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tome 1, Chapitre 10 « Onzième jour » tome 1, Chapitre 10

Les légions du val étaient mobilisées de façon perpétuelle. C’était le propre de toute garnison de se tenir en armes, quelque fût le sort des choses. Les gens de Calgacus ne déposaient ainsi jamais le fer, passant les saisons sous le poids des boucliers de la Horde. Pourfend-Gel était un seigneur qui à ce sujet n’admettait aucun écart de conduite. Sur les rivages de la Mer des Cairns ne demeurait nulle âme de l’Ailleurs sans arc ni aloi, dont le bras n’ait pas éprouvé le poids de la trempe, qui soit sans connaissance des sortilèges et des manœuvres. Les enfants d’Aife ferraillaient à pied comme à cheval, tous maîtres dans l’art de la fauconnerie et de la chasse. Leurs troupes étaient des lignes que pas même les légions romaines n’avaient réussi à percer, que les Saxons, Angles ou Brythons n’avaient pu refouler et qui demeuraient au-delà du Firth de Forth pareilles à une ombre qu’aucune lumière ne pouvait écraser. Le pouvoir de la Legio I Picta s’était toujours maintenu, répandu le long du Bouclier du Nord en une chape qu’aucun général n’avait brisé, qu’aucun commandement n’avait dissout, qu’aucune invasion n’avait disloqué. Pourfend-Gel portait en lui le feu de cette insoumission, l’Art de l’Ailleurs couvant sous sa peau, auréolant son profil d’un éclat occulte. Dans ses accords tonnaient les tambours de l’Au-Delà. Car il parlait la langue des Fonds, contenue dans un accent heurté trahissant sa nature. Il s’exprimait sous un ton étouffé, d’une voix au timbre assourdi. Derrière ce grondement sépulcral couvait le pouvoir de l’Ailleurs, à peine dissimulé au creux de ses pupilles de verre. De tout son être sourdaient des présences étrangères et il était connu pour porter l’héritage du premier fils d’Aife, des dispositions qui n’était point partagées, pas même par les oracles les plus capables tels que Rune-d’Os.

Son pouvoir était le plus étendu mais il ne négligeait point les dons de ses frères, car par leurs conseils et leur habileté, il avait régné plus d’une vie d’homme.

Au matin du onzième jour, la Legio I Picta s’était assemblée aux portes du royaume. Une mer de lances aiguisées et d’écus ronds s’était étendue depuis les arches de pierre. Pourfend-Gel avait scindé ses troupes en deux contingents, le premier ayant quitté le val dès l’aube, marchant directement sur Klett. Le second devait quitter Cairn à la seconde lune suivant le départ de la première cohorte. Les deux armées devaient se rejoindre de façon presque concomitante aux remparts du bourg tenu par les Scots, en vue d’assiéger Laimhrig.

La veille, au banquet, Drest avait franchi les pierres de passage. Il avait cherché Morag en vain le long de la Lysse, puis à cours de temps, avait traversé la frontière. Il pensait la Picte égarée. Mais il la trouva conviée aux agapes, bien qu’elle y siégeât sans appétit, certes égarée en pensées.

Drest savait le nom d’Uoret fabriqué par Iain, comme il connaissait la parenté de sa complice. Il avait donc craint pour sa vie à grandes suées lorsqu’il crut la sœur du seigneur de Klett perdue ou enlevée.

Au soir, Pourfend-Gel l’avait reçu, lui avait fait glisser une coupe de bière, et avait rendu compte de la situation. La crainte de Drest ne s’était pas adoucie. Morag avait rompu le serment de son frère, en changeant les termes de son accord. Le Picte de Dùn Obar s’était inquiété du sort des choses à la table de son hôte, ce sur quoi Pourfend-Gel n’avait pas révélé un seul mot. Morag avait cru leur faire gagner du temps en passant la Lysse, sacrifiant son hymen et son obédience au clan de Cairn. En vérité, elle n’aurait pu extorquer une avance plus importante au maître des lieux, l’entreprise d’Iain n’étant point improvisée. Quant à sa décision, elle embrumait les pensées des deux Pictes qui avaient finalement laissé ces préoccupations dans un repli de leurs esprits, laissant s’écouler la nuit.

Les heures sombres passées, avant que la lumière du jour ne pointe au-delà des crêts, Pourfend-Gel avait hésité. Pouvait-il laisser Morag prendre la route ? Il se doutait de l’hostilité qu’elle opposerait s’il devait lui interdire la marche vers Klett. Ne chevaucherait-elle pas Iarann à leur suite, poussant le coursier à son allure la plus soutenue, pour rejoindre le Fort Tempête ? Quand bien même abattrait-il le poney, n’irait-elle pas vers Laimhrig, avec le second contingent, sur une des montures de Cairn ? La crainte avait tourmenté le Vois-Sans-Œil, au point de le tenter à contraindre la sœur d’Iain. C’était là une pratique interdite, et il ne pouvait imposer un sort de Fermeté à une âme de souche picte. Pourfend-Gel avait alors contourné la difficulté en réservant son maléfice à un autre que Morag.


Texte publié par GJBlake, 10 janvier 2023 à 15h57
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