Pourquoi vous inscrire ?
«
»
tome 1, Chapitre 3 tome 1, Chapitre 3

Les chambres de la fraternité Alpha Thêta Gamma avaient été abandonnées dans un désordre total : bouteilles d'alcool fort, linge sale et saladiers vides jonchaient le parquet.

Quatre garçons faisaient une partie de bière-pong au rez-de-chaussée plongé tandis que deux autres faisaient le guet sous le porche.

Au sous-sol, on ordonna aux initiés de s'agenouiller, de fixer l'objectif et de prêter une nouvelle fois serment dans leur plus simple appareil. Mason décapsula les dernières canettes de bière et les tendit à ses sbires qui les présentèrent aux novices en ricanant.

-Encore trois et ce sera fini. Susurrèrent-ils.

Un des initiés leur adressa un regard halluciné. Il ne parvenait plus à distinguer les traits de ses tortionnaires dans l'obscurité. Il se résolut à boire une autre rasade de bière. Une sueur froide perla sur sa tempe, la boisson dégoulinait affreusement sur son menton. Il aurait voulu rejoindre leurs rangs mais l'initiation s'éternisait et prenait la forme de sévices toujours plus humiliants les uns que les autres.

-J-Je n'en peux plus ! Articula-t-il entre deux gorgées avant de s'effondrer.

Rayane rentrait tard pour alimenter les couleuvres du vivarium du laboratoire en rats morts. Elle avait quelques affinités avec les reptiles. Son père s'était procuré un iguane domestique qui n'avait d'ailleurs pas fait long feu dans le clapier des lapins.

Les pneus de son vélo crissèrent devant la façade des confrères d'Alpha Thêta Gamma. Elle avait tout de suite aperçu Noah, accosté par deux grands gaillards en polo jaune.

« Mais qu'est-ce qu'il fiche ici ? »

Elle sauta par-dessus la haie et les rejoignit en courant :

-Noah ! Est-ce que tout va bien ?!

Les membres de la confrérie lui barrèrent le passage :

-C'est une propriété privée.

-Sans blague ? Rétorqua-t-elle avant de se tourner vers Noah : Allez, viens, on rentre.

Noah fit un pas dans sa direction mais un des deux garçons l'agrippa par l'épaule.

-Ne crois pas t'en tirer aussi facilement. Vociféra-t-il.

-Vous êtes dingues ?! Il n'a rien fait de mal !

-Ton petit copain est venu fouiné dans le coin.

Rayane ouvrit de grands yeux :

-Vous vous moquez du monde ? Vous cachez bien votre jeu en clamant haut et fort votre homophobie mais on sait déjà très bien ce qui se passe derrière ses murs. Maintenant, lâchez-le, il n'est pas consentant.

Ils se raidirent, frappés de stupeur et finirent par lâcher prise. Elle battit en retraite en entraînant Noah derrière elle. Ils remontèrent l'allée ensemble et ce n'est que lorsqu'ils furent hors de portée qu'elle éclata de rire.

-Le comble pour ces types serait de remettre en question leur hétérosexualité.Affirma-t-elle, les larmes aux yeux.

Elle passa un bras réconfortant autour du cou de son ami :

-Avoue que l'idée était ingénieuse.

Noah ne broncha pas. Rayane le dévisagea, le sourire figé. Il n'avait manifestement pas l'air dans son assiette.

-Tu t'es attiré des ennuis ? S'enquit-elle sur un ton plus doux.

Noah se dégagea de son étreinte et la devança, les mains dans les poches. Rayane empoigna la celle de son vélo pour le remettre debout.

-Attends ! Où est-ce que tu vas ?

Il pressa le pas et disparut bientôt dans la nuit.

Il les avait surpris depuis le soupirail les faire boire à mort et il avait ensuite vu ce pauvre type s'écrouler.

Noah avait suivi la scène avec une fascination mêlée de crainte. Il avait même nourrit l'envie de se prêter au jeu. Bourreaux et victimes paraissaient s'y complaire et le bourreau, qui avait déjà été victime, semblait jouir de son nouveau statut sans scrupules. Une cruauté voluptueuse animait leur rituel sous le regard inflexible de leur prédicateur. Mason Curtiss. Un monstre de flegme et de mépris. Il lui avait apparu sublime à la faible lueur de la lampe à pétrole.

Il n'en parlerait pas à Rayane. Elle en plaisanterait puis déblatérerait sur le bizutage avec un humour à toute épreuve. D'ailleurs, il ne lui devait rien. Il ne supportait pas de la voir le materner de la sorte et apparaître au moment le plus propice pour le défendre farouchement.

***

Rayane s'arrêta devant les affiches placardées dans les couloirs du bâtiment principal.

L'inscription « L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. » ornait un gobelet rouge brandit par un squelette. Bien plus comique qu'alarmant comme concept...

Elle avait vaguement entendu parler du nouveau membre d'Alpha Thêta Gamma hospitalisé le week-end dernier après avoir été retrouvé dans un état morbide par ses confrères. Il aurait été ensuite banni de la fraternité pour avoir enfreint les règles du campus.

Encore une histoire de fêtards qui avait mal tournée.

Rayane chercha sa parka dans son sac à dos. Les derniers jours d'été étaient très orageux. Elle avait même roulé sur un sentier boueux, ce matin. Elle enviait les étudiants qui traversaient le campus en véhicule. Tant pis pour les pots d'échappements pollueurs, il pleuvait des cordes ce jour là et elle aurait vendu son âme au diable pour rentrer au dortoir les pieds secs.

Rayane referma rageusement la porte de son casier. Elle avait perdu sa parka ! Retourner à l'étage pour vérifier ne servirait à rien, à l'heure qu'il était, toutes les salles de classes avaient été probablement verrouillées.

Elle jeta un coup d’œil à sa montre : bientôt 19h... les derniers élèves quittaient le bâtiment, parapluie en main. Elle s'arma de courage et dévala en courant les marches jusqu'au parking. Elle chercha des yeux derrière le rideau de pluie son vélo et en défit le cadenas en grelottant.

Les phares d'un bolide transpercèrent la brume. Rayane se rangea de justesse sur le côté.

Mason tourna lentement le volant de sa voiture et jeta un coup d’œil sur le rétroviseur. Elle le regarda passer sous la pluie avant de monter péniblement sur son vélo. C'était assez pathétique.

Il rehaussa ses lunettes sur son nez et actionna l'essuie-glace. Il avait coupé court à l'initiation - rien de bien méchant - mais avec cet abruti qui était tombé dans les pommes comme son premier coup, on leur avait intimé de se montrer plus prudent et de ne plus attiser les soupçons. La direction de l'établissement couvrait les enfants des riches partenaires - leur réputation en dépendait - mais il fallait éviter de pousser le comité scolaire dans ses derniers retranchements, ce dernier avait la ferme intention d'assurer un semblant d'équité au sein du campus, signaler les abus de pouvoirs et ne craignait en aucun cas les représailles des puissants.

Il se pencha sur son pare-brise et l'essuya vigoureusement. Un éclair déchira le ciel. Il eut une brève pensée pour la cycliste trempée.


Texte publié par Aponi, 20 juillet 2014 à 03h45
© tous droits réservés.
«
»
tome 1, Chapitre 3 tome 1, Chapitre 3
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
2906 histoires publiées
1300 membres inscrits
Notre membre le plus récent est plebraud
LeConteur.fr 2013-2025 © Tous droits réservés