet homme sexy. Elle l’attira vers les toilettes des femmes et ferma la porte à clé. Il prit à son tour les devants en l’embrassant avec ferveur, tout en l’a plaquant contre le mur. Celle-ci se laissa faire. Elle appréciait particulièrement l’enthousiasme de ce futur amant. Il remonta la robe de la jeune femme en un seul mouvement et la couvrit de caresses sensuelles. Elle prit soudainement conscience du miroir disposé à quelques mètres d’eux. Plissant les yeux, elle s’observa brièvement. Son maquillage coulait, ses cheveux bruns étaient en batailles et elle commençait à transpirer. Aussi étonnant que cela puisse paraître, elle ne se reconnaissait pas. Ses yeux laissaient transparaitre quelque chose de différent. Passifs, absents, ils semblaient s’être subitement éteints. Cela était sûrement dû aux nombreux verres ingurgités plus tôt. Otant cette pensé, elle colla de nouveau ses lèvres contre celle de Nicholas, et le plaqua à son tour contre le mur. Elle prit la main gauche de l’inconnu, et se stoppa quelques secondes. Un anneau ornait son annulaire. Elle esquissa un sourire espiègle et plaça cette-même main sur son endroit intime.
- Je préfère comme ça, susurra-t-elle.
***
Les ténèbres m’enivrèrent. J’étais soudainement aspirée dans une spirale de désespoir, un tourbillon de malheur. Drainage. Il cherchait à me drainer de tout sentiment ; m’arrachant les tripes, les enroulant autour de mon cœur pour mieux l’extirper de ma poitrine. Laissant place à l’amertume, la colère, et surtout, la solitude. Une profonde tristesse m’avait envahi. Je n’avais pas de future. J’étais tout simplement seule. Au loin m’apparut une ombre. La noirceur s’approche de moi, comme pour mieux me tenter. Fin.
***
Une sonnerie lointaine réveilla la jeune femme. Gisant à-même le sol, elle se redressa subitement, surprise par la mélodie fougueuse de la chanson de référence de Nokia. Qu’est-ce qu’elle avait mal à la tête ! Se précipitant sur son portable dans son sac, elle maugréa en voyant le nom affiché.
- Eh merde !
Elle se racla la gorge, tout en grimaçant. Elle se sentait terriblement mal. Sa bouche était tellement pâteuse qu’elle avait l’impression d’avoir une limace à la place de la langue. Elle inspira profondément, essayant de se souvenir de la veille. Plus elle se remémorait ses instants de débauche, plus des hauts le cœur l’a submergeait. Un inconnu l’avait ouvertement dragué, et elle avait été plus que réceptive... Elle s’était laissé envahir par ses plus bas instincts. Se focalisant sur son téléphone, elle essaya tant bien que mal de reprendre ses esprits :
- Oui ?
Sa voix était rauque, malgré sa tentative pour l’adoucir. Elle passa délicatement sa main sur son front, essayant de calmer ses bouffés de chaleur. Son cerveau semblait bouillonner. C’était comme si un marteau piqueur sévissait à l’intérieur de sa boite crânienne.
- Sydney ! Enfin Melle décide de répondre ! Ça va faire 100 fois que je t’appelle ! Paniqua une jeune femme à l’autre bout du fil.
- Oui, excuse-moi. L’avion a eu du retard et j’ai dû aller à l’hôtel hier, improvisa-t-elle en se levant. Je serais là dans une heure.
Elle regarda aux alentours. L’entrée de la boite de nuit se trouvait à quelques mètres derrière elle. La rue semblait déserte, seules quelques habitations décoraient ce paysage triste et vide. L’ambiance naturelle du quartier paraissait fade, comme figée par le temps. Le silence semblait le plus troublant. Pas de chants d’oiseaux en cette matinée orageuse, pas de bruit de moteurs éloignés ou même de conversations quelconques.
- Sydney ? Sydney tu m’entends ?
- Oui je suis là, tu me disais ?
La jeune femme semblait subitement attirée par quelque chose. Elle tourna son regard sur sa Dacia et se dirigea doucement vers la voiture. Sa carrure imposante et prononcée dégageait un sentiment de puissance tandis que l’avant du véhicule, de par sa carrosserie robuste et ses phares étendues, était plus agressif. Seul sa couleur, d’un blanc éclatant, laissait un peu de repos à cette façade menaçante. Sydney ralentit peu à peu sa marche jusqu’à s’arrêter. Quelque chose se cachait derrière sa voiture. Elle sentit alors des frissons l’a parcourir. Cette chose inconnue, dissimulé dans l’ombre, l’observait. Elle sentait ce regard malsain et insistant l’a fixé abusivement. Son courage s’était soudainement évaporé pour laisser place à l’angoisse et la peur. Sydney avait le sang littéralement glacé. Si bien que quand une nouvelle sonnerie émana de son portable, elle sursauta et manqua de le faire tomber.
- Julia ? Décrocha-t-elle.
- Tu captes mieux là ? J’espère, car je ne vais pas te rappeler toutes les deux minutes, s’exaspéra la même jeune femme.
Sans se soucier des remarques de son amie, Sydney se focalisa sur sa voiture, encore sous le choc. Elle fut surprise de ne plus ressentir cette atmosphère étrange et paralysante, qui laissant place au calme plat du quartier. Elle prit néanmoins le soin de faire le tour de son véhicule, afin de s’assurer de sa sécurité.
- Oui, qu’est-ce qu’il y a ? Demanda Sydney, laissant échapper un soupir de soulagement.
Elle monta dans sa voiture et l’a verrouilla automatiquement. S’installant confortablement, elle mit en marche le Bluetooth et démarra.
- Je voulais juste savoir où tu en étais, expliqua Julia, confuse.
La jeune femme prit la direction de Los Angeles tout en pestant contre elle-même. Avec son voyage à Rome, et la soirée de la veille, elle n’avait pas été en état de réfléchir et de se poser quelques instants. Les mots de son amie résonnèrent dans son esprit. Elle n’avait pratiquement pas donné de nouvelle à son entourage proche. C’est avec une voix calme et rassurante qu’elle répondit :
- Tu m’as manqué aussi, Jule.
Un léger silence s’installa. Sydney put néanmoins entendre ce qui paraissait être un petit sourire. De toute évidence, son amie semblait rassurée. Mais celle-ci allait sûrement le lui reprocher quand elle rentrerait. La conversation téléphonique était terminée. Oui, elle n’avait pas pour habitude d’appeler son entourage tous les jours, d’envoyer des mails ou même des sms pour leur donner des nouvelles. Et alors ? Il était normal de préférer le contact humain plutôt que de privilégier l’aspect impersonnel de la technologie. Et puis ces deux semaines passées n’avaient pas été de tout repos. Loin de là l’idée que de passer quatorze jours en compagnie de sa famille dans un pays étranger n’était pas excitant, mais un peu usant, il fallait l’avouer. Sa mère, ne cessant de lui demander comment une si jolie jeune femme comme elle n’avait pas encore trouvé l’amour, Sydney s’était finalement résigné à mettre des boules kiesce ! Il était vrai qu’avec ses charmants yeux de biche, d’un marron foncé, ses cheveux châtains clair ainsi que sa fine silhouette, de jeunes hommes tout à fait respectables pouvaient prétendre à son attention. Mais elle préférait largement succomber à ses quelques pulsions comme elle les appelait, plutôt que d’avoir une personne attitrée. Même ses amis commençaient à s’y mettre. Elle tourna à une intersection, toujours en route vers la cité des anges. Ses amis. Cela faisait exactement deux semaines, soit une éternité, qu’elle n’avait pas ou presque eue de contact, donc pas de nouvelles non plus. Sa curiosité la titilla. Qui sait, peut-être qu’Audrey avait enfin trouvé un travail malgré sa maladroite té inexplicable, ou bien que Samantha était rentré de son voyage d’affaire un peu plus sociable ! Et sa colocataire, Julia, pouvait avoir trouvé un partenaire « potable, si tant-et que Dean n’aurait pas commencé à lui jeter son dévolu ! Il fallait quand même se rendre à l’évidence, les miracles ne se produisaient que très rarement ! Sydney alluma son clignotant et traversa sa rue. Son cœur se réchauffa instantanément. Rome était une ville extraordinairement magnifique et incroyablement romantique, mais rien ne valait la chaleur et la beauté de son quartier. De plus elle avait manqué de mourir plusieurs fois, ces italiens étaient véritablement dangereux dans les ronds-points ! La jeune femme se gara finalement devant une maison exotique. Elle descendit de sa voiture et ouvrit le coffre. Elle soupira. A l’avenir, il faudrait qu’elle change ses habitudes. Elle avait devant elle plus de neuf valises ainsi que trois sacs de voyages pour seulement deux semaines passées à l’étranger ! D’où lui venait ce besoin incessant de toujours emmener son dressing avec elle? Peut-être avait-elle une peur inconsidérée de manquer de quelque chose et cherchait à se rassurer en emmenant bien plus que ce dont elle avait besoin ? De plus, sa colocataire, Julia, devait sûrement être chez leur amie Samantha, ce qui la laissait seule pour soulever tout cet attirail. Respirant profondément l’air chaud, la jeune psychologue emporta avec peine toutes ses affaires jusque dans sa chambre, manquant de tout laisser tomber lors de l’ouverture de sa porte d’entrée. Sans plus attendre, la jeune femme scruta la maison dans ses moindres recoins. Les murs rose-saumon du hall d’entrée s’harmonisaient parfaitement avec ceux de la cuisine qui brillaient d’un jaune très clair et qui s’alignaient avec l’orangée du salon. Elle fut forcée de constater que rien n’avait changé, ce qui la rassura. Depuis la fois où la jeune femme était rentrée d’un séminaire de psychologie à New York et qu’elle avait durement constaté que la maison était devenue en son absence une véritable tanière d’adolescents ; oui, avec les couleurs vives, parfois fuchsia ! , les stickers collés au mur, et les gros poufs et coussins disposés un peu partout dans la maison ; Sydney se méfiait ! Julia semblait certes, très gentille, mais ses passades, ou hobbies comme elle les appelait, l’étaient moins en revanche ! Et ce qui ne passait pas, malheureusement, était sa passion inconditionnelle pour la décoration d’intérieur, et la maison en avait souvent fait les frais. Elle se posa quelques secondes sur son canapé. Au contact du doux et confortable coussin, ses paupières commencèrent à se fermer et ses pensées s’estompèrent. Le sommeil l’a gagna doucement mais surement. Quelques minutes plus tard, elle se releva d’un bond. Malgré tout le retard qu’elle avait accumulé la nuit dernière, elle ne pouvait se laisser aller en ce début de journée. Elle prit le soin de se doucher, et surtout, échangea sa robe noire et sale contre un tailleur bleu marine. Elle devait paraître fraîche pour faire bonne figure devant ses proches. Sydney ne s’attarda pas très longtemps. Il lui fallait régler les détails administratifs dus à son absence à son cabinet de psychologie situé en ville, et elle voulait avant tout rendre une petite visite à ses amis, sans quoi, elle aurait des remontrances de leur part.
Sydney se trouvait dans un bureau quelque peu étroit. Quelques meubles seulement occupaient les 20 m² de la pièce, principalement en bois vieilli par le temps. La jeune femme était assise à même un petit canapé dont la couleur, d’un bleuté plutôt âcre, s’harmonisait parfaitement avec les murs. Les sourcils froncés, Sydney semblait contrariée. De petites rides se dessinaient autours de ses yeux, et les fossettes situées à chaque extrémité de sa bouche paraissaient étonnement profondes. Son regard, totalement obnubilé par un coin de la pièce, était d’une intensité inhabituelle. Subitement, elle fixa ardemment une femme en tailleur, positionnée devant elle sur un fauteuil, qui l’observait soigneusement. Elle se nommait Emma Carson si on se referait à la plaque posée sur son bureau, non loin d’eux.
- Non, répondit fermement Sydney.
Elle avait prononcé ce mot si calmement, si naturellement que cela paraissait irrévocable. Sa voix, d’une dureté étonnante, ne trahissait aucunes faiblesses et au contraire, laissait penser à une obstination démesurée, rendant le dialogue presque irréalisable. Elle ne pouvait décemment pas continuer son récit.
- Votre réticence est tout à fait justifiée Melle Madison, expliqua Emma sans se décourager. Il est parfaitement compréhensible d’avoir du mal à exprimer ses sentiments étant donné les circonstances. Etre psychologue est un métier qui demande un total contrôle émotif de votre part, afin de ne pas se laisser embrigader dans un flux d’émotions véhiculé par vos patients. Mais sachez que dans cette pièce, vous n’avez pas à endosser cette contrainte. Vous pouvez sans appréhension vous détendre et vous exprimer.
Sentant le dialogue un peu plus profond, très axé sur ses sentiments, elle répondit :
- Je crois que c’était une erreur.
Sydney marqua un temps de pose. L’envie ne lui venait pas de se livrer à cette inconnue qui, malgré sa sympathie apparente, ne suscitait pas encore la confiance de la jeune femme. Étaient-ce ce que ressentaient ses patients lors de leur consultation ? Une once de malaise, minime mais néanmoins omniprésente lors de la première rencontre ? Quelque peu rebutée, Sydney inspira profondément, faisant ainsi jouer ses poumons avec l’air tiède ambiant. Son objectivité - bien qu’altéré par sa colère, son indignation, engendrée par le simple fait de se retrouver dans le mauvais siège, celui du patient, ce canapé remplacé par l’habituel fauteuil confortable où elle avait le contrôle, le total contrôle de la situation - se voyait rétabli, comme raisonner par la conscience de Sydney. Se battant intérieurement contre son obstination, la jeune femme ne put se raviser.
La jeune femme monta précipitamment dans sa Duster, accompagné de sa mallette. Elle traversa son quartier calme et familial à vitesse rapide. Il était déjà 11 heures et elle devait se dépêcher. Quelques kilomètres plus tard, les pneus du quatre-quatre de la jeune femme crissèrent sur des graviers dorés, devant ce qui paraissait être une villa. Elle sortit de sa voiture et se dirigea vers la porte d’entrée. Elle hésita néanmoins quelques secondes. Inspirant profondément, elle opta pour la terrasse, quelques mètres plus loin. Comme elle le prévoyait, Sydney retrouva la bande attablée sous le soleil, en train de siroter quelques cocktails.
- Hey ! Lança-t-elle afin de marquer son arrivée.
Quatre regards se tournèrent à l’unisson vers la psychologue. Une jeune femme aux yeux verts et aux cheveux châtains clairs se rua alors vers elle, manquant de renverser au passage la table en bois.
- Sydney ! Cria la jeune femme avant de l’enlacer tellement fort que celle-ci en eut le souffle coupé.
- Julia… marmonna la nouvelle venue en essayant de retrouver son souffle. Doucement. Tu n’essaierais pas de me tuer pour avoir la maison encore un peu à toi toute seule par hasard ? Plaisanta-t-elle.
Un simple sourire se dessina sur les lèvres de Julia. Celle-ci accompagna sa colocataire à la table où discutait le reste de ses amis. Après quelques embrassades, Sydney s’assis à son tour sur une chaise et remercia d’un mouvement subtil de la tête la propriétaire des lieux qui venait de lui apporter un cocktail. Depuis quand était-elle devenue aussi amicale ?
- Oh… C’est vraiment bon, complimenta Sydney avant d’en boire une autre gorgé.
- Comment tu vas ? Pas trop fatigué du voyage ? Demanda une blondinette dont les yeux, d’un bleu intense, confirmaient les stéréotypes des belles jeunes femmes aux chevaux dorés.
- Non ça va Audrey, la rassura Sydney. Je suis juste un peu épuisé par le décalage horaire.
Bien sûr, elle omettait la folle nuit qu’elle venait de passer et qui l’avait physiquement épuisé. Et puis, omettre n’était pas mentir, si ?
- Alors, comment c’était Rome ? Tu n’es pas tombé à la renverse en voyant la tour de Pise ? Demanda un charmant jeune homme, hilare.
- Il l’avait préparé bien avant ton départ celle-là, ajouta Audrey avant d’être bousculé amicalement par le jeune homme en question, en signe de reproche.
Finalement, les miracles n’avaient malheureusement pas opéré pour lui en son absence. Dean n’avait décidemment pas changé ses habitudes. Ses blagues ne s’étaient guère améliorées. Mais son charme irrésistible et son charisme compensait. La jeune psychologue sourit.
- Oui, comment était ton voyage Sydney ? On aimerait bien savoir, vu que tu n’as pas daigné donner de nouvelles, lança Julia, d’un ton amère.
La concernée ne releva pas la remarque. Elle comprenait le point de vue de sa colocataire. Elle se contenta de poser délicatement sa main sur la sienne, afin de l’apaiser et de la rassurer, sentant la colère lui monter. Elle répondit alors à la question de Dean, oubliant la remarque de son amie :
- Rome est une ville étonnante. Je ne m’attendais pas à la trouver si... Jolie. Les monuments sont tellement magnifiques, d’une beauté à en perdre la vue, et on revoit l’histoire de la ville juste en les regardants. Les gens là-bas ne sont pas très aimables, et leur façon de conduire est plus que discutable, j’ai cru ne jamais revenir vivante ! J’ai failli me faire renverser au moins une dizaine de fois… Expliqua Sydney.
- Mais tu es là ! Et seule qui puis est… Je ne vois pas de bel apollon ? Remarqua Samantha en feignant de regarder derrière Sydney. Tu l’as laissé dans tes valises ? Plaisanta-t-elle.
- Malheureusement non, répondit la jeune femme d’un air faussement triste. Avec ma famille sur le dos 24h sur 24, je n’ai pu rester seul un moment qu’avec le guide. Mais il ressemblait davantage à grincheux qu’à George Clooney, si vous voyez ce que je veux dire !
Sydney en frissonna. Un rire communicatif s’éleva. Ils s’imaginaient certainement grincheux draguer sans relâche Sydney, sous les yeux ébahit de sa famille, notamment sa mère, certainement au bord de la crise cardiaque, elle qui s’était mis en tête de trouver le prince charmant pour sa fille. Un léger bruit aigu surgit alors de nulle part, interrompant la bonne humeur ambiante. Subitement, le visage de Samantha devint un peu plus sérieux. Celle-ci observa son bipper au niveau de la ceinture de son pantalon noir.
- Je vous vois toute à l’heure, annonça la belle jeune femme, s’apprêtant à partir.
- A toute, lança Sydney.
Dans un élan alors machinal, la jeune blonde se mit à jeter un coup d’œil à sa montre. C’est avec stupeur qu’elle se rendit compte de l’heure.
- Merde ! Je suis en retard ! S’exclama-t-elle.
- Un entretien d’embauche ? Supposa Julia.
- Oui, et il commence dans 2 minutes ! Explique-t-elle en prenant son sac et en se dirigeant vers sa voiture, suivant les pas de Samantha.
- Bonne chance ! Lança Dean, à la volée.
Ses encouragements se perdirent dans le crissement de la coccinelle verte-pomme de la blondinette qui roulait déjà à toute vitesse sur la route.
Non loin de Beverly Hills, le ronronnement d’une moto se faisait entendre. Les rayons timides du soleil se reflétaient sur son extraordinaire carrosserie qui brillait d’un rouge sombre. A cheval sur l’engin, Samantha portait un casque assortis à son moyen de transport favori. Ne cessant de dépasser des voitures, elle roulait de plus en plus vite sur le goudron, profitant de cette incroyable sensation de vitesse infinie. Un léger bip retentit subitement à son oreille. La jeune femme prit alors l’appel en appuyant sur un bouton situé sur sa montre. Le Bluetooth s’actionna et elle entendit une voix grave émaner de son oreillette :
- Mendès ?
- Oui. La ligne est-elle sécurisée ? Demanda la jeune femme en dépassant une camionnette.
- Oui. Je te donnerais tes nouvelles indications au 933, Hikkcrest Drive, c’est un entrepôt délabré.
- D’accord, je suis en route.
La conversation semblait terminée. Samantha était habituée. L’homme qu’elle avait eu au téléphone n’avait pas pour habitude d’être très loquace. Mais il avait eu un ton grave. Du moins plus grave que d’habitude. Peut-être était-il préoccupé ? De plus, leur point de rendez-vous était très inhabituel. Pourquoi ne pas avoir organisé leur rencontre au sein de l’agence, comme ils le faisaient habituellement ? La jeune femme n’eut nullement le temps de se poser d’autres interrogations qu’elle arriva à destination. Scrutant les alentours avec attention, elle s’assura de ne pas être surveiller. Les graviers blancs recouvrant le sol conféraient au paysage une intense froideur. Les arbres et buissons défraichies entourant le bâtiment n’arrangeaient en rien la beauté du paysage, et surtout pas celle de la bâtisse en taule, rouillé par endroit, située à quelques mètres de la jeune femme. La conductrice descendit de sa moto, déposant son casque et ses gants dans le compartiment prévu à cet effet au sein du véhicule. Elle marcha d’un pas assuré en direction de l’entrée du bâtiment. Ses sens aux aguets, elle ouvrit délicatement la porte en taule dont la rouille semblait avoir trouvé refuge. Elle constata avec dégoût que sa main était tapissée de moisi et de crasse, d’un verdâtre à en faire vomir plus d’un.
- Charmant ! Fit-elle, la mine dégoûtée.
Elle s’essuya la main à contrecœur sur son pantalon noir qui moulait son corps et se décida à entrer dans l’entrepôt. Dépourvus de tout mobilier et d’électricité à en juger par l’obscurité et le vide de l’établissement, l’endroit n’était définitivement pas accueillant. La jeune femme renifla sauvagement. Une odeur infâme vint se prélasser à ses narines. Un goût de vieillis, de rouille et d’égout s’installa dans la bouche de la jeune femme, engendrant ainsi une belle grimace sur son visage. Oman son ressenti, elle s’avança doucement dans l’entrepôt, toujours sur ses gardes, et découvrit une table oubliée quelques mètres plus loin. Samantha continua prudemment et s’arrêta. Un homme sortit subitement de l’ombre, éclairée par une petite lampe survenue de nulle part. De taille moyenne, il arborait une attitude sérieuse dans son costume noir. Ses cheveux, d’un brun plutôt clair, semblaient impeccablement reposés sur son crâne tandis que son regard, habillé d’un marron clair, semblait définitivement fermé. Sa main imposante déposa sèchement un dossier ouvert sur la table en acier rouillé. La jeune femme s’avança et y découvrit la photo d’un homme ainsi que divers informations le concernant. C’était un russe, semblait-il.
- Tu es en retard, annota froidement l’homme.
- Contente de te revoir aussi David, répliqua d’un sourire narquois la jeune femme.
- Anissi Baranovski, commenta celui-ci, ignorant la remarque de Samantha. Un grand homme d’affaire russe. Il possède un château à Moscou, les coordonnées y sont notés, expliqua-t-il en désignant le dossier que tenait à présent la jeune femme.
- Trafiquant d’armes… Marmonna-t-elle.
- En effet, il interrompt nos livraisons et revends nos armes au marché noir.
- Je suppose qu’il bénéficie d’une aide… Quelques pistes ?
- Malheureusement non. Je trancherais pour une taupe. Mais l’agence n’a aucune preuve tangible concernant l’implication d’Annissi Baranovski dans le trafic d’arme. Je te charge de trouver qui nous trahie. Tu as deux jours. Tu seras une de ses clientes potentielle.
- 2 jours ?
Sydney le fixa intensément, tout en relevant ses sourcils. Ce délai était trop court. Et il le savait. De l’espionnage okay, mais de l’infiltration, c’était une autre chose. Pour gagner leur confiance, soutirer des informations, avoir accès à tout ce qu’il lui faudrait. C’était trop juste.
- Tu n’auras pas plus de temps, trancha-t-il. Une seule rencontre est prévue.
La jeune femme se contenta de feuilleter le dossier. Les horaires des gardes, la sécurité du château, les plans de celui-ci… Tout y était minutieusement détaillé. Ce Baranovski semblait méfiant. Si elle aussi volait des armes à une des grandes puissances pour les revendre ni vu ni connu, elle serait aussi sur ses gardes. Cependant, d’une nature très curieuse, elle ne put s’empêcher :
- Pourquoi n’ai-je pas été convoqué à l’Agence ?
L’homme ne sourcilla pas. Durant quelques secondes, il se contenta, le regard toujours impassible, de fixer Samantha.
- Bon voyage Sam.
C’était étrange. Elle voulut répliquer mais se retint. David était plus ferme que d’habitude. Cette mission était risquée, l’endroit du rendez-vous aussi. Mais avant tout, il était son supérieur hiérarchique. C’est ainsi qu’elle enroula le dossier sur lui-même et le glissa dans sa poche. D’un pas pressant, elle quitta le bâtiment afin d’enfourcher sa moto. Son avion décollait dans quelques heures seulement. Son casque et ses gants correctement ajustés à son corps, elle roula en direction de sa villa. Oui, elle était agent secrète. Et oui ce métier, car cela en était un, était très dangereux. Mais la diversité de ses missions, des lieux et l’adrénaline qui l’a submergeait valaient le danger encourut. Elle appréciait son mode de vie, même si elle ne l’avait pas choisie. Otant ses souvenirs de ses pensées, elle gara sa moto dans son allée. Une pelouse d’un vert étincelant entourait la demeure, accompagnée de divers palmiers exotiques. Deux colonnes en pierre beige surplombaient la maison, permettant de soutenir ses deux étages. Une grande baie-vitré constituait la façade de la demeure, dont la double porte d’entrée, délimitée par un cadre en bois, s’ajustait parfaitement en son centre. La jeune femme emprunta l’allée prédéfinie par du sable doux et entra à l’intérieur de la villa. Posant ses clés sur un petit meuble en verre non loin de l’entrée, Samantha traversa la pièce principale et emprunta l’escalier situé au centre du salon, où une cheminée incrustée reposait tranquillement. Les rayons du soleil se reflétaient sur les marches transparentes de l’escalier, dont la rambarde en bois de chêne permettait sans nul doute d’assurer la sécurité de la jeune femme. Celle-ci continua son ascension, malgré l’ouverture se présentant à elle, afin d’accéder au premier étage. D’une démarche élégante, la jeune femme poursuivit sa montée. Samantha parcourut le couloir éclairée par divers lampes murales afin de s’arrêter face à une porte en bois blanchit par la peinture. Entrant dans la pièce, l’agent secrète aperçut sa chambre à coucher. Les meubles en bois harmonisaient la pièce qui, grâce au lit chinois au centre de la chambre et au parquet impeccablement bien ciré, conféraient une ambiance élégante. Divers peintures ornaient les murs, dont les couleurs étincelantes vivifiaient la chambre, attribuant ainsi un peu de gaieté à cette élégance. La jeune femme fit quelques pas vers son lit et souleva le matelas. Elle appuya alors sur un bouton caché par le tissu qui enclencha un mécanisme assez complexe mais qui, au final, abaissa un placard secret au niveau de sa coiffeuse, situé non loin d’une grande fenêtre. Elle inséra un code à 4 chiffres à l’écran incrusté au métal froid du placard puis s’écarta pour le laisser s’ouvrir. Des passeports, des cartes d’identités, des permis de conduire s’étalaient sur l’étagère grise. Elle saisit des papiers officiels au nom de Samantha Snyder et referma le placard secret. Pour quelques jours, cette identité ferait amplement l’affaire. La jeune femme se plaça ensuite devant son armoire, collée à sa coiffeuse.
- 53452, énonça-t-elle.
Un cliquetis se fit entendre. L’armoire de l’agent tourna sur elle-même et laissa place à une étagère en acier. Des armes y étaient entreposées. Vu qu’elle n’avait pas accès à l’agence avant son départ, elle décida de prendre ses gadgets dans sa réserve personnelle. Samantha décida de seulement prendre son Five Seven, avec plusieurs de ses accessoires. Modérateur de son, lampe, visé. Cela lui servirait surement. Elle ne prit cependant aucunes armes lourdes. Si tout se passait comme convenu, elle serait repartit sans grande confrontation. Après avoir préparé une petite valise contenant se dont elle aurait besoin en Russie, elle reprit sa moto et roula en direction de l’aéroport.
Quelques rues plus loin, Audrey descendait de sa voiture verte pomme. La jeune blondinette s’apprêtait à rencontrer le directeur des ressources humaines du cabinet TAYLOR, un des plus réputé de la région, paraissait-il. Le stress commençait à se faire ressentir et la jeune femme suait déjà. Audrey prit néanmoins une profonde bouffée d’air frai en arrivant devant un grand immeuble dont les fenêtres semblaient étonnement petites.
- Tu vas y arriver, se motiva-t-elle, tu vas y arriver !
La chômeuse se retrouva dans le hall principal du cabinet. Elle se dirigea vers l’accueil et demanda la direction du bureau d’un certain Mr Tanner. La secrétaire, vêtue d’un petit tailleur noir et d’une chemise beige orangée, lui indiqua le 5e étage. Ses cheveux châtains clair mêlés de quelques mèches blondes l’embellissaient tandis que ses yeux noisette, lui conféraient une expression chaleureuse. Elle traversa le grand hall, clair et vaste, d’où s’afférait des dizaines d’employés dans l’espoir d’effectuer correctement leur travail. Elle marcha en direction de l’ascenseur, situé à gauche de l’entrée. Celui-ci s’ouvrit et s’agita dans tous les sens à l’arrêt, provoquant ainsi la perte d’équilibre de tous ses occupants.
- Il est temps qu’ils le fassent réparer, se plaignit une femme, les cheveux plaqués contre son crâne grâce au chignon impeccablement situé à l’arrière de sa tête et qui époustouflait son tailleur.
Un bel homme releva la tête vers Audrey. Ses cheveux, mi- longs, d’un brun saisissant ainsi que ses fossettes accentuées entourant son sourire charmeur l’a fit rougir. Le jeune homme portait un magnifique costume noir et la regardait à travers d’intenses yeux noisette.
- Vous entrez ? Demanda-t-il.
La jeune femme observa l’ascenseur de long en large en arborant une grimace. La peur l’avait paralysé.
- Heu… Finalement, je vais prendre les escaliers, se désista-t-elle à contrecœur.
Malgré l’énorme tentation d’être enfermé avec un si bel homme, Audrey courut vers les cages d’escaliers. Hors de question qu’elle prenne cet ascenseur vieux de l’an Petre ! Si elle devait mourir, autant avoir une fiche de paie dans son cercueil ! C’est ainsi qu’elle se dirigea au 5e étage, regrettant amèrement la proposition de l’homme au bout de quelques minutes de montée. A bout de souffle, elle s’arrêta devant le bureau de Mr Tanner. Audrey frappa timidement avant d’ouvrir la porte et entra. Elle découvrit une grande pièce avec, en son centre, un bureau en marbre. D’énormes colonnes de pile de dossiers ornaient les quatre coins de la pièce. Le bureau paraissait chaleureux. La jeune femme pris place dans un fauteuil plutôt confortable et observa l’homme devant elle. Il possédait quelques cheveux blancs et devait avoir sans nul doute la quarantaine. Il paraissait très sérieux.
- Très bien Melle Linsburg, je vois que vous n’avez aucune compétence particulière… commença l’homme en zieutant son CV.
- Oui, j’en suis consciente, mais je peux vous assurer que je suis une personne déterminée et persévérante ! Se défendit-elle avec fougue.
L’homme d’affaire lui sourit. Audrey se détendit. Le recruteur avait échangé sa façade sérieuse et professionnelle contre un visage paisible et gracieux. Il appréciait la ténacité de la jeune femme, qui de toute évidence, paraissait décidée à avoir ce travail.
- Selon vous, quelles sont les compétences nécessaires pour être secrétaire ?
- Eh bien tout d’abord, il faut savoir faire preuve de bonne humeur, dans n’importe quelles circonstances, et avoir un sens du relationnel agréable. De plus, il faut avoir un bon esprit d’équipe, reprit-elle.
- Un bon esprit d’équipe ? S’étonna l’homme.
- Oui, une entreprise est une entreprise. Il faut savoir gérer les rapports entre collègue pour pouvoir la faire prospérer. Une ambiance et de bons rapports au sein de l’entreprise sont sans conteste le meilleur atout pour augmenter le chiffre d’affaire.
Le recruteur griffonna quelques mots sur son carnet. Le point de vue de la jeune femme était inattendu et original. Peu de personnes voyaient le travail en entreprise de la sorte. Mais ce n’était pas la seule chose essentielle qu’il fallait savoir pour travailler dans son cabinet. C’est ainsi qu’il continua avec ses questions :
- Je vois que vous avez travaillé dans l’évènementiel. Vous n’avez pas continué dans cette voie ?
Audrey redoutait cette question. Ce travail avait été très intéressant mais il s’était terminé dans des circonstances assez... étonnantes. Ne voulant pas s’attarder sur ses souvenirs gênants, elle s’empressa :
- L’expérience que j’ai acquise dans ce milieu m’a été énormément bénéfique. Mais je pense qu’au final, cela n’était pas fait pour moi.
- Secrétaire serait donc pour vous, un meilleur choix, comprit le vieil homme.
La jeune femme se contenta de sourire. L’entretient se passait étonnement bien, et moins elle en disait, mieux elle se porterait. Elle releva ses sourcils, s’interrogeant elle-même. Un sans-faute ! Comment était-ce possible ? En voyant l’homme se lever, elle l’imita. Apparemment, il avait eu toutes les informations nécessaires, car l’entretien se terminait. Il contourna son bureau et se pencha vers la jeune femme. Celle-ci débordait de joie, implosant intérieurement. Elle se félicitait de n’avoir fait aucunes conneries. Une vague de bonheur l’a submergea, si bien qu’elle ne put réprimer un large sourire se dessiner sur son visage, et l’envie irrépressible d’enlacer l’homme à ses côtés. Ce qu’elle fit sans réfléchir. Elle enroula ses bras autour du recruteur, en un seul mouvement, et les serra avec force, dans un geste possessif. Comme pour le remercier du bon déroulement de l’entretien.
"Merde !"
Et oui, les choses ne changeraient décidemment jamais. Elle se retira aussitôt de ses bras, gênée. Réfléchissant à toute allure, elle cherchait quelque chose à faire pour se dépêtrer de cette situation. C’est alors que son regard se posa sur le petit cadre photo sur le bureau de l’homme. C’était lui-même, avec une très jolie jeune femme.
- Hum... Votre fille est ravissante, tenta-t-elle.
Il se retourna vers Audrey, le visage durcit.
- C’est ma femme.
« Double merde ! »
De son côté, la jeune psychologue était déjà dans son cabinet depuis plusieurs heures. Elle avait eu pas mal de rendez-vous décalés à cause de ces petites vacances à Rome et de ce fait, était surchargée de travail pour les journées suivantes. Normalement, Sydney aurait dû se trouver chez elle, à boire tranquillement une bière devant son ordi. Mais son assistant en avait décidé autrement. Il n’avait pas eu le cœur et le courage de décaler pour la troisième fois le rendez-vous de Jamie Parsons. C’est ainsi que celui-ci, assis en face d’elle, révélait ses sentiments à cette jeune psychologue. Son histoire n’était pas des plus joyeuses. En effet, il avait été adopté à l’âge de 6 ans par une gentille famille attentionnée. Son père biologique était allé en prison à cause de l’alcool, et sa mère n’avait guère les ressources nécessaires pour subvenir à ses besoins. Juste avant de le soumettre aux services sociaux, elle l’avait par mégarde fait tomber sur le sol. Cela lui avait fallu une lourde opération au cerveau. Il souffrait depuis ce jour d’une lenteur dans tous ses gestes et le statut d’handicapé. Assise sur un fauteuil en face de son patient, la psychologue l’écoutait attentivement.
Il était devenu un jeune homme respectable, et plus gentil que lui, il n’y avait pas. Il arborait cependant une mine triste. Cette année, il était partit en vacance avec une bonne nouvelle en tête. Pour la première fois depuis qu’il avait été abandonné, il allait revoir sa mère biologique. C’était sans compter la rupture d’anévrisme qui avait décidé de frapper. Le destin avait finalement décidé qu’il n’aurait plus aucun contact avec ses parents. Parfois, celui-ci pouvait se montrer très cruel. Mettant de côté ses pensées, la jeune psychologue dû lutter pour ne pas s’endormir. Elle était loin d’être professionnel aujourd’hui, mais la fatigue l’a rattrapait malgré elle. C’est ainsi que quand la séance se termina, elle en fut soulagé. Elle n’en montra cependant rien, gardant une attitude chaleureuse et ouverte à l’égard du jeune homme. Elle le raccompagna à l’accueil et le laissa délibérer de son prochain rendez-vous avec son assistant. A peine rentra-t-elle dans son bureau qu’elle se laissa tomber sur son canapé. Qu’il était confortable et moelleux. L’idée d’une sieste envahit ses pensées. Néanmoins, elle se releva péniblement, et à contrecœur, se dirigea vers l’accueil. Elle y aperçut Stanley, son fervent secrétaire et assistant. Plutôt beau garçon, celui-ci connaissait bien sa patronne. C’est ainsi qu’en voyant le regard suppliant qu’elle lui jeta en arrivant, il l’a rassura en lui tendant un café :
- Vous pouvez rentrer chez vous Sydney, plus aucun rendez-vous n’est prévu pour ce soir.
- Oh… Soupira-t-elle de soulagement. A demain Stanley ! lança-t-elle, soudainement redevenue joyeuse et débordante d’énergie. Elle lui agita le café accompagnée d’un léger signe de tête en guise de remerciement.
- Oh et n’oubliez pas la réunion demain matin, lui rappela-t-il.
Elle se retourna presque instantanément, sa bonne humeur l’ayant déjà quitté.
- Ah oui c’est vrai... maugréa-t-elle.
Sydney le regarda d’un air suppliant. Elle ne voulait pas aller à cette fichue réunion. Elle n’était guère à l’aise pour parler avec ses confrères. C’est ainsi qu’elle fit sa moue, relevant ses sourcils, accentuant ses yeux de biche. Stanley en était perdu.
- Sydney...
Il ne pouvait décemment pas dire au « conseil » que sa patronne ne viendrait pas à la réunion car elle ne les supportait pas. Elle leur avait fait le coup trop souvent. Il avait beau être le messager, c’était sur lui qu’ils se défoulaient. Et elle le savait. Mais le regard de la jeune femme semblait trop intense et surtout, faisait bien trop pitié. Stanley lui sourit tant bien que mal malgré la grimace qui se dessinait sur son visage. Il était vrai que sa patronne était imprévisible, mais il semblait de plus en plus difficile pour lui de suivre le rythme même en s’étant habitué avec le temps. Avec Sydney, il fallait rester disponible 24h/24 et faire face à bon nombres de ses caprices. Il craqua :
- Très bien, je vais voir ce que je peux faire.
Un large sourire se redessina sur le visage de la jeune femme.
- T’es le meilleur ! Lui lança-t-elle, accompagné d’un clin d’œil.
La jeune psychologue sortit du bâtiment pour arriver au parking en sirotant son café. Il était drôlement bon ! Stanley était décidément très doué pour ce genre de services, bien plus que pour organiser les rendez-vous. Mais que ferait-elle sans lui ? Le soleil commençait à se coucher et la fraîcheur du soir se faisant ressentir. Elle entra dans sa Dacia et commença à conduire. Elle pensait déjà à se relaxer devant la télévision, manger un bon repas chaud et s’installer devant un bon film d’horreur. Mais elle aperçut soudainement un large et grand panneau indiquant la nouvelle collection de vêtement d’Yves saint Laurent. Elle ressentit alors l’appel des vêtements, des bijoux venir à elle.
- Non ! Se défendit-elle.
Julia l’avait sermonné tellement de fois à propos de ses impulsions d’achats qu’elle en avait perdu le goût de faire les boutiques pendant plusieurs semaines ! Serrant son volant, la jeune femme accéléra. Plus tôt elle serait arrivée chez elle, plus tôt ses envies s’estomperaient ! Manque de chance, un feu rouge lui barrait la route et il lui semblait interminable. D’autant plus qu’intelligemment, une publicité était mise à disposition au regard des automobilistes concernant des chaussures. La jeune psychologue verrouilla les portes. Il ne fallait pas qu’elle sorte. Résistant à la tentation, elle attendit patiemment que le feu soit vert. Elle regarda droit devant elle, évitant les panneaux au bord de la route. Au bout de quelques minutes de conduite, Sydney se détendit. Elle était tout à fait capable de se contrôler, de faire taire ses pulsions d’achats. C’était sans compter les commerciaux qui n’avaient pas hésité à placarder nombres incalculables d’écran publicitaire. Instinctivement, afin ne pas être tenté, elle mit un énorme coup de volant et la voiture fît un dérapage que Sydney réussit finalement à contrôler. Son café renversé, elle reprit son souffle. La voiture à l’arrêt au beau milieu de la route, elle releva la tête. Etonnement, un grand sourire s’afficha sur son visage. Les soldes commençaient ! S’en était trop, oubliant toute logique, la jeune psychologue se rua vers les boutiques, faisant total abstraction des dizaines de voitures qui klaxonnaient derrière elle.
Les derniers rayons du soleil se reflétaient sur une grande enseigne, au centre de la ville. L’endroit (restaurant-bar) n’était certes, pas le plus branchée de la ville, mais son charme, sa qualité et son emplacement étaient sans conteste un plus. C’est pourquoi la salle principale semblait plus bondée chaque soir. Derrière le bar, non loin de l’entrée, une jeune femme observait l’énorme pendule suspendu au mur. Dès que la petite aiguille franchi le 16, celle-ci bondit derrière le comptoir.
- J’y vais les filles, annonça Julia à l’attention de ses collègues, éparpillés suivant leur poste dans la salle principale.
- A demain, lança un jeune homme, non loin d’elle. Bonne soirée !
Celle-ci, pour toute réponse, lui lança un large sourire. Elle contourna le bar et fila dans la salle employée pour se changer. Vêtue de rouge et de blanc, les couleurs de l'enseigne, elle se dirigea dans la petite salle, prévu pour elle et ses collègues uniquement. La colocataire de Sydney semblait ravie d’avoir fini son service. En effet, elle était épuisée par le rush. Il y avait eu du monde ce midi, et elle avait de ce fait enchainé les postes. Services en salle, au bar, la caisse... Mais à ne pas se méprendre, Julia aimait beaucoup ce travail. Le temps passait vite, car elle était toujours occupée. Elle alternait les postes, ce qui l’empêchait de s’ennuyer et de tomber dans la routine. De plus, ce métier lui permettait un contact avec la clientèle quasi permanent, et ainsi accentuer sa sociabilité. Elle s’entendait même autant avec ses responsables que ses collègues ! Mais rien n’était parfait. Et à la tête de la direction, Josh Flanigan, l’homme qu’elle méprisait le plus au monde. En plus de se pavaner sans aucun remords, Il en faisait le moins possible, préférant asseoir son pouvoir sur eux, en tant que parfait sadique. Julia referma son casier, habillée en tenu civile. Elle allait franchir la porte, son sac à la main, quand elle s’arrêta brusquement.
- Botte de cow-boy noir, du 46, intérieur-extérieur cuir, marmonna-t-elle, nostalgique.
Elle bloqua sa respiration. Des pas retentissaient. C’était lui. Son supérieur. Un homme grincheux, tyrannique, qui ne cessait de se plaindre et qui prenait un malin plaisir à lui faire faire toutes sortes de corvées ignobles. C’était bien le seul homme que Julia détestait. Combien de fois lui avait-il fait récurer les toilettes et obliger à analyser les poubelles dans ses moindres recoins avant d’aller les jeter ? Julia devait réagir si elle ne voulait pas rester travailler de nuit. Dans son obsession maladive de la torturer, Josh avait dû s’apercevoir qu’elle finissait son service ! Elle longea doucement les casiers et regarda autour d’elle. A l’allure de ses pas, son supérieur atteindrait la porte d’en moins d’une minute. Il ne fallait pas qu’il l’a voit. Les casiers étaient définitivement trop petits pour se faufiler à l’intérieur. Son regard s’arrêta alors sur la seule fenêtre de la pièce. Assez grande pour qu’on puisse y passer, conclut-elle. Sans perdre une seconde, elle l’ouvrit et se hissa jusqu’au rebord. Heureusement pour elle, l’établissement ne bénéficiait que d’un rez-de-chaussée. Elle n’eut guère le temps de réfléchir à la manière de descendre qu’elle sursauta quand son patron entra dans les vestiaires. Surprise, elle tomba dans un seul mouvement, étouffant un petit cri. Alors qu’elle s’imaginait déjà à son enterrement, elle fut troublée de ne ressentir aucune douleur. Regardant autour d’elle, elle réprima un haut le cœur.
« Eh merde » pensa-t-elle.
La jeune femme était tombée dans la benne à ordures, ouverte pour l’occasion. Julia semblait être tombée dans des aliments aussi répugnants que son patron, l’odeur y compris. Elle essaya de se relever, mais en manque d’équilibre, elle tomba en arrière, s’aspergeant d’une étrange sauce orange. Au vu de l’odeur et de la texture, elle pensa tout de suite à de la mayonnaise accompagnée de fiente de pigeon et d’un soupçon de vodka. Faisant sa meilleure grimace, la jeune serveuse se remit debout, s’appuyant sur les rebords du container en essayant d’enlever les tas de détritus de son corps. Elle aperçut alors à travers un morceau de salade collé sur son visage des cheveux bruns mis bouclés. Enlevant la feuille sale, elle rougit, morte de honte. Un homme s’avançait en sa direction, un léger sourire en coin. Il possédait une barbe mal rasée et des yeux verts. Celui-ci s’approcha, tout en restant à une certaine distance de la benne.
- Julia, justement je vous cherchais. Je vois que vous prenez votre travail très à cœur, si je puis dire, se moqua-t-il. Dîtes-moi, cela vous dérangerais de rester un peu plus tard demain soir ?
Je savais que vous seriez toujours partante ! Lança Josh Flanigan en partant en direction du parking, ne laissant guère le temps à la jeune femme de répondre.
La serveuse poussa un grognement de rage. Cet homme ingrat se moquait ouvertement d’elle ! Essayant de se calmer, elle regagna sa voiture. En démarrant, elle constata qu’elle empestait horriblement fort. Elle se nettoya vite fait le visage mais elle fut bien forcer de reconnaitre qu’elle avait mauvaise mine avec ses cheveux en bataille, des morceaux d’aliments un peu partout sur elle et l’affreuse odeur qu’elle dégageait. Julia arriva chez elle peu de temps après. Elle ouvrit la portière de sa voiture et sans attendre, un morceau de poulet s’échappa de sa cheville pour s’étaler sur les graviers de son allée.
- C’est dégoûtant, marmonna-t-elle en grimaçant.
Elle marcha en direction de la porte d’entrée mais fronça les sourcils en entendant d’étranges bruits émanent de l’intérieur. Julia ouvrit la porte et entra doucement.
- Sydney ? Appela-t-elle, oubliant totalement son accoutrement.
Elle posa son sac sur le comptoir et avança dans la maison. Elle s’arrêta, apercevant un paquet de croquette pour chien posé contre un mur, puis continua de marcher en fronçant les sourcils de plus bel. La jeune psychologue apparut soudainement derrière elle la faisant ainsi sursauter.
- Je suis là, répondit Sydney. Ouah ! S’exclama-t-elle en reculant. Qu’est-ce qui t’est arrivé ? Tu es passé sous un rouleau compresseur ou quoi ? Se moqua-t-elle.
- Hum c’est une longue histoire… Qu’est-ce qui se passe ici ? Pourquoi il y a-t-il des croquettes dans le salon ? Demanda-t-elle, l’air accusateur, changeant ainsi de sujet.
- C’est aussi une longue histoire.
Sydney commença à marcher pour aller dans la cuisine quand elle fut vite arrêter par sa colocataire.
- Qu’est-ce que tu as encore fait ? Se lamenta Julia en posant ses mains sur ses hanches.
- Rien… Rien du tout… Pourquoi tu dis ça ?
- Ce sourire-là, expliqua Julia, en pointant les lèvres de son amie.
- Quoi ?
- Celui que tu as quand tu veux rassurer les autres et me faire croire que tout va bien alors que tu sais pertinemment que je vais découvrir la vérité !
- Mais non ! Nie Sydney, à bloque. Ne dramatise pas.
Un aboiement retentît soudainement, provenant d’un placard placé juste à côté d’eux. Julia lança alors un regard noir de reproche à sa colocataire.
- Bon d’accord… Se résolue la jeune psychologue. Mais avant que tu montes sur tes grands chevaux, regarde un peu ce petit bout de chou ! Dit-elle en ouvrant la porte du placard.
Un petit chien y sortit et se précipita sur la jeune serveuse, attiré par la nourriture.
- Tu as pris un chien ! S’emporta Julia en repoussant l’animal avec son pied. J’aimerais bien savoir ce qui se passe dans les petits recoins insensés et farfelus de ton cerveau !
- Eh ! S’exclama Sydney. Regarde-le comme il est mignon ! Et puis au moins il nous défendra, il fera fuir les voleurs ! Se défendit-elle, essayant de trouver de bons arguments.
- C’est un CHIHUAHUA! La seul chose qu’il fera fuir ce sont les rats qui traînent dans le jardin et qui, j’espère, te refileront la rage !
Sydney prit le chiot à poil court dans ses bras et plaqua ses mains sur les oreilles de l’animal.
- Chut ! Il est très susceptible ! Il pourrait te croire et ensuite souffrir d’un complexe d’impuissance et d’infériorité due à sa taille !
- Quoi ? ! S’exclama Julia, ébahit.
Consternée, la jeune serveuse s’assit sur un tabouret situé devant le comptoir, séparant la cuisine du salon, afin de se calmer.
Elle secoua la tête, comme pour faire sortir toutes ses contraintes de son esprit. Sa colocataire avait le don de laisser cours à ses pulsions d’achats, ou d’envie, ce qui enrageait celle-ci. Elle se calma néanmoins. Il était toujours possible de redonner le chiot.
- Okay… soupira Julia. Tant qu’il n’y a que le chien.
La serveuse chercha le regard de sa colocataire qui fuyait étrangement. Julia se releva doucement en s’approchant de Sydney.
N’est-ce pas ? Demanda-t-elle pressement.
- Eh bien… commença la jeune psychologue en zieutant le salon.
Julia se rendit alors compte qu’un énorme rideau séparait le salon du reste de la pièce. Aveuglé par sa colère, elle n’avait guère remarqué le morceau de tissu. Fronçant les sourcils, elle redoutait ce qu’elle allait trouver derrière.
- Il y avait les soldes et… tenta Sydney.
Sa voix se perdit dans le petit gloussement que poussa Julia en tirant le rideau d’un coup sec.
- Un jacuzzi ? Il y a un jacuzzi dans mon salon ! Répéta-t-elle, au bord de l’évanouissement.
En effet, une énorme installation était entreposée au centre de la pièce. Quelques gros tuyaux grisâtres partaient de la grande baignoire pour rejoindre les canalisations, situées hors de la maison. Le grand écran plat, le jacuzzi d’un bleu clair apaisant, ainsi que le large canapé blanc donnait à la pièce une allure balnéaire. Le bref silence qui s’installa semblait gâché par les ronronnements timides que produisaient les hydrojets de l’appareil.
- Écoute, c’était le seul endroit où il pouvait rentrer… Je t’avais dit que j’avais toujours rêvé d’en avoir un.
Constant que sa colocataire était toujours sous le choc, elle continua.
- C’est l’un des meilleurs sur le marché.
Julia se retourna, et fusilla du regard son amie avant de partir, folle de rage. Sydney resta seul dans la pièce, indécise. Elle arbora une grimace en apercevant le petit animal faire ses besoins sur le sol. Elle fronça néanmoins les sourcils. Julia ne lui avait pas fait de scène, comme elle avait l’habitude de le faire. Pas de grand discours, de parfait sermons. Parfois, elle avait l’impression d’être une gamine se faisant toujours réprimander par sa mère. Étrangement, là elle s’en sortait plutôt bien ! Cela cachait quelque chose. Elle préféra quand même éviter sa colocataire, le temps que celle-ci se calme. Elle n’était pas maso à ce point !
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