Objet/chose : “pain”
Émotion/état : “haine”
Couleur : “marron”
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Sophie s’installa à la table de la cuisine, de mauvaise humeur. Et pour cause : l’autre côté du lit était vide quand elle s’était réveillée. Andy ne semblait même pas y avoir passé la nuit.
Elle prit rageusement la moitié d’une baguette de pain pour en faire des tartines, maugréant contre cet imbécile. Pensait-il vraiment qu’elle ne savait pas qu’il découchait régulièrement ? Que monsieur préférait sortir on ne sait où, avec on ne sait qui, au lieu de rester avec elle ? À croire que son amour ne suffisait pas.
Étant seule, le petit-déjeuner fut vite expédié, tout comme la vaisselle. Sophie soupira, cette situation ne pouvait plus continuer. Elle se rendit dans le salon dans l’objectif de regarder un peu la télévision pour se changer les idées, quand elle vit Andy assit nonchalamment sur le canapé.
– Où t'étais ?! s’exclama-t-elle. Non, avec qui tu étais ?!
Andy la regarda, un air curieux sur le visage, comme s’il ne comprenait pas pourquoi elle lui criait dessus. Comme s’il n’avait rien fait de mal. Comme s’il ne découchait pas. Comme s’il n’allait pas voir quelqu’un d’autre.
Quelque chose craqua à l’intérieur de Sophie, qui jeta avec violence à travers la pièce les affaires d’Andy à portée de main. Ce dernier eut peur, et se réfugia de l’autre côté du canapé.
– Comment oses-tu recommencer ?! lui cria-t-elle, les yeux brûlant de larmes.
Andy ne dit rien, la regardant simplement. Lui qu’elle aimait et qui avait l’air de considérer son amour comme allant de soi.
– Après tout ce que j’ai fait pour toi, c’est comme ça que tu me remercies ?!
Aucun son ne provint d’Andy. Comment pourrait-il en être autrement ? Depuis son accident, il était devenu muet. Sophie parlait pour deux dans cette maison. Même si c’était déjà relativement le cas avant, au moins il lui répondait. Un peu.
De rage, elle lui jeta un coussin à la figure. Il le reçut en pleine tête et détala dans une autre pièce, ne voulant pas être la cible physique de la conséquence de son acte. Quel lâche ! C’est vrai qu’en y repensant, il n’avait jamais été très courageux.
« Pourquoi je l’aime déjà ? »
D’un pas vif, Sophie partit s’enfermer dans la chambre, et pleura toutes les larmes de son corps dans son oreiller. Dire qu’avant l’accident, il ne lui avait jamais fait ça ! Il avait gardé un certain comportement enfantin à l’époque, c’est vrai, mais dès lors qu’il était rentré de la clinique, ses frasques avaient commencé. Au début, elle ne les avait pas vu. Mais aujourd’hui… aujourd’hui elle les voyait toutes.
Sophie savait qu’elle ne devrait pas se laisser aller dans cet état, dans cette tristesse et ce ressentiment. Elle se disait souvent qu’elle devrait le haïr pour toute la peine qu’il lui faisait, mais… comment pourrait-elle un jour ressentir de la haine à son égard ? Impossible, c’était tout simplement impossible pour Sophie de haïr Andy.
Son flot de larmes s’épuisant suffisamment pour lui permettre de parler correctement, elle attrapa son téléphone et appela sa meilleure amie Anaïs. Cette dernière décrocha, et Sophie se mit à déverser sa tristesse dans le combiné. Anaïs la réconforta, fit preuve de soutien, Sophie l’en remerciant. Mais au fond, elle savait ce que pensait Anaïs : après toutes ses infidélités, elle devrait le quitter. Sophie le savait, mais elle ne pouvait pas.
– Désolée… je t’appelle toujours pour me plaindre d’Andy, s’excusa Sophie en reniflant.
– Ce n’est pas un problème, je suis ton amie, c’est normal que je te soutienne, lui assura Anaïs.
Pourtant elle était la seule de ses amies à être toujours patiente et compréhensive sur le sujet, ce qui touchait énormément Sophie. Les autres… les autres ne semblaient pas comprendre ou accepter sa relation.
– Merci, dit-elle timidement. Et toi ? Comment tu vas ? Et tes frères ?
– Nous allons bien, comme d’habitude, même si je soupçonne Nathan de s’être trouvé quelqu’un.
Et elle enchaîna sur ses spéculations, le comportement de son frère et l’augmentation de ses absences le soir et le week-end. Anaïs lui fit aussi part de quelques anecdotes familiales qui s’étaient passées depuis la dernière fois qu’elles s’étaient parlées, ce qui redonna le sourire à Sophie. Finalement, elle resta plus d’une heure au bout du fil avec son amie.
– Elle a raison, faut que je me ressaisisse.
Sophie se leva de son lit, retapa un peu son oreiller et décida de se faire une bonne tasse de thé pour se calmer. Elle sortit de la chambre. Personne. Elle pénétra dans la cuisine. Toujours personne. Elle tendit l’oreille, mais rien. Elle était sans doute toute seule dans la maison, cet idiot ayant du sortir.
Le micro-onde sonna, et Sophie sortit sa tasse quasi brûlante de l’habitacle métallique. Heureusement qu’il y avait une hanse. Le liquide marron clair et transparent lui ébouillanta à moitié la langue et la gorge quand elle en prit une gorgée, mais elle s’en fichait, car ça faisait du bien.
Soudain, Sophie distingua un mouvement du coin de l’œil, mais avant d’avoir pu faire le moindre geste pour l’esquiver, Andy était sur elle. Il se colla contre elle et la regarda avec de grands yeux clairs, à la limite de la tristesse. C’était elle qui était triste, plus que lui en tous cas. Il fallait toujours qu’il se place en victime peu importe la situation.
« Pourquoi je l’aime déjà ? »
Elle tenta un écart, mais il la suivit à la trace. C’était limite s’il ne lui tournait pas autour. Ce manège dura plusieurs minutes avant qu’elle n’en puisse plus, et craqua. Comme à chaque fois. Elle posa, vaincue, sa tasse sur le plan de travail et le prit dans ses bras. Andy se pressa contre sa poitrine, ravi de l’attention et de l’affection. Il se mit même à frotter doucement sa tête contre la sienne, signe d’amour chez lui. Elle le serra un peu plus fort. Sophie n’avait jamais su lui résister, ni avant, ni maintenant, ni jamais. Dès que son regard avait croisé le sien, elle avait su que c’était à la vie à la mort, et tant pis pour le reste. Reste qui la faisait actuellement souffrir.
« Peu importe tous ses défauts, je l’aime. »
– Stupide chat…
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