Objet/chose : “fourchette”
Émotion/état : “témérité”
Couleur : “bronze”
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L’automne s’était installé dans la région depuis plus d’un mois, et ses effets se faisaient bien ressentir. Le moral des gens avait baissé en raison de l’arrivée du froid et de la pluie, de la rentrée scolaire et de la fin des vacances de manière générale. Quoi de plus normal quand on avait la grisaille et les rhumes ?
Heureusement cette saison venait avec deux points positifs.
Le premier était les jolies couleurs qui recouvraient les arbres avant qu’ils ne perdent leurs feuilles pour l’hiver. Du marron, du jaune, de l’orange et du rouge partout. Avec des traces de vert grâce aux épineux.
Le second était Halloween. La fête où l’on se déguisait en des créatures effrayantes, où l’on mangeait notre poids en sucreries, et où l’on pouvait légitimement faire peur aux enfants sans risque de représailles.
Et Halloween chez les Leroy, c’était quelque chose. Du muret jusqu’à la porte d’entrée, en passant par la façade de la maison et le jardin de devant, tout était décoré dans le thème de ladite fête. Leur maison était connue dans tout le quartier, et c’était faire preuve de témérité pour les jeunes enfants que de traverser leur allée sans être accompagnés par des grands ou des adultes.
Ou du moins, c’était quelque chose quand les parents étaient encore en vie.
Cette année, personne ne savait si les enfants Leroy allaient continuer la tradition, ou juste faire une petite décoration histoire de marquer le coup, ou ne rien faire du tout. Et jusqu’à il y a environ trois jours, la fratrie elle-même ne le savait pas non plus.
Puis un matin, profitant que ses frères n’avaient pas cours, Anaïs les a réveillés et traînés à la cave pour sortir les cartons de décorations.
– On a une réputation à maintenir, avait-elle dit avec entrain. Et puis faire peur aux enfants ce jour-là est une tradition familiale !
Ce fut donc avec beaucoup de grognements contre le poids des décorations, de râleries envers les nœuds des guirlandes et fausses toiles d’araignées collantes, et de maladresses en tout genre lors de la pose, que la maison des Leroy fut décorée cette année.
La sonnette spéciale Halloween retentit dans toute la maison, faisant pousser un petit cri de surprise aux personnes dehors qui ne s’y attendaient pas. Anaïs ouvrit légèrement la porte en réprimant un sourire.
– Oui ? demanda-t-elle dans une imitation de vieille sorcière. Qu’est-ce que vous voulez ?
– D-Des bonbons ou sort ! firent à l’unisson le petit groupe d’enfants d’environ sept ans.
– Un sort ? s’exclama-t-elle faussement en ouvrant la porte en grand, les dévoilant, elle et son costume de sorcière.
Anaïs avait mis tout l’attirail, jusqu’à la grosse verrue sur le menton et le nez. Elle faisait une sorcière d’enfer.
– Un sort, dites-vous ? rétorqua-t-elle en tapotant sa fausse baguette contre sa joue. Et si c’était moi qui vous jetais un sort ?
Elle se pencha avec un faux sourire vicieux vers les enfants qui resserrent les rangs.
– Je pourrais… vous changer en grenouille avec des oreilles de lapin ? Ou en chat avec des écailles ? Ou peut-être en chihuahua qui imite un âne ?
Des rires difficilement masqués lui répondirent. Bon, pour faire peur on repassera. Anaïs n’avait jamais réussi à avoir le truc pour faire peur comme leurs parents l’avaient eu.
– Bon, dit-elle magnanime. Comme vous avez l’air d’avoir du potentiel horrifique, je veux bien vous donner des bonbons.
Et elle sortit le saladier où reposait tout un tas de sachets remplis de bonbons.
– Un par personne. Si vous essayez d’en prendre plus, je vous envoie chez les zombies ! menaça-t-elle de sa baguette en bois.
Les enfants se jetèrent sur leurs sucreries avec des remerciements, et à peine eurent-ils le temps de finir de récupérer leur sachet que Thibault apparut à ses côtés.
– Tu m’as appelé ? fit-il d’une voix rauque et grinçante.
Il était déguisé en zombie, avec du faux sang partout sur lui. Sur son tee-shirt avait été rajouté “J’aime les humains” accompagné d’une fausse empreinte de main ensanglantée. Il avait une fourchette et un couteau ensanglantés coincé dans sa ceinture, bien visibles.
– Oh ! Tu m’as apporté à manger ? Je connais une super recette de chair d’enfant avec du céleri et du piment. Mortel ! s'exclama-t-il en se léchant ses lèvres tout en regardant ses fausses futures victimes.
– On n’a pas bon goût ! cria l’un des enfants avant d’entraîner les autres dans la rue, hors d’atteinte des mains tendues de Thibault.
Leur chaperon, à moitié caché derrière le muret, rigola en les saluant, puis suivit ses charges à distance.
– Comment tu fais ? gémit Anaïs dans une moue déçue.
– T’es trop gentille. En plus, tes menaces étaient plus drôles qu’effrayantes.
– Ce qui est un comble quand on sait que t’es une fan d’horreur, d’épouvante et gore, enchérit Nathan derrière eux.
Il était déguisé en pirate squelette avec du maquillage partout où sa peau était découverte. Il avait aussi beaucoup de bijoux d’or et de bronze sur lui.
– Si j’en juge par ton costume, tu vas nous lâcher.
– Soeur de peu de foi ! J’avais l’intention de rester avec vous jusqu’à vingt heures au moins avant d’aller à ma fête, mais puisque je ne suis pas désiré, je vous abandonne immédiatement.
Et il passa devant eux, un air indigné et vexé sur son visage. Il était vraiment le plus dramatique d’eux trois.
– Quoi, t’as peur que ta copine te largue pour un démon sexy si t’es pas là depuis le début ? le taquina Thibault.
Nathan s’arrêta au milieu de l’allée, semblant presque hésité avant de se retourner en les fixant d’un oeil noir.
– J’ai pas de copine.
– Amie avec avantages, si tu préfères, fit son frère en haussant les épaules.
Profitant de son immobilité, Anaïs quitta le seuil de la maison et attrapa son petit frère par le bras, voulant le traîner à l’intérieur.
– Si t’avais prévu de partir que vers vingt heures, je t’ordonne de rester ! Et si tu refuses, je t’attache au portail ! Je suis sûre que ça fera peur aux enfants de voir un adulte leur sauter à moitié dessus tout en leur demandant de l’aider à se libérer.
Elle s’arrêta net avant de se tourner vers Nathan avec un grand sourire. Sourire que ce dernier n’apprécia pas du tout.
– Non.
– Si ! C’est une super idée ! Thibault va chercher de la corde !
– À vos ordres Capitaine !
Et il disparu dans la maison.
– C’est moi la Capitaine, pas elle !
– Je suis l’aînée, asséna Anaïs en faisant marche arrière pour traîner son frère vers le portail. Mais ne t'inquiète pas, on te laissera assez de mou pour bouger et tourner en rond comme le damné que tu dois jouer.
– Trop aimable…
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