Un jour, deux jours, trois jours, une semaine, deux semaines…

Elle m’a oubliée ?

Quel culot de m’oublier !

Pourtant je réponds à chacun de ses désirs. J’ai même arrêté de la pousser … alors pourquoi ne vient-elle plus ?

La cantinière vient encore nous voir mais elle ne nous rentre plus. Ils nous mettent dehors, nous laissent cailler dans la nuit et ne me sortent plus de ce pré.

Je m’ennuie. Je mange. Je fais la sieste au soleil. Je harcèle la cantinière pour qu’elle me sorte en même temps que l’Equus gris. Mais rien n’y fait, je m’ennuie dans ce pré.

Je m’ennuie et il fait chaud ! Je crève de chaud ! Je déteste la chaleur ! Je me transforme en escargot mécontent. Mes poils datant de l’hiver, où l’on peut y faire disparaitre une main, deviennent trop lourds, trop chauds, trop poussiéreux.

Et pourtant mes ancêtres vivaient dans le désert, les fous ! Ils paradaient en groupe sous un soleil brûlant, protégeant leur territoire des Canis anthus.

Moi aussi, je protège !

Ma cabane et ma botte de foin sont impénétrables pour le Felis silvestris catus !

Mais protéger ne me suffit pas et je m’ennuie maintenant que le Felis silvestris catus ne vient plus sur mon territoire.

Pour rompre ma monotonie, pour me faire remarquer de la cantinière, pour faire revenir cette traîtresse qui m’a abandonnée, je dois mettre en place un plan…

C’est décidé, à partir d’aujourd’hui, je bloque le chemin à chaque Homo sapiens qui pénètre mon territoire. Je vais les pourchasser, leur tirer les vêtements. Et quand ils souhaiteront que je bouge, je deviendrai une statue. Quand ils voudront que je reste immobile, je les bousculerai. Mon plan infaillible devrait ramener leur attention sur MOI et laisser l’Equus Gris dans un coin.

Un jour, deux jours, trois jours, quatre jours…

Je dois me l’avouer, mon plan a échoué.

Je m’ennuie.

Plus personne ne vient me rendre visite, me couvrir de compliments, me donner une friandise furtivement.

Je me retrouve enfermée avec des mouches, des poils devenus trop longs et seulement deux Equus à embêter.

Pourquoi ne revient-elle pas ?

Un jour, deux jours, trois jours, une semaine, deux semaines…

Elle m’a oubliée ?

Quel culot de m’oublier !