-Qui c'eeeeeest ?
La voix familière qui venait du poids dans son dos le fit sursauter.
-Oichi !
Hayato l'entendit glousser légèrement, puis la sentit se serrer contre son dos. Elle se releva ensuite, et aida le Paladin à en faire de même. Elle avait retrouvé ses couleurs et son sourire malicieux. Ses cheveux étaient à nouveau noués en cette couette si caractéristique. Ses yeux pétillants scrutaient le visage du géant.
-Avouez que je vous ai manqué !
-J'étais si inquiet...
Hayato en avait les larmes aux yeux, et faisait de son mieux pour se contenir. Il était tellement soulagé de la voir en forme. Constatant cela, Oichi vint le serrer dans ses bras, se blottissant contre lui.
-Je suis là maintenant, tout va bien, glissa-t-elle à voix basse.
Ils restèrent ainsi enlacés quelques secondes, profitant de leurs retrouvailles. Le monde pouvait continuer à tourner autour d'eux, rien ne viendrait entamer la joie simple d'être à nouveau ensemble. Elle finit par reculer d'un pas, pour lui adresser un doux sourire. La jeune femme se tourna ensuite vers la prêtresse qui l'accompagnait, et qui s'inclina bien bas.
-Rydia ! C'est toi qui t'occupais de ce grand benêt ? Il n'a pas fait trop de bêtises, j'espère.
Hayato fut surprise de voir Oichi prendre sa servante dans ses bras, elle aussi. Elle ne retenait pas ses larmes, elle.
-Je suis si soulagée de vous voir ainsi, Arama... ! dit-elle dans un souffle.
-J'imagine que c'est à toi qu'on doit de l'avoir en si bonne forme. Suzur doit être fier de toi.
La prêtresse se recula, avec un sourire emprunt d'une certaine fierté, malgré les larmes sur ses joues.
-Depuis combien de temps es-tu réveillée ? s'enquit Hayato.
-Quelques minutes, tout au plus. Je ne suis même pas encore allée voir Albin. J'ai une faim de loup ! Attendez-moi au réfectoire, d'accord ?
Avec un signe de la main, Oichi repartit en coup de vent, au pas de course. Elle n'avait rien perdu de sa vitalité. Le Paladin et sa prêtresse échangèrent un regard amusé, et éclatèrent de rire. Ils étaient tellement soulagés !
A la demande de sa compagne, Hayato et Rydia retournèrent là où ils venaient de prendre leur repas. L'Inerte se fit servir un verre de vin rouge pour fêter l'occasion, et le sirota lentement. Il avait demandé à sa servante de ramener une écuelle bien remplie.
Oichi apparut après une dizaine de minutes d'attente, dans une tenue pour le moins surprenante : elle portait l'uniforme des prêtresses du Sanctuaire. Le rouge vif venait rehausser son teint pâle et l'azur de ses cheveux. Hayato en resta saisi. Voyant sa réaction, la jeune femme fit un tour sur elle-même avec un sourire amusé.
-Ça me fait tellement plaisir de retrouver ces habits ! Ça me rappelle de bons souvenirs.
Oichi s'installa à table, et n'attendit pas pour dévorer ce que contenait son assiette. Ses compagnons restaient silencieux, et la regardaient avec un sourire affectueux. La jeune femme releva les yeux, et les interrogea du regard.
-Quoi ?
Ses deux compagnons se regardèrent et pouffèrent de rire, ce qui la fit grommeler.
-Ah, ces tourtereaux, je vous jure !
Devant l'air gêné des deux jeunes gens, ce fut à son tour de sourire.
-Est-ce que Albin l'a emmené au temple de Dihr ? demanda-t-elle à Rydia.
La prêtresse secoua négativement la tête. Oichi se leva, ramena son écuelle et ses couverts, et leur fit signe de la suivre en sortant du réfectoire.
La jeune femme guida ses compagnons en sautillant à travers les allées. Sur leur passage, tous les prêtres s'inclinèrent bien bas. Hayato n'y était pas encore habitué, mais Oichi sembla ne pas y faire attention.
Le petit groupe arriva devant une grande construction de pierre blanche et pure, rehaussée de sculptures et de feuilles d'or. L'endroit était impressionnant, et une double porte en bois sombre massif en fermait l'accès. La meneuse de la procession l'ouvrit, et laissa passer Rydia en premier. La prêtresse se mit à genoux avant de franchir le pas de la porte, et prononça une prière à voix basse.
Hayato pénétra dans le temple et un long frisson parcourut son être.
La salle était spacieuse et bien éclairée. En son centre trônait un brasero d'environ trois mètres de diamètre, dans lequel flambait une flamme monumentale. Autour de cet objet se trouvaient une multitude de prie-Dieux, dont certains étaient occupés par des croyants. Au fond de la pièce se situait une statue en marbre et en or représentant un homme massif, bien bâti, avec une chevelure drue. A son côté, il portait une épée enflammée. Ses traits étaient coupés à la serpe, mais pleins de bienveillance.
Rydia mena le Paladin devant le brasero, et lui indiqua un meuble pour qu'il s'y agenouille. Elle prit place à côté de lui et lui parla d'une voix basse.
-Dans des temps très reculés, Suzur créa les hommes. Il se disputa peu après avec Nia, la maîtresse des glaces. Celle-ci fit chuter les températures du monde pour tuer ces créatures. Dans sa grande bonté, Dihr fit quelque chose pour aider ces fidèles croyants à survivre : il leur fit le don du feu. Ils purent alors se réchauffer. Le Dieu du feu joua le rôle de médiateur malgré son passé houleux avec Nia, et la Déesse décida de ne garder son emprise que sur les plus hautes montagnes, libérant les terres du frimas qui y régnait. Voici le présent de Dihr à l'humanité.
La prêtresse posa son front contre le rebord en bois devant elle, et ferma les yeux. Hayato regardait fixement le brasier vivace qui se tenait devant lui. Il était comme hypnotisé. Ces circonvolutions dans la flamme étaient un reflet de sa vie. Tumultueuse, à présent. Chaude. Source de destruction. De purification. Réconfortante.
Le Paladin ferma les yeux à son tour et parla à voix basse.
-Je suis Ton obligé, Dihr. Tu as exhaucé mes vœux quand j'en avais besoin. Sache que je Te représenterai fidèlement. Je ferai de mon mieux pour être Ton champion.
La flamme redoubla d'intensité à la fin de cette prière, ce qui fit sursauter Hayato. Était-ce une réaction du Dieu ?
-Essayez de passer dans votre plan éthéré, Maître... glissa Rydia tout bas.
Il rouvrit les yeux, et se concentra pendant près d'une minute. Il était plus rapide qu'avant, c'est certain. Rapidement, sa vision s'obscurcit. Mais contrairement à son habitude, le monde n'était pas gris autour de lui.
Il voyait de multiples volutes orangées voler dans la vaste pièce. Mais surtout la flamme devant lui brillait de mille feux. C'en était presque aveuglant. Mais aussi tellement magnifique. La force magique était si intense qu'elle pulsait. Hayato tendit lentement sa main vers le don du Dieu. Il se pencha vers l'avant, irrésistiblement attiré. Ses doigts finirent par effleurer la flamme, sans qu'il ne sente la moindre brûlure. Au contraire, il sentit le flot éthéré couler à travers son corps.
Une pression sur son épaule lui fit retrouver le fil de ses pensées. La prêtresse l'avait ramené à la conscience, et le temple retrouvait ses couleurs normales. Elle lui adressait un doux sourire, comme si elle était attendrie par sa réaction.
-Avez-vous ressenti Son amour, Maître ?
Le Paladin acquiesça légèrement, pensif. Il venait de vivre quelque chose d'assez extraordinaire. Lui qui était assez hermétique à la question religieuse se posait maintenant de réelles questions.
Il se releva, tendant sa main à Rydia pour l'aider à en faire de même. Hayato fronça alors les sourcils, se demandant où était passée Oichi. Regardant autour de lui, il perçut la petite forme de sa sa compagne agenouillée devant la monumentale statue de Dihr, les mains jointes devant sa tête courbée. Il traversa la pièce pour venir près d'elle, et constata qu'elle tremblait comme une feuille. De grosses gouttes de sueur perlaient dans sa nuque, alors qu'elle fermait les yeux avec force.
Le Paladin se doutait que son état était dû à la présence de beaucoup d'énergie magique liée au feu. Alors il voulut tenter de l'aider. Il se concentra, retrouvant contact avec son plan éthéré, et regardait autour d'elle. Chaque fois qu'une douce volute voletait en sa direction, il essayait de la dévier pour qu'elle contourne sa compagne. Ce n'était pas un exercice simple, et il lui demanda toute la maîtrise qu'il était capable de mettre en œuvre.
Oichi finit par relever la tête vers le soldat, et le regarda longuement. Il ne fit pas attention à l'expression sur son visage, tant la magie accaparait son attention. C'est un frais contact sur sa main qui le fit sursauter, et le ramena à la réalité. La jeune femme lui adressait un pauvre petit sourire, et se releva. Ils ne tardèrent pas, rejoignirent Rydia, et sortirent du temple.
Il fallut quelques secondes à l’Élémentaire de glace pour récupérer. Elle s'éventa le visage à l'aide des mains, et fit même apparaître un bloc dans sa nuque pour se rafraîchir. La jeune femme s'adressa à Rydia.
-Vous avez fait des exercices magiques, tous les deux ?
-Assez peu, répondit la prêtresse. J'ai seulement aidé le maître à mieux appréhender son plan. Je ne connais pas très bien le feu, et ne voulais pas lui donner de mauvaises explications.
Oichi releva son regard vers Hayato, pensive. Puis elle eut un de ces sourires en coin dont elle avait le secret.
-Vous aviez un endroit privilégié pour vos leçons ?
Rydia acquiesça, et prit la tête du petit groupe dans les allées du Sanctuaire.
Quelques minutes plus tard, ils étaient assis sur leur carré d'herbe habituel, à l'ombre, un peu à l'écart de l'activité des temples. Oichi ne put s'empêcher de les taquiner.
-Un endroit tranquille, pour être sûrs de ne pas être dérangés, parfait pour flirter...
Elle rit doucement devant leur mine dépitée, et fit apparaître un épais bloc de glace qu'elle déposa dans les mains du Paladin.
-Faites le fondre, mais sans flamme. Uniquement à l'aide de la chaleur de vos mains.
Il se souvenait de cet exercice, et était plutôt confiant cette fois-ci. Il avait une bien meilleure maîtrise de ses dons, et devrait en être capable rapidement. Il se concentra quelques instants, et infusa tout doucement son énergie magique au niveau de ses mains. La glace commença lentement à se ramollir, puis des gouttes d'eau se formèrent à la surface. D'un coup, le bloc se reforma parfaitement. Il sursauta, et regarda Oichi.
Ses yeux irradiaient de cette lueur bleu pâle caractéristique.
-Ben quoi ? Je sais très bien que vous pouvez le faire fondre. Je veux jauger votre puissance. Un peu de challenge vous fera du bien.
Elle sourit en coin, et fixa à nouveau son regard sur l'objet de leurs attentions. En quelques mots, Hayato prit cette affaire beaucoup plus personnellement. Ce n'était pas un simple exercice. Il était confronté à une véritable experte, et devait faire ses preuves. Elle le jugerait à partir de ce duel, et il n'était pas envisageable de la décevoir. Il devait y arriver.
En silence, les deux amis se livrèrent à une véritable bataille. Le Paladin parvenait régulièrement à faire fondre la surface du bloc, qui se reformait tout aussi vite. Le monde extérieur n'existait plus pour Hayato. Seule comptait la chaleur dans ses mains. La morsure du froid dans sa chair. Il devait la repousser, la surpasser.
Après un temps qu'il ne pouvait pas estimer, le bloc se mit d'un coup à fondre rapidement. Un torrent d'eau coula sur l'herbe verte. Le Paladin laissa échapper une légère exclamation de triomphe. Puis immédiatement, ce sentiment fut remplacé par une pointe de suspicion.
-Tu as arrêté d'utiliser ta magie, suspecta-t-il.
Portant son regard sur Oichi, il vit la demoiselle suant à grosses gouttes, le souffle court et les mains tremblantes. Elle était dans le même état que dans le temple de Dihr, quelques minutes plus tôt. Son regard était vide, lointain.
-Vous êtes extraordinaire, Arama... !
La petite voix de Rydia leur parvint, juste à côté d'eux. La prêtresse se plaça à côté de son amie, et porta la paume de sa main droite sur le front couvert de sueur. Elle utilisa sa magie de guérison quelques instants, probablement pour aider la jeune femme à faire face à une migraine que Hayato avait expérimenté. Oichi la remercia d'un petit signe de tête, et se passa les mains sur le visage.
-Vous n'êtes pas trop mal, je l'admets... siffla-t-elle d'une voix heurtée.
-Reposez-vous un peu, Arama !
Les jeunes gens restèrent silencieux trois bonnes minutes, ponctuées par la respiration sonore de l’Élémentaire de glace.
-Je crois que pour la pratique, je ne pourrai pas mieux faire aujourd'hui, laissa finalement tomber Oichi. Alors parlons un peu théorie. Il y a des choses qui vous questionnent ?
Hayato prit le temps de réfléchir.
-J'aimerais une confirmation. Tu fais souvent le lien entre un des Dieux et un élément de magie à chaque fois. Est-ce que la diversité des Élémentaires est semblable à celle des divinités ?
Les deux jeunes femmes se regardèrent, et Oichi acquiesça avec un sourire.
-A savoir douze types. On les répartit en deux groupes : les Élémentaires physiques et les Élémentaires célestes. Dans la première catégorie entrent tous les éléments qui correspondent à des choses que l'on peut toucher de nos mains, ou ressentir de notre toucher. Il y a le feu, la glace, la terre, le vent, la foudre et l'eau. Pour les célestes, on recense la lumière, les ténèbres, la lune, le soleil, la vie et la mort.
-Et donc, il existe des types de magie qui prennent le meilleur sur d'autres, comme le feu sur la glace. Il y en a d'autres ?
La jeune femme fit un bref geste de la main pour faire apparaître au sol un hexagone et trois lignes parallèles, en glace. Elle fit figurer un petit symbole pour identifier chaque sommet avec un élément.
-Les relations peuvent être représentées comme ça. Pour les physiques, c'est une relation cyclique : le feu est efficace contre la glace, mais craint l'eau, par exemple. On peut transposer ces rapports pour les autres éléments. Pour les célestes, c'est différent. On forme trois paires, et au sein de chacune, un élément n'a pas d'effet sur l'autre.
-Ce qui explique pourquoi tout à l'heure, quand nous nous exercions, c'était si difficile pour toi.
Oichi eut un léger sourire, et d'un revers de la main, fit fondre la glace. Elle se releva, et épousseta sa tenue de prêtresse pour en retirer les brins d'herbe.
-Voilà votre exercice pour demain : faire apparaître une flamme bleue dans votre main. Je vais avoir beaucoup de choses à faire, aujourd'hui. Je vais aussi vous emprunter Rydia pour quelques heures. Nous avons quelques personnes à aller voir, et diverses choses à faire. Je vous retrouve au déjeuner demain ?
La jeune femme aida la prêtresse à se relever, fit un petit signe de la main à son compagnon, et s'éloigna rapidement dans les allées.
Hayato prit son temps pour retourner à sa cellule, après cette leçon.
Son esprit vagabondait à propos de tout ce qu'il avait appris, ces derniers temps. Les Élémentaires avaient probablement une variété aussi importante que parmi les Inertes. Il avait rencontré des personnes loyales et douces, mais également des machines à tuer. Au moins apprenait-il à connaître des choses de base pour ce peuple étranger qui continuait de le fasciner. Une chose était sûre : il ne pourrait pas frapper d'ostracisme une personne aussi gentille et pétillante que Oichi.
-E-excusez moi... ?
Une petite voix féminine l'interpellait dans son dos. Tiré de ses rêveries, Hayato se retourna, et vit une jeune femme de petite taille, habillée de la tenue classique du Sanctuaire. Cette prêtresse avait des cheveux noirs de jais, tombant jusqu'aux épaules, portant des barrettes représentant le soleil et la lune. Elle avait un visage pâle aux angles doux, et n'avait pas plus de vingt ans. Une chose attirait l'attention chez elle : elle possédait un œil vert émeraude, et l'autre bleu saphir. C'est la première fois que le soldat voyait quelqu'un possédant cette caractéristique physique. Elle avait le visage cramoisi, regardait le sol entre eux, et se triturait nerveusement les mains.
-Je... hum... Pardonnez-moi de vous déranger, Maître... Je... Accepteriez-vous de... de me bénir ?
Le Paladin fut surpris de cette demande. Il en resta bouche bée quelques instants.
-Te bénir... ? Moi... ?
La jeune femme n'en attendit pas plus pour se mettre à genoux, baissant la tête, les yeux clos et les mains jointes devant elle en signe de dévotion. Autour d'eux, les prêtres s'arrêtaient et observaient la situation. Pris au dépourvu, une pointe de panique prit place dans l'esprit de Hayato. Qui était-il pour bénir quelqu'un ? Et s'il ne respectait pas les usages ?
D'un autre côté, ceux qui connaissaient sa condition le prétendaient élu d'un Dieu. Lui-même avait la sensation qu'une puissance avait répondu à ses prières, à deux reprises. La flamme avait réagi également, dans le temple, quand il avait prononcé quelques mots. Alors, il prit une longue inspiration, et posa la paume de sa main sur le sommet du crâne de la prêtresse.
-Dihr, ô Dieu qui m'a choisi parmi les Inertes pour être Ton champion, déclama t-il de sa voix de stentor, accordes Ta bénédiction à cette femme. Puisse-t-elle trouver la paix dans Ta chaleur, trouver sa place dans Tes plans, et contribuer à Ta satisfaction.
Ce n'était pas si mal, finalement. Hayato retira sa main, sans oser jeter un œil autour de lui. Il perçut des mouvements du coin de l’œil, et entendit le bruissement de tissu autour de lui. Tournant légèrement la tête, il vit que tous les prêtres alentours s'étaient mis à genoux, baissant docilement la tête à la fin de la prière. Le jeune homme était mal à l'aise d'être à ce point au centre de l'attention.
Il entendit la prêtresse devant lui murmurer une prière à voix basse, puis la vit se relever. Elle s'inclina bien bas, et s'éloigna vite sans demander son reste. Hayato la regarda partir se demandant s'il avait commis un impair, puis partit à l'opposé alors que les prêtres autour de lui commençaient à se remettre sur pieds.
Une nouvelle semaine se déroula tranquillement au Sanctuaire.
Rydia était aux petits soins pour Hayato tout au long de la journée, et ils rejoignirent Oichi au moment du repas de la mi-journée. Ils partageaient du temps de travail autour de la magie, des prières, mais également des moments à profiter d'une compagnie amicale. Cela faisait un bien fou au Paladin, qui avait bien besoin d'évacuer tout le stress qu'il avait ressenti durant leur escapade. Il se sentait à l'aise dans cet endroit où les Inertes et les Élémentaires cohabitaient pacifiquement, unis par leur dévotion envers les Dieux.
Le huitième jour, Rydia emmena son maître dans l'étude du Grand Sage. Ils y retrouvèrent Oichi et une prêtresse qui se tenait docilement debout dans un coin. En la saluant, Hayato se rendit compte qu'il s'agissait de la femme qui avait demandé à être bénie, quelques jours plus tôt. Ses yeux vairons ne laissaient aucun doute. Sentant le regard du Paladin sur elle, elle rougit jusqu'aux oreilles.
Albin accueillit les nouveaux arrivant d'un sourire, et indiqua au Paladin de s'asseoir. Ce fut Oichi qui prit la parole.
-Nous partons demain, messire.
Ces paroles, prononcées avec une voix douce tombèrent comme un couperet. C'était donc la fin de cette période de tranquillité.
-Nous devons nous rendre à Natsui, reprit-elle. J'ai des affaires à y mener, et vous devez recevoir une arme digne de votre rang. A la suite de cela, nous irons en Adis, pour aller à Alphina. Ilana va venir avec nous.
Hayato jeta à nouveau un regard à cette prêtresse dans le coin, qui était en grande discussion à voix basse avec Rydia.
-Sa vie est bien plus importante que nous deux réunis. Je compte sur vous pour la protéger, peu importe le prix.
Il fut intrigué par le rôle de cette petite prêtresse. Le jeune homme commençait à peine à se faire à celui qu'il incarnait, et son caractère sacré. Cette fille serait encore au dessus ? Il avait du mal à comprendre.
-Sois assurée que je ferai de mon mieux pour assurer son confort et sa survie, s'engagea t-il.
-Albin nous a fait préparer des chevaux, des provisions, et de nouvelles tenues. Nous profiterons de notre passage en ville pour vous acheter une nouvelle armure. Profitez de l'après-midi pour passer prier au temple, et vous préparer.
L’Élémentaire de glace fit un signe de la main en direction des deux prêtresses, pour qu'elles approchent. Les jeunes femmes se turent, et vinrent près d'elle.
-Rydia, j'aurais besoin que tu effectues quelque chose pour moi. J'ai des informations à transmettre à certaines personnes, et j'ai besoin que ce soit fait par quelqu'un de confiance.
L'intéressée porta sa main devant sa bouche, saisie par la surprise.
-J'aimerais que tu ailles à Alphina pour moi.
Poussant un petit cri joyeux, Rydia entoura Oichi de ses bras et la serra fort contre sa poitrine. Ses yeux humides et son large sourire exprimaient une joie sincère.
-Je ne sais pas comment vous remercier, Arama... !
-En faisant bien ton travail, pouffa Oichi.
Elle attrapa un sac en toile posé au pied du bureau du Grand Sage, rempli de parchemins roulés et scellés. Elle le remit à la prêtresse aux yeux bridés, qui le serra contre son sein.
-C'est vraiment important. Tu trouveras tous les destinataires à Iriya. Je compte sur toi.
Hayato remarqua qu'Albin regardait les jeunes femmes avec un sourire attendri.
-Puissent les Dieux t'accompagner et faire en sorte que ta route soit douce, mon enfant, dit-il. Tu as ma bénédiction.
Se tournant vers Ilana, le vieil homme ne se départit pas de son air doux.
-Puissent-Ils également veiller sur toi, Ilana. Mais je n'en doute pas un seul instant. Il est temps d'accomplir ta destinée. Mes vœux sont avec toi.
La prêtresse aux yeux vairons s'inclina profondément devant le responsable religieux. Il y avait dans son expression un profond respect.
-Je ferai en sorte de vous rendre fief, Grand Sage, et de Les rendre contents de moi.
-Oh, ils le sont déjà, mon enfant. Ils le sont déjà.
Oichi se leva, imitée par Hayato.
-J'ai encore quelques petites choses à faire avant de partir. On se retrouve à l'aube, près de l'entrée sud du Sanctuaire.
Elle lança un clin d’œil au Paladin, et posa une main sur l'épaule des deux prêtresses. L’Élémentaire de glace fit un petit geste amical de la main vers Albin, et sortit de la pièce. Le vieil homme reporta son attention sur Hayato.
-Je vous en prie, veillez également sur elle. Nous ne pouvons pas nous permettre de la perdre, quoi qu'elle en pense. Votre équipée sera composée de sacrés individus. Puisse Dihr guider votre bras pour les défendre.
Le jeune homme acquiesça gravement, prenant conscience que les dangers qu'ils avaient fuis ne s'était probablement pas dissipés en deux semaines.
En sortant de l'étude du Grand Sage, Hayato et Rydia se murèrent dans le silence.
Durant ce séjour au Sanctuaire, il avait appris à apprécier la prêtresse, et ils avaient partagé beaucoup de temps ensemble. Elle s'était ouverte à lui, lui parlant de son passé et de son apprentissage, prenant bien soin de lui. Il ne pouvait s'empêcher d'être à la fois heureux et inquiet pour elle. Heureux car elle pourrait enfin expérimenter le monde extérieur qu'elle souhaitait tant découvrir. Inquiet car on attenterait peut être à sa vie, elle aussi.
Cet après-midi leur parut à la fois interminable et terriblement court. Ils se rendirent dans leur coin habituel pour que Hayato puisse pratiquer la magie, mais le cœur n'y était pas. Il avait du mal à se concentrer, et les explications de Rydia n'étaient pas très claires. Ils ne tardèrent pas à abandonner pour se rendre au temple de Dihr.
Arrivés sur les lieux, ils s'inclinèrent devant la flamme éternelle, et allèrent se poster à genoux devant la monumentale effigie à l'image du Dieu du feu. Le Paladin lui demanda de veiller sur chacune de ses petites protégées, à commencer par Rydia. Il le remercia d'avoir accordé son souhait le plus cher à sa servante. Il pria pour avoir la chance de la revoir un jour.
Leur supplique fut longue, et c'est avec les jambes raides qu'ils se relevèrent pour se diriger vers la cellule de Hayato. Rydia alla chercher le repas du soir, pendant que le Paladin observait l'extérieur depuis le bord de son lit. Ce calme allait lui manquer. Il se prit à se demander s'il reverrait Harchan un jour. Sa ville natale lui manquait. En ce moment précis, il eut le mal du pays.
Quand sa servante revint, ils partagèrent comme à leur habitude le dîner. Cependant, ils restèrent longuement silencieux, conscient que ce serait peut-être leur dernier repas ensemble. Une fois celui-ci terminé, ils restèrent assis, sans oser se regarder, dans un silence de plomb.
Ce fut l'Inerte qui le rompit d'une voix douce.
-Merci pour tout ce que tu as fait pour moi, Rydia. Tu es une personne géniale, et je te souhaite le meilleur.
Elle se mordilla légèrement la lèvre, les joues rouges et les yeux humides. La prêtresse vint ensuite se poster à genoux proche du Paladin, baissant la tête en signe de soumission. Il se leva et apposa sa paume droite sur les cheveux de sa servante.
-Ô Dihr, Dieu qui m'a choisi pour être Ton champion, accorde à cette femme Ta bénédiction. Puisse-t-elle trouver en chaque instant la chaleur de Ton amour en son sein. Puisse-Tu transmettre à son Dieu la fierté de l'avoir à Son service.
Il lui ébouriffa légèrement les cheveux une fois sa prière terminée. Elle se redressa, et fixa ses yeux pleins de larmes dans ceux de son maître. Sa tendresse et son amitié transpiraient dans cette mine désolée. Le jeune homme ne put tenir devant ce spectacle, et passa ses bras musclés autour des frêles épaules de la prêtresse. Rydia se blottit contre lui, et sanglota doucement.
-Merci, Maître... Vous êtes trop bon... Ce fut un honneur d'être à votre service...
Ils restèrent ainsi un long moment, enlacés dans cette chaste étreinte qui adoucissait la peine de leur séparation.
Aux petites heures du matin, le lendemain, il n'y avait plus aucune trace du passage de Rydia dans la cellule de Hayato.
Il s'apprêta rapidement, enfila ses vêtements de voyage qu'on lui avait apportés la veille, ceignit son épée, et se dirigea vers la porte Sud du Sanctuaire. L'aube qui se levait donnait un éclairage nostalgique sur les bâtiments autour de lui. Il prit son temps pour graver ces images dans sa mémoire.
Le jeune homme finit par retrouver un petit groupe devant l'étendue infinie de la plaine verdoyante. Oichi avait retrouvé sa tenue de voyage, qui avait été reprisée, et portait ses chakrams à la ceinture. Ilana portait toujours ses habits de prêtresse, et était en grande discussion avec Albin. Hayato les salua tous, et approcha de son fidèle destrier dont on s'était visiblement bien occupé. Il lui flatta l'encolure, bien heureux de le retrouver. Les fontes des chevaux étaient bien pleines de provisions et autres couvertures.
La prêtresse finit par s'incliner bien bas devant le Grand Sage, pendant de longues secondes. Par la suite, elle s'approcha d'un cheval blanc avec une certaine appréhension. Oichi vint river ses bras autour du cou de l'homme de foi, pour lui témoigner une certaine affection. Comme si le rang du vieil homme n'avait aucune importance.
Cette démonstration faite, l’Élémentaire de glace s'approcha d'Ilana pour l'aider à monter en selle. Hayato vint présenter ses hommages à Albin.
-Merci pour tout ce que vous avez fait pour nous, Grand Sage. Je ne l'oublierai pas.
-C'était un honneur de vous avoir parmi nous, Paladin. Soyez prudents. Puissent les Douze guider vos pas.
Le prêtre tendit sa main au jeune homme avec un sourire aimable et bienveillant. Il la lui serra avec une réelle gratitude, avant de rejoindre sa monture. Le soleil se levait à peine et accompagnait leurs premiers pas en direction de Natsui.
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