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Un énorme feu flambait au centre du village, illuminant les bâtiments, la fontaine et la petite chapelle d’une lueur sanglante. La petite bourgade était perdue au milieu d’une vaste contrée sauvage, cernée au nord par une immense forêt noire et épaisse ; au sud s’étendaient des vallons et des champs. Mais les habitants bénéficiaient des largesses des aventuriers qui venaient y séjourner : en effet, au cœur de la forêt, se trouvaient les ruines de l’ancienne cité d’Agapolis, réputée pour ses trésors et ses morts-vivants.

- Allez les gars, cria le nain, posté sur la margelle de la fontaine, poussez-moi ces chariots !

Les paysans et les habitants du village grognaient et ahanaient en poussant leurs chariots remplis de paille sur le pourtour du village du côté de la forêt. Des barricades avaient été montées avec tout le bois qu’ils avaient pu trouver. Sur les toits deux archers scrutaient la forêt, sous la lumière faiblissante du soleil couchant.

Emeralde, armée de pied en cap, son symbole sacré bien en évidence se tenait près du nain, soucieuse.

- Ne t’inquiète pas : il y arrivera.

Elle posa ses yeux clairs sur son ami.

- Il faut espérer : nous ne sommes pas assez nombreux.

- Nous tiendrons, fit le forgeron en déposant toute une brassée d’épées sur le sol à leurs pieds.

Il avait revêtu son ancienne armure et son épée était passée à sa ceinture.

- Je suis désolée, mon vieil ami, fit la prêtresse.

Il lui répondit par un clin d’œil.

- A quoi peuvent bien me servir mes années d’expérience si je ne peux pas m’en servir pour défendre mon village ?

Elle posa une main sur son bras. Autour d’eux, il ne restait plus que les hommes et les femmes en état de sa battre : ils avaient envoyé depuis longtemps les vieillards et les enfants dans les collines, sous la surveillance des chasseurs, qui seraient leurs dernières lignes de défense s’ils étaient débordés. En silence Emeralde pria sa déesse pour que Bérénor atteigne sa destination à temps.

Lorsque les derniers rayons du soleil couronnèrent les cimes des arbres d’une lueur enflammée, tout était prêt ; le silence s’était étendu sur le bourg. Seul le crépitement du large brasier pouvait être entendu. Tout le monde était armé et attendait, tendu, que leur ennemi sorte des futaies.

Emeralde et Brisepierre, ainsi que Berold le forgeron et Amalia, l’ensorceleuse, étaient en première ligne. Lorsque les premières silhouettes vacillantes et gémissantes émergèrent des ombres, la prêtresse leva son symbole sacré vers le ciel et rugit des paroles sacrées :

- Que le bouclier de la colère et de la pureté s’étendent sur nos guerriers, ô Aastimar la glorieuse.

Aussitôt émergea de sa frêle silhouette une aura dorée qui, intensifiée par son médaillon, s’étendit à tous ses compagnons proches. Chacun d’eux sentit soudain une force surhumaine s’étendre dans leurs os et dans leurs muscles. Ils serrèrent leurs armes et se concentrèrent, les yeux fixés sur la masse ennemie, qui hésitante d’abord, finit par charger : une vingtaine de squelettes aux os blanchis, vêtus de vestiges d’armures se rua sur eux. Leurs armes heurtèrent celles des défenseurs mais l’énergie protectrice de la prêtresse les affaiblissait et ils tombaient les uns après les autres sous les coups des guerriers. Des flèches enflammées jaillirent des toits et sapèrent les rangs des morts-vivants qui arrivaient derrière. Près du guerrier, l’ensorceleuse entonna des paroles magiques et déchaina la foudre au milieu des rangs ennemis, les éclaircissant davantage. Mais il en arrivait toujours et encore, une armée complète jaillissait des fourrés de la forêt.

Les combattants tenaient et repoussaient toutes les attaques, mais alors que la nuit avançait, ils commençaient à faiblir.

Soudain, une silhouette noire et gigantesque sortit des arbres. Eméralde sentit un froid glacial encercler son cœur ; elle échangea un regard avec la magicienne, qui le lui rendit avec la même angoisse. La créature avança sur le chemin : monté sur un cheval noir aux yeux de feux, elle était vêtue d’une armure d’un noir de jais. Sa cape recouvrait sa silhouette et cachait son visage, mais on pouvait apercevoir à la lumière des flammes une peau parcheminée et blafarde, des orbites vides et sans fond. Il tenait un sceptre qui irradiait une lumière obscure et il s’approchait inexorablement.

Alors, Eméralde, épuisée, ferma les yeux et puisant dans ses dernières réserves, pria sa déesse à voix basse. La lumière qui s’était affaiblie monta soudain en puissance et une vague d’énergie divine jaillit du corps de la prêtresse. Quand elle heurta l’armée des morts-vivants, les créatures furent prises de soubresauts et s’effondrèrent les unes après les autres alors que leurs âmes damnées s’envolaient en hurlant. La prêtresse s’effondra, pâle et tremblante.

Brisepierre se précipita vers elle pour l’aider à se relever. Une nuée de flammes s’abattit sur l’ennemi et l’engouffra, puis elles se dispersèrent, sans lui faire le moindre mal. Amalia serra les dents et jeta un regard à Berold. Celui-ci fronça les sourcils et s’avança de quelques pas. Son épée brillait sous la lumière du feu de joie. Il la prit à deux mains, se campa fermement sur le sol. Brisepierre en profita pour tirer Eméralde derrière la barricade.

Les villageois se regardaient, la terreur peinte sur le visage. Les armes tremblaient dans leur mains, mais ils restaient en position. Après avoir mis la prêtresse en sécurité, Brisepierre rejoignit son ami. La créature continuait d’avancer, en silence, sans expression. Les pattes de son cheval écrasaient les restes de chair et d’os de son armée. Des volutes de fumée sortaient de ses naseaux et ses yeux rouges brillaient. Une volée de flèches jaillit des toits : d’un geste de son sceptre il les détourna. L’une d’elle se planta dans son bras, sans avoir l’air de lui faire plus mal qu’une égratignure.

Lorsqu’il arriva à quelques mètres d’eux, sa bouche commença à se mouvoir. Bérold ne lui laissa pas le temps de parler. Avec un hurlement il se rua sur lui, et asséna un puissant coup de son épée dans le poitrail de la monture. Celle-ci poussa un hennissement de douleur et sa cabra. Un sang rouge, épais et fumant jaillit de sa blessures. La liche sembla soudain surprise. Bérold eut un sourire carnassier, alors qu’il ramenait à nouveau son épée et tranchait le cou de l’animal, qui s’effondra avec son cavalier.

L’épée meurtrière brillait de mille feux et ne portaient aucune trace de sang quand il la replaça devant lui . Alors que le mort-vivant se redressait, le nain rejoignit son compagnon et porta un puissant coup de hache sur la poitrine de la créature, arrachant du cuir et du métal. Elle tituba sous la puissance du coup mais ne fut pas blessée. En revanche, quand l’épée sacrée de Bérold rencontra la chair putréfiée de son bras, une fumée en jaillit et elle hurla de douleur et de rage. Son masque d’impassibilité avait disparu. De son sceptre jaillit un rayon d’énergie sombre qui heurta de plein fouet le guerrier. Celui-ci gémit et tomba à genoux alors que l’artefact maudit aspirait une partie de sa vie. Ses joues commencèrent à se creuser, son regard devint trouble.

Avec un cri de défi, Amalia invoqua alors une nuée de corbeau qui jaillirent de nulle part et attaquèrent la liche de toute part, détruisant sa concentration. Le nain profita de sa distraction pour tenter de briser le manche du spectre d’un coup bien placé de sa hache, mais au moment où le fer rencontra le bois il vola en éclat, manquant de peu son visage. Le nain s’affaissa sur le sol en serrant son bras contre sa poitrine et rampa à reculons pour s’éloigner de la créature.

Eméralde, derrière son abri, essaya de se relever mais elle était épuisée. Elle jeta un coup d’œil au ciel qui restait obstinément sombre. L’aurore n’arriverait pas avant plusieurs heures et d’ici là, ils seraient vaincus.

Un murmure discordant retentit alors. Elle se boucha les oreilles alors que les mots déchiraient son esprit. Amalia pâlit et vacilla ; Bérold et Brisepierre se recroquevillèrent pour tenter de se soustraire à la glace qui envahissait leurs sens. Ils entendirent un hurlement et le bruit d’une chute, alors que l’un des archers perdait l’équilibre et s’écrasait au sol.

- Bérénor, gémit la prêtresse alors que des larmes coulaient sur ses joues froides.

Elle sentait que la malédiction triturait son âme et essayait de la prendre sous son emprise. Déjà certains villageois, le regard vide, marchait à pas lent vers leur nouveau maitre. Une vague de culpabilité l’envahit : tout était de leur faute. Je suis désolée, murmura-t-elle en pensée, à destination des pauvres âmes qu’ils avaient déjà perdues. Elle se sentait elle-même glisser vers les abymes, alors qu’il lui chuchotait des promesses illusoires. Elle risqua un œil par-dessus sa protection et vit que ses amis n’avaient pas encore cédé, cela la rassura. Elle empoigna son symbole sacré et entonna une prière qu’elle répéta et répéta. Au bout d’un moment, elle sentit que la volonté qui tentait de s’emparer d’elle s’affaiblissait légèrement. Mais elle ne devait pas vaciller : elle devait continuer à ouvrir son cœur à sa déesse. De plus en plus de villageois rejoignaient ses rangs, alors qu’immobile il assénait interminablement ses mots magiques et corrompus. Amalia, à terre, sanglotait. Bérold et Brisepierre, à la volonté de fer, tremblaient les yeux vides. Mais ils n’avaient pas abandonné.

Cela leur sembla durer des heures. Puis, alors qu’ils étaient à bout de force, il leur sembla que le chant perdait en force et en rythme, comme si la créature hésitait.

Soudain, le village fut envahi de soldat à l’armure étincelante qui prenaient position. Certains s’approchaient des villageois en détresse pour les aider. Eméralde faillit éclater de rire en apercevant Bérénor qui se précipitait vers elle, une expression d’inquiétude sur le visage. Son visage épuisé et couvert de terre montraient la course qu’il avait faite à travers les champs pour rejoindre la forteresse. Elle serra son frère dans ses bras. Derrière lui s’avançait Elmir, seigneur de la forteresse de Belhassia. Sur son plastron d’argent était peint le blason de sa famille et à son cou pendait le symbole sacré de son dieu. Il portait à la ceinture son épée à la garde ouvragée. Elle était confondue qu’il soit venu en personne et s’inclina maladroitement quand il vint à son niveau.

- Seigneur, murmura-t-elle.

L’homme posa une main sur son bras.

- Relevez-vous, prêtresse, fit-il.

Son attention se porta alors sur la liche qui, immobile, dardait sur le nouvel arrivant un regard brillant de haine. Son chant s’était tu, libérant les esprits qui luttaient encore. Il était entouré des quelques villageois qui avaient succombé, et qui, le regard vide, se préparait à défendre leur maitre.

Des soldats rejoignirent le seigneur et se postèrent à l’entrée du village. Bérold et Brisepierre furent soutenus alors qu’ils rejoignaient Amalia. Le seigneur les regarda tour à tour.

- Vous avez vaillamment combattu. C’est à notre tour maintenant.

- Te crois-tu assez puissant pour me vaincre, paladin ? cracha alors la liche d’une voix lugubre.

Le paladin s’avança alors, en dégainant son épée.

- Et toi, mage corrompu, as-tu si peur de moi que tu utilises de pauvres villageois pour te protéger ?

La liche cracha. Puis les habitants sous son contrôle reculèrent et sa placèrent en demi-cercle derrière lui, armes baissées. Le sceptre qu’il tenait toujours fut soudain entouré d’une brume noirâtre qu’il aspira et se transforma en une épée qui pulsait d’une énergie négative.

Le seigneur sourit, son médaillon sembla vibrer, témoin du soutien de sa divinité. Il attrapa son bouclier et il se mit en garde. Ils se défièrent du regard pendant plusieurs longues secondes.

Puis la liche se précipita sur la paladin et son épée d’obscurité heurta l’épée de lumière qui brilla d’autant plus fort, alors que le guerrier déviait le coup. Il frappa l’ennemi de son bouclier. Celui-ci fut repoussé mais pas blessé, car seule la magie pouvait entailler sa chair morte. Elmir murmura une prière et une énergie dorée glissa sur son épée. Lorsqu’il frappa la liche sur l’épaule, celle-ci hurla de douleur et tous eurent l’impression qu’une partie de son obscurité s’effilochait et disparaissait dans la brise nocturne. Enragée, la créature se jeta sur son ennemi et son épée, habilement utilisée, glissa au-dessus de son bouclier levé et entailla la joue du seigneur. Celui-ci recula, mais seule une grimace montra sa douleur. Le sang coulait sur sa joue et des boursouflures noires apparaissaient au niveau de la plaie, mais il ne s’en préoccupa pas. Profitant de l’ouverture offerte par la liche enragée, il se décala et planta son épée dans la poitrine du mage déliquescent. Celui-ci se cabra et poussa un hurlement strident . Il recula pour essayer de se dégager mais le paladin enfonça davantage son épée. L’énergie bénéfique dont elle était imbibée s’infiltra dans le corps de son adversaire et la plaie se mit à bouillir. La créature s’affaissa, lâcha son épée et ses mains griffues essayaient désespérément d’arracher l’arme. Mais le paladin tint bon. Le pouvoir qu’il déversait dans l’épée avait un coût qui commençait à se sentir mais il n’abandonna pas.

Soudain, la créature leva son visage vers le ciel et hurla une dernière fois. Il sembla alors perdre de la substance et une brume obscure jaillit là où se trouvait son corps. Elle s’envola en direction de la forêt et de son sanctuaire.

Le paladin exténué s’agenouilla, s’appuyant sur son épée enfoncée dans le sol. Il posa sa tête sur sa main qui tenait encore la garde et ferma les yeux. L’énergie qu’il avait déployé pour vaincre la liche était en train de s’évanouir et il était épuisé. Quelques-uns de ses hommes le rejoignirent et l’aidèrent à se relever. Alors qu’ils le soutenaient pour retourner dans le village, il posa son regard sur la forêt : il était temps de nettoyer une bonne fois pour toute ces ruines, se dit-il en rejoignant les braves défenseurs et habitants du village qui l’avait vu naitre.


Texte publié par Feydra, 24 octobre 2022 à 13h58
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