Objet/chose : “latitude”
Émotion/état : “hystérie”
Couleur : “miel”
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Faire le tri dans le grenier avait amené la fratrie à le continuer pour le reste de la maison. Ils s’étaient rendus compte que depuis près de six mois, depuis la mort de leur parents, ils avaient tout mis en pause.
Ou presque. Anaïs avait arrêté ses études et trouvé un travail en CDI payé au SMIC, afin de subvenir à leurs besoins. Nathan et Thibault avaient continué leurs études, l’un parce qu’il savait ce qu’il voulait faire comme métier et que ça payerait bien, l’autre tout simplement parce qu’il était mineur.
Mais en dehors de ces obligations, ils avaient quasiment arrêté de vivre. Anaïs ne voyait plus ses amis, se contentant d’appels rapides ou de textos. Nathan allait toujours en soirées étudiantes mais uniquement parce qu’il avait besoin de sociabilité que par réelle envie et ne restait jamais très longtemps, jusqu’à Kilian. Thibault ne parlait plus à personne sauf Chloé, et uniquement parce que la fille venait le chercher par la peau des fesses quand il restait trop longtemps tout seul.
Bref. La fratrie Leroy s’était rendue compte de son isolement, et cela avait déclenché une envie de tri, de ménage et de rangement au sein de la maison. Un peu comme le début d’un nouveau départ.
– Oh j’avais oublié qu’on rangeait les albums photos dans ce meuble, s’enthousiasma Anaïs en sortant des piles de classeurs souples pour commencer à les feuilleter.
Ils se trouvaient dans le salon, entourés de piles, ou plutôt de tours de livres, de CD, de cassettes vidéos et de musique, et de DVD. Seul le coin administratif était intouché, car les documents y étant rangés leur étaient fréquemment nécessaires.
– Mais il y en a combien ? s’horrifia Nathan en voyant une nouvelle tour commencer à s’élever. Ne me dites pas que les parents gardaient absolument toutes les photos qu’ils prenaient ?!
– Quoi ? T’as peur qu’on retrouve des preuves compromettantes ? sourit Thibault en rejoignant sa sœur. De nous trois, t’es sans doute celui qui est le plus chargé en termes de dossiers.
– Dit celui qui a confondu la latitude de et la longitude et s’est retrouvé perdu tout seul à l’autre bout de la ville en faisant paniquer tout le monde.
– J’avais huit ans ! s’exclama le plus jeune, vexé. Arrête de remettre ça sur le tapis tout le temps !
– On a tous fait des trucs embarrassants quand on était enfants, rassura Anaïs d’un ton amusé. Et c’est un peu le rôle des parents d’immortaliser ça pour nous les ressortir quand on est plus vieux. Par exemple…
Elle fouilla dans les différents albums autour d’elle, tous nommés d’un de leur nom et d’un numéro ou juste du mot “famille” et de l’année. Trouvant celui qu’elle cherchait, elle le feuilleta avant de s’arrêter à une page précise et de retourner le livre face à ses frères.
C’était des photos d’elle-même quand elle avait cinq ou six ans, et elle était affublée de vêtements bien trop grands pour elle tandis qu’elle prenait différentes poses.
– Qu’est-ce que tu faisais ? l’interrogea Thibaut, curieux.
Il n’était pas encore né à cette époque.
– Je sais plus. Tout ce dont je me souviens, c’est qu’à ce moment-là je voulais être blonde, donc j’enroulais souvent cette écharpe couleur miel autour de ma tête pour faire comme si c’était mes cheveux, dit Anaïs en tapotant l’image de ladite écharpe sur l’une des photos.
– T’étais déjà frappée quand t’étais môme, fit remarquer Nathan avec humour.
– Tu peux parler, rétorqua Thibaut d’un regard plat. J’étais assez vieux pour me rappeler de ton défilé de coloration arc-en-ciel. Et de comment il s’est fini.
– Oh oui ! s’exclama Anaïs, joyeuse. À chaque nouvelle couleur, papa et maman prenaient des photos. Elles doivent être rangées par là.
Elle tenta de prendre certains des albums au nom de Nathan quand celui-ci sauta dessus pour l’en empêcher.
– Ils ont gardé ces ignominies ?! se scandalisa-t-il.
Il se leva, les albums dans les bras, prêt à partir dans la cuisine pour trouver l’allume-feu et réparer cette grave injustice. Mais ses frères et sœurs lui barrèrent la route, s’agrippant à lui.
– Lâchez-moi, je vais tomber !
– Tu ne détruiras pas les photos Nathan ! Ce sont des souvenirs importants ! plaida sa sœur.
– Non pas ceux-là ! Et je suis en train de perdre mon pantalon alors lâchez-moi !
– Ça ne montrera rien qu’on est déjà vu, lança le plus jeune taquin.
– Thibaut !!
À force de gesticuler pour s’échapper, Nathan finit par tomber, entraînant les autres avec lui. Les albums lui glissèrent des mains, Anaïs et Thibaut en profitant pour les récupérer et commencer à les feuilleter.
– C’est dingue le nombre de trucs débiles que tu as fait, commenta son petit frère. De nous trois t’es celui qui a le plus d’albums à ton nom.
– C’est parce que c’est une drama-queen, argumenta Anaïs en regardant rapidement les photos pour trouver ce qu’elle cherchait. Il a toujours eu cette fibre naturelle pour la théâtralité, faisant que tout prend des proportions incroyables.
Nathan croisa les bras, indigné par tant de traîtrise fraternelle.
– Oh, la première fois que Nathan a essayé de faire la cuisine ! s’écria Thibault tout sourire avant de monter la dite photo.
On pouvait voir une scène horrible, un véritable carnage culinaire réparti sur toutes les surfaces de la cuisine. Et au milieu, un mini Nathan de douze ans à l’air vexé et indigné tout en faisant une moue de mauvaise foi quant à sa responsabilité dans cette situation.
– Je m’en souviens ! Maman était verte devant l’état de la cuisine, et papa mort de rire en prenant la photo, ria l’aînée. T’es toujours une catastrophe en cuisine, mais au moins tu ne fais plus rien exploser.
– C’est pas ma faute si je suis persécuté par la nourriture !! s’énerva Nathan, toujours de mauvaise foi.
– Aha ! J’ai trouvé !
Anaïs, toute fière, retourna l’album qu’elle avait entre ses mains pour montrer une photo bien particulière.
Nathan, seize ans, avait les cheveux affreusement blancs et un visage un peu fou où s'affrontaient le désespoir, le deuil, et l’hystérie. C’était la dernière preuve de la période de coloration capillaire de Nathan qui, après cet évènement accidentel, avait arrêté de se teindre les cheveux.
– Faut qu’on la montre à Kilian la prochaine fois qu’il viendra.
– JAMAIS !!
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