Option taille : 1000 mots (+/- 10%)
Objet/chose : “cuillère”
Émotion/état : “hystérie”
Couleur : “argenté”
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Anaïs soupira de soulagement en quittant son poste. La journée était enfin finie. Elle passa rapidement au vestiaire pour se changer, salua d’un sourire poli ses collègues et s’engouffra dans sa voiture. Assise sans bouger sur le siège conducteur le temps que la vielle auto chauffe, la jeune femme se demanda - pas pour la première fois - si elle n’allait pas démissionner, essayer de trouver un autre travail moins pénible avec un meilleur salaire. Anaïs avait l’impression que plus le temps passait et plus elle allait se transformer en robot si elle continuait à travailler dans cette usine.
Mais elle ne pouvait pas partir.
Depuis la mort de leurs parents, elle était la seule de la fratrie à avoir une rentrée d’argent via son travail. Thibault ayant à peine seize ans et étant encore au lycée, il était préférable qu’il se concentre sur ses études pour les finir avec le BAC en poche. Nathan en revanche avait vingt ans, mais il lui était impossible de garder le moindre petit boulot plus de deux mois, et encore. Au moins, il avait le droit à la bourse.
Les membres un peu raides et douloureux, Anaïs manœuvra sa voiture pour rentrer à la maison. Elle espérait que Nathan avait fait les courses en rentrant de ses cours, sinon elle allait devoir y aller demain matin, ce qui la décourageait d’avance. Faire les courses le samedi était une horreur avec tout le monde dans les rayons et à la caisse.
« Et si je prenais de la viande ? Ça fait tellement longtemps qu’on en n’a pas mangé. Tant pis si c’est un peu hors budget. »
À la pensée de nourriture, son estomac gargouilla, se manifestant une fois de plus. Anaïs avait à peine mangé ce midi, le frigo et les placards de la maison étant vides, et le self de l’usine trop cher pour leurs maigres finances.
Se garant dans la petite allée de la maison, Anaïs descendit de la voiture et sortit ses clés, leur couleur argentée brillant à la lumière des réverbères. Une fois la voiture verrouillée, la jeune femme se dirigea vers la porte d’entrée. Elle eut à peine le temps d’en passer le seuil, qu’elle se fit sauter dessus par son plus jeune frère.
– Anaïs !! Tu dois l’arrêter ! Sinon, on va mourir !
Thibault, un air scandalisé et effrayé sur le visage, occupait tout son champ de vision. Anaïs soupira.
– Qu’est-ce qui se passe, encore ?
– Nathan a décidé de faire à manger ! lui répondit-il sur un ton catastrophé.
Anaïs éjecta immédiatement son frère et se précipita en direction de la cuisine. Arrivée dans l’encadrement de la porte, elle se stoppa net et pointa Nathan d’un doigt accusateur.
– Lâche cette poêle, terroriste !!
Le jeune homme se tourna vers elle en râlant.
– Ça va, le feu n’est même pas allumé… Et puis, qui te dis que je ne me suis pas amélioré ?
– Le fait que rien qu’en ouvrant le frigo, tu obliges les œufs à se suicider !
– Et la dernière fois, t’as fait tourner le lait juste en sortant la bouteille ! rajouta Thibault, derrière sa sœur.
Nathan déposa brutalement la poêle sur le plan de travail.
– C’est bon, j’ai compris ! Je voulais être sympa et faire la bouffe, mais puisque c’est comme ça, débrouillez-vous !
Et il s’assit rageusement sur la chaise la plus proche, les bras croisés, boudant. Anaïs soupira une nouvelle fois, autant de fatigue que de soulagement.
–Thibault, tu veux bien t’occuper de la cuisine ? Je viens t’aider après avoir lancé une machine.
– Ok, fit le petit frère en entrant dans la pièce.
Nathan grommela dans sa barbe inexistante, les yeux fixés sur le mur, comme s’il espérait pouvoir y faire un trou par la seule force de la pure volonté de son esprit. Les deux autres l’ignorèrent.
Anaïs quitta la cuisine pour se débarrasser de son manteau et alla dans sa chambre déposer ses affaires. Elle prit sa panière à linge, passa prendre celle de ses frères dans leur chambre, fit un crochet par la salle de bain au cas où, puis descendit à la cave où se trouvait la buanderie. L’interrupteur allumé, elle fit très attention où elle mettait les pieds en descendant l’escalier branlant. Une fois les deux pieds sur le sol, la jeune femme releva les yeux.
Puis elle lâcha la panière de linge sale et hurla aussi fort que lui permettait sa gorge et ses poumons.
Au-dessus, dans la cuisine, les deux frères se figèrent en se regardant.
– Dis, commença Nathan en posant les petites cuillères sur la table. Ça serait pas de ça, qu’on n’arrivait pas à se souvenir ?
– Si. On a oublié de nettoyer.
Des bruits de pas précipités résonnèrent dans la maison, suivis quelques secondes plus tard par une Anaïs complètement choquée et paniquée, à la limite de l’hystérie.
– Du s-sang !!! I-i-i-il s’est passé quoi ?! Y’a du s-sang partout d-dans la cave !! Absolument p-partout !! On d-dirait qu’y a eu un c-car-
Anaïs s’arrêta d’un coup dans sa tirade affolée, remarquant et fixant l’assiette que tenait Thibault. Assiette où se trouvaient des tranches de viande crue.
Une seconde, ses yeux s’écarquillèrent. Deux secondes, son teint pâlit. Trois secondes, elle s’évanouit.
– Nan mais, quelle ingrate, fit Nathan en claquant la langue. Ça fait des mois qu’on n’a pas mangé de viande parce qu’on n’en a pas les moyens, et quand enfin on en a, elle critique le désordre.
Il se dirigea vers Anaïs et la souleva du sol.
– Elle ne croyait quand même pas que la viande allait venir toute seule dans la poêle ?
– Faut la comprendre aussi, tempéra Thibault. On en a mis partout. Même au plafond, je crois. Elle n’était pas préparée, c’est tout.
Nathan se gratta le menton, pensif.
– Ouais… La prochaine fois, faut qu’on fasse mieux niveau propreté.
Thibault hocha la tête en se tournant vers la gazinière, puis alluma le feu et posa la poêle dessus avec le beurre dedans.
– Au fait, tu la veux comment ta viande ?
– Saignante, lui répondit son frère en emmenant leur sœur pour la déposer dans son lit.
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