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tome 1, Chapitre 1 « Elémentaire » tome 1, Chapitre 1

Partout dans le Sanctuaire, les prêtres affluaient pour participer aux dernières prières.

La rumeur s'était répandue à toute vitesse, et tous voulaient la vérifier de leurs propres yeux. Avec la retenue qui caractérise les gens de foi, ils se relayaient, les uns après les autres, pour joindre leurs pensées à celles des autres. Ce haut lieu de la religion des deux royaumes, rassemblant des personnes des deux races, était pris par l'émotion.

Dans une cellule nue de tout ornement, ils venaient à tour de rôle dans un silence de plomb. Jeunes ou plus vieux, ils étaient conscients que ce moment était solennel. Dans le contexte politique actuel, cette nouvelle était inquiétante.

Il fallait enterrer le Paladin de Dihr.

~~~~

C'était une matinée idéale, en ce début d'été, à Harchan. La capitale du royaume d'Hita fourmillait d'activités en tout genre, entre les marchands richement vêtus, les petites mains se rendant sur leur lieu de travail, les gardes et leur armures rutilantes.

Dans cette foule bigarrée, Hayato traçait son chemin le sourire aux lèvres.

Il avait été désigné capitaine d'une nouvelle caravane qui partait en direction du Sanctuaire, dans quelques jours. Son ascension dans la force armée se profilait enfin, ce qui ne manquerait pas de ravir sa famille issue de la petite noblesse locale.

Cela faisait maintenant deux ans qu'il avait terminé ses classes, et le jeune homme commençait à se faire connaître. Il menait régulièrement des caravanes marchandes à bon port, pour le compte du roi Senrad.

Tout en lui hurlait qu'il était un bon soldat : sa grande taille et sa carrure imposante étaient un atout sur le champ de bataille, et l'épée qu'il portait en permanence au côté témoignait de sa fonction.

Quand il passa par la place du marché, Hayato fut hélé par quelques marchands qu'il avait escortés et qui avaient repéré sa chevelure rouge vif dans le soleil matinal. Soucieux de maintenir de bonnes relations, il prit le temps de leur demander de leurs nouvelles, et de commander quelques provisions pour de futures expéditions.

Hita était un royaume prospère, et la capitale elle-même était riche en ressources ramenées des quatre coins du territoire. Bien qu'il subsistât des tensions avec l'état voisin, Adis, les frontières étaient bien gardées, et les Inertes se sentaient en sécurité à Harchan, et sur l'ensemble de leurs terres.

La liste des provisions était presque complète, et le capitaine prit une allée proche de la place pour se rendre dans une herboristerie qu'on lui avait conseillée. Ce point fait, il pourrait aller à la caserne pour passer en revue ses soldats.

La boutique ne payait pas de mine à première vue : une construction en bois, presque déplacée dans ce quartier animé de la capitale. Il y avait même un petit jardin fleuri devant la porte, qui apportait une verdure bienvenue dans ces artères empierrées.

Hayato poussa la porte, et fit sonner la petite clochette métallique qui y était accrochée. L'intérieur n'était pas très éclairé, et des étagères massives en bois obstruaient l'espace. L'odeur qui se dégageait de l'herboristerie était riche, composée d'une multitude de parfums floraux, et emplissait agréablement l'air.

-Bienvenue à la Force de la nature !

Une voix féminine avait retenti au fond de la boutique, et le soldat dut contourner un étal pour en voir l'origine.

C'était un petit bout de femme d'un mètre soixante, portant une blouse de travail aux couleurs vives, en train de parcourir un registre derrière son comptoir. Elle adressait un sourire franc à son futur client, et avait les yeux et les cheveux couleur de ciel. Ils étaient rassemblés en une couette qu'elle portait sur le côté du crâne. Ses traits étaient fins, emprunts d'une certaine grâce, et elle ne semblait n'avoir que récemment passé la vingtaine d'années.

Hayato s'approcha d'elle en sortant une liste écrite, qu'il lui tendit, un léger sourire aux lèvres.

-Le bon jour. Je prépare le départ d'une caravane, et j'aurais besoin de quelques provisions pour parer à toute éventualité. Seriez-vous capable de me fournir tout ça d'ici demain ?

La jeune femme parcourut le papier attentivement, gardant une attitude avenante.

-Laissez-moi juste une minute, messire.

Parcourant les pages de son registre, la vendeuse vérifiait la disponibilité des produits demandés. Pendant ce temps, le soldat laissa son esprit vagabonder en observant les différentes plantes exposées devant lui. Il fit quelques pas et posa sa main sur une étagère, le regard perdu dans un panier de fleurs jaunes.

Durant un instant, il fut pris d'un léger vertige.

Peut être était-ce dû à l'odeur entêtante des plantes autour de lui, à la fatigue de ces journées de préparation, à l'entraînement physique qu'il avait intensifié en vue du départ, ou à une conjugaison de toutes ces choses.

Hayato secoua légèrement la tête pour reprendre ses esprits. Ce n'était pas le moment de se laisser aller, des personnes avaient des attentes envers lui. Il ne fallait pas se laisser dominer par le stress de diriger une nouvelle expédition. Le soldat se tourna vers la jeune femme pour voir si elle en avait terminé.

Elle avait les yeux écarquillés et fixait la main de Hayato posée sur l'étagère.

Cette vendeuse avait déjà un teint de peau clair, mais il semblait qu'elle avait encore blêmi en cet instant. Il pouvait voir à l’œil nu la liste qu'elle tenait à la main trembler. Elle semblait tout bonnement terrorisée, comme un animal en danger qui reste tétanisé devant son prédateur.

Le soldat reporta son attention sur sa propre main, s'attendant à y voir quelque chose ; mais elle était telle qu'elle l'avait toujours été. Il la retourna en pensant voir quelque chose à l'intérieur.

A ce moment, il vit la trace noirâtre qu'avait laissé sa main sur le bois.

On aurait dit que l'étagère avait été brûlée sur cette surface, ou qu'on y avait apposé un fer chaud. A bien y regarder, c'était réellement la forme exacte de sa main. Il n'avait rien remarqué avant, mais désormais cela sautait aux yeux.

Tout autant troublé que la vendeuse, Hayato fourra la main incriminée bien profondément dans sa poche, et se racla la gorge. Il n'osa pas croiser le regard de la jeune femme, et parla d'une voix mal assurée.

-Je... Je repasserai demain.

Sans attendre de réponse, le soldat se hâta de sortir de la boutique.

Hayato rentra rapidement à la caserne après l'incident de l'herboristerie.

Durant le trajet, il observa sa main sous toutes les coutures, en cherchant une explication à ce qui venait de lui arriver. Sa peau était absolument normale, aucune brûlure ou autre marque qui pourrait expliquer la teinte qu'avait prise le bois.

Le soldat était un Inerte, et par conséquent incapable de pratiquer la magie. Mais comment comprendre autrement ce qui était arrivé ? Il n'arrivait pas à imaginer d'autre explication rationnelle.

Pourtant, il avait été éduqué comme tout parfait citoyen d'Hita : il fallait se méfier des magiciens, les Élémentaires. Leur don les rendait par nature fourbes et incontrôlables, et tous ne cherchaient qu'à faire payer l'esclavage que leur avaient fait vivre les Inertes pendant des siècles.

Cela faisait plus de cinq cent ans que les Élémentaires avaient revendiqué leur liberté, et fondé leur propre nation, Adis, logée dans les contreforts des Monts Éternels. Ils s'étaient enfermés par la suite derrière une barrière magique qui empêchait les Inertes de les envahir.

En Hita, les magiciens étaient considérés comme des pestiférés. Au mieux, les quelques Élémentaires restants dans le royaume étaient mis au ban de la société, quand ils n'étaient pas cibles de tabassages en règle orchestrés par les Inertes du bas peuple. Il existait cependant des mercenaires mages qui combattaient pour le roi Senrad contre monnaie sonnante et trébuchante ; leur nombre était toutefois dérisoire.

L'ascendance d'une personne déterminait son appétence à la magie. Deux Élémentaires donnaient naissance à un mage, et deux Inertes à un nourrisson qui serait dépourvu de pouvoirs magiques.

Au vu de la haine manifeste de son entourage pour cette « saleté de sous-peuple », Hayato n'avait aucun doute de sa parenté. Il ne comprenait cependant pas pourquoi un Élémentaire serait forcément une mauvaise personne. Le soldat n'en avait jamais rencontré de sa vie, et avait pour habitude de se faire sa propre opinion des choses plutôt que de croire les rumeurs populaires.

A la suite de ce qui s'était passé dans la boutique, la vendeuse devait probablement le prendre pour un magicien.

S'il avait été à sa place, Hayato en serait arrivé aux mêmes conclusions. Il pouvait comprendre que pour une jeune femme, voir débarquer un homme armé qui faisait manifestement usage de son pouvoir mystique pouvait être effrayant. Alors qu'elle se sentait en sécurité dans un quartier sûr de la capitale, elle avait vu débarquer quelqu'un que la croyance générale rend dangereux.

Le soldat n'espérait qu'une chose : qu'elle ne le dénonce pas auprès de personnes qui voudraient lui arranger le portrait. Il serait capable de se défendre contre quelques personnes, mais pas contre toute une foule assoiffée de sang impur. Et il ne voulait surtout pas attirer une mauvaise réputation sur la famille Riefs, qui avait déjà du mal à se faire un nom dans la noblesse locale.

Le reste de la journée se passa comme prévu, un bon entraînement physique, un passage en revue de ses troupes, et un repos bien mérité. Cependant, une part de son esprit était toujours occupée à réfléchir à cet incident.

Le lendemain, il prendrait ses précautions pour aller chercher ses fournitures.

~~~~

Aux petites heures du matin, Hayato enfila son équipement ainsi qu'un capuchon pour dissimuler ses traits aux yeux des passants. Il avait décidé de se rendre tôt près de l'herboristerie, et d'y patrouiller pour s'assurer qu'il ne risquait rien.

Le soleil était levé depuis peu, mais la place du marché était déjà en pleine activité : partout, on voyait les marchands préparer leurs étals, entreposer leurs marchandises fraîches du jour, et même réaliser leurs premières transactions.

Il y avait du passage dans les rues avoisinantes, mais rien de comparable, le gros des clients arriverait dans une ou deux heures. Le soldat se posta successivement à quelques endroits stratégiques, attentif à tout potentiel attroupement. Pour une fois, il ne se sentait pas en sécurité dans sa ville natale.

Environ une heure plus tard, Hayato vit passer la jeune femme qu'il avait effrayée la veille. Elle marchait à pas rapides, jetant des regards soucieux autour d'elle, comme si elle était franchement inquiète. La vendeuse regardait souvent derrière elle, comme si elle voulait s'assurer de ne pas être suivie. Le soldat dût se fondre dans l'environnement pour ne pas être repéré.

Il s'assura que la voie était libre une fois qu'elle eut pénétré sa boutique. Personne ne la suivait, personne ne le suivait non plus. Pas d'attroupement. Il décida de vite faire ce pour quoi il était là, pour pouvoir partir au plus vite.

Hayato entra dans l'herboristerie, la cloche tinta, et il entendit la voix lointaine de la jeune femme.

-Bienvenue à la Force de la nature ! Donnez moi une petite minute, et je suis à vous !

Il s'avança en direction du comptoir, et constata qu'elle n'était pas à son poste. Il patienta nerveusement, et jeta un coup d’œil à l'étagère près de lui : la trace de main noire était toujours là. Le soldat la fixa, cherchant toujours un sens à cet événement, puis reporta son attention devant lui.

La vendeuse sortit de l'arrière boutique en finissant de remonter les manches de sa blouse, un sourire avenant sur le visage. Cependant, elle se figea en voyant Hayato devant elle. Il la vit clairement avaler sa salive et marquer un temps de pause, mais elle vint finalement prendre sa place derrière le comptoir avec un sourire gêné.

Ce fut pourtant Hayato qui prit la parole en premier.

-Je suis désolé pour ce qui est arrivé hier. Voici quelques pièces d'argent pour les rép...

-Désolée d'avoir été impolie hier ! le coupa-t-elle.

La jeune femme s'inclina profondément devant lui en signe de contrition. Elle joignait les mains dans son dos, et se redressa avec un sourire compatissant.

-Votre secret est bien gardé avec moi, Messire. Je comprends cette nécessité de toujours se cacher. Vous devriez tout de même faire attention à ne pas vous relâcher devant n'importe qui, une Inerte aurait pu vous dénoncer.

Le soldat leva un sourcil à la fin de cette tirade.

-Tu ne l'as pas fait. Tu avais déjà vu pratiquer la magie auparavant ?

Elle acquiesça en retrouvant un sourire plus franc.

-Alors, c'était bien de la magie...

La vendeuse regarda son interlocuteur dans les yeux pendant quelques secondes, en silence. Il ressentit le besoin de se justifier.

-Mes parents sont Intertes. Je ne comprends pas ce qui s'est passé.

Elle porta subitement la main droite à ses lèvres, pour couvrir sa bouche bée. Elle semblait avoir soudain réalisé quelque chose, et parla d'une voix basse.

-Par les Dieux...

-Je suis vraiment navré de t'avoir effrayée.

Il déposa une dizaine de pièces d'argent sur le comptoir, en plus d'une bourse bien rebondie.

-Si tu as préparé ma commande, je l'emporte et je ne t'importunerai pas plus.

Il fallut quelques instants pour qu'elle acquiesce lentement. Semblant reprendre contenance, la demoiselle retourna dans l'arrière boutique, dont elle revint avec une cagette en bois remplie de diverses bourses de cuir ou sachets de toile, qu'elle posa sur le comptoir. Prenant un nouveau contenant, la jeune femme passa près du soldat pour prendre quelques fleurs bleues.

-Quand vous utiliserez la magie, vous risquez d'avoir des maux de tête. Si ça arrive, prenez une pincée de ces fleurs, réduisez-les en poudre, et faites une infusion. Ça devrait vous aider.

Elle pressa le sachet de toile contre le torse de Hayato, qui le saisit, perplexe.

-Tu en connais un rayon sur le sujet, on dirait.

La jeune femme se contenta de sourire en retournant au comptoir, pour ouvrir la bourse et compter l'argent que le géant lui avait préparé. Ces quelques instants de silence le mirent mal à l'aise, en proie à la réflexion. Elle encaissa les pièces, et prépara la monnaie à rendre.

-Saurais-tu m'en dire plus ? Ou me diriger vers quelqu'un qui acceptera de m'aider ?

La vendeuse redresse son regard d'azur vers celui du soldat et lui adressa un sourire malicieux.

-Je vais voir ce que je peux faire, messire Hayato.

-Tu connais mon nom ? dit-il en levant un sourcil.

-Vous l'avez indiqué sur votre liste.

-Hum... Merci, alors. Précise bien à l’Élémentaire que tu contacteras qu'il sera en sécurité avec moi, que je protégerai ses arrières, et que je suis prêt à bien le payer en échange de ses services. Je suis curieux d'en apprendre plus sur leur peuple, tout autant que de savoir ce qui m'arrive.

-J'en prends bonne note, messire.

Il acquiesça longuement, prit la monnaie qu'elle lui avait rendue, et se saisit de la cagette de marchandises.

-Je te remercie par avance. Fais attention à toi, je reviendrai te voir dès que possible.

Hayato inclina la tête poliment, et prit la direction de la sortie.

La poignée de porte lui parut très froide, dans sa main.

Il eut beau essayer de l'enclencher, il en était incapable. Le métal refusait littéralement de bouger. Et ce froid, ce n'était pas naturel. En observant de plus près, le soldat vit que la poignée était recouverte d'une fine couche de glace, suffisamment rigide pour l'empêcher de tourner.

Par réflexe, il se retourna vers la vendeuse, et aperçut une lueur bleutée dans ses yeux, qui se dissipait. Elle arborait un sourire amusé.

-Alors, tu es...

-On dirait bien, messire.

C'était la première fois que Hayato rencontrait une Élémentaire, ou du moins qu'il avait conscience de sa nature. Le moins qu'il puisse dire, c'est qu'elle n'avait pas l'air spécialement malveillante comme on voulait le faire croire. Malgré tout, il ne pouvait pas s'empêcher de penser que si elle voulait l'abattre, ici et maintenant, elle n'aurait probablement aucune difficulté à le faire.

La jeune femme dégageait une aura d'assurance et de confiance, mais également de bienveillance. Elle était en plein cœur de la capitale inerte, et elle venait de dévoiler ses pouvoirs à un capitaine de l'armée royale. Elle était donc à ce point sûre de sa puissance ?

-Il faudra bien quelqu'un pour vous guider. Il ne faut pas que vous vous sentiez abandonné. Vous avez attiré l'attention d'un Dieu, vous n'êtes pas n'importe qui. Je prendrai le temps de vous apprendre quelques trucs.

Le soldat la regardait avec un mélange de crainte et de soulagement. Il n'affronterait donc pas cette situation incompréhensible seul. Il réfléchissait déjà au moyen de protéger le secret de cette vendeuse, quand elle reprit la parole.

-Mais d'abord, vous devez cheminer. Ne changez pas vos projets du jour au lendemain, ce serait suspect. Dirigez cette caravane, comme prévu.

-Tu as probablement raison. Cela ne devrait pas prendre plus de quelques jours. Je te retrouverai ensuite pour que tu me parles de tout ça.

-Nous nous reverrons, soyez en sûr.

Elle rit doucement et fit un geste de la main en direction de la porte. En regardant celle-ci, Hayato constata que la glace avait disparu. Toujours perturbé par l'aisance de son interlocutrice, il lui adressa un signe de tête et sortit de la boutique, fournitures sous le bras.

~~~~

La dernière journée de préparation se déroula comme prévu.

Les marchandises nécessaires à l'approvisionnement des troupes avaient été livrées, et la cargaison avait été proprement empaquetée à la caserne. Les dix chariots étaient prêts, les soldats en train de réaliser leurs derniers préparatifs dans une ambiance décontractée.

Chacun avait conscience du danger que représentaient les routes, mais ces derniers temps il n'y avait eu que peu de rencontres avec des hommes-bêtes ou autres animaux nuisibles. On ne savait pas sur quoi on allait tomber, ni si on allait devoir tirer les armes. C'était là l'utilité principale de l'armée royale : s'assurer que les marchandises essentielles soient délivrées à bon port.

Le Sanctuaire, destination de cette caravane, était un endroit très important. C'était le seul lieu en Hita où les magiciens étaient tolérés, car il s'agit d'une terre bénie des Dieux eux-mêmes. Malgré tous les préjugés des Intertes à leur propos, personne ne se serait permis d'amener la discorde en ces lieux de paix. De plus, on n'y utilisait pas la magie en public, alors comment discerner un Élémentaire ?

Hayato se réveilla le lendemain avec une légère migraine, alors que les premiers rayons du soleil commençaient à peine à colorer le ciel matinal.

Il eut la désagréable surprise de voir qu'il y avait un large trou dans sa couverture. Celui-ci avait les bords noircis, comme si le tissu avait été brûlé. Le soldat repensa à la mise en garde de l’Élémentaire, la veille, et se demanda s'il était au bout de ses peines avec cette magie qui semblait prendre place en son sein.

Il se massa les tempes, prit le temps de peigner ses cheveux, d'enfiler son armure de cuir et ses bottes, et laissa la couverture carbonisée derrière lui, se préparant à la tâche qui l'attendait aujourd'hui.

Certains de ses hommes étaient déjà au travail, et on commençait déjà à acheminer les chariots de matériel près de la sortie Nord-Ouest de la ville. D'autres soldats finissaient leur paquetage en discutant, l'air encore à moitié endormi.

Hayato prit rapidement la route pour atteindre le lieu de départ de la caravane, et donner les ordres là où ce serait nécessaire. Il salua quelques-uns des marchands qui l'accompagneraient, et salua son lieutenant, un homme bien bâti nommé Klaj. Cela faisait quelques mois qu'ils travaillaient ensemble, et le capitaine n'avait pour l'instant jamais été déçu par son subalterne. Il parlait peu, mais était efficace, cela lui convenait.

-Excusez moi, maître Riefs ?

Le jeune homme se tourna vers la voix qu'il avait reconnue avec un sourire. Son écuyer, Abel, était déjà sur place et avait même probablement déjà préparé son cheval. Il avait à peine une quinzaine d'années, mais était sérieux dans son travail. Hayato savait qu'il ne resterait que le temps de trouver un travail moins dangereux, et il s'était juré de protéger le garçon lors du périple.

Ce dernier s'était approché de son maître, le regard fuyant, en se triturant les mains. Il semblait terriblement gêné.

-Et bien Abel, qu'y a-t-il ? Il te manque quelque chose ?

-C'est à dire... voyez-vous, une caravane c'est dangereux... et...

Hayato leva un sourcil, et fit signe de la main au garçon de continuer.

-Ne tourne pas autour du pot, et dis moi ce qui te tracasse.

-Il y a cette femme qui est venue, tout à l'heure. Elle a dit qu'elle avait un travail sûr pour moi, et qu'elle prendrait ma place à vos côtés. Que je serais bien payé et bien traité par le propriétaire, et que je n'aurais pas à risquer ma vie sur les routes...

-Quelle femme ?

Abel pointa du doigt dans une direction, vers la tête du convoi. Une jeune femme aux cheveux bleus était debout près de l'étalon noir du capitaine, portant un haut de tissu blanc tout simple, ainsi qu'une jupe aux différentes teintes de bleu tombant sous son genou. A sa ceinture se trouvaient deux cercles de métal d'une quarantaine de centimètres de diamètre, dont une portion était recouverte de cuir et décorée de plumes colorées.

C'était la vendeuse de l'herboristerie.

Quand elle remarqua que Hayato la regardait, la jeune femme lui fit un signe de la main ainsi qu'un clin d’œil amusé. Revenant à son écuyer, il pesa le pour et le contre.

-Et le métier que tu exercerais, ce serait... ?

-Vendre des plantes médicinales, messire. Elle m'a expliqué que tout était consigné dans un registre, et qu'on pouvait apprendre vite.

Le soldat était perplexe. Posant à nouveau son regard sur la jeune femme, il la vit flattant doucement l'encolure de son étalon tout en lui parlant.

-Te plairais-tu dans ce travail ?

-On a toujours besoin de vendeurs. Peut-être même que je pourrais apprendre et avoir ma propre échoppe, plus tard. Mais je ne veux pas vous abandonner non plus...

Hayato imaginait la place qu'elle pourrait prendre à ses côtés. Le fait qu'elle soit son écuyère lui permettrait d'être souvent proche de lui, et ils pourraient trouver des moments calmes pour parler de ce qui lui arrivait. Il pourrait la mettre à l'abri, la protéger au besoin, et sa troupe pourrait l'intégrer facilement s'il le souhaitait.

-Alors ne tergiverse pas, Abel. Tu as ma bénédiction.

Le capitaine tira quelques pièces d'argent de sa bourse, et les plaça dans la main de son désormais ancien écuyer.

-Voila ta paye. Je passerais te voir quand je reviendrai à Harchan, à la boutique. Si tu ne t'y plais pas, je te reprendrai à mon service.

-Merci, maître, vous êtes trop bon !

Le garçon s'inclina bien bas, partit en courant vers celle qui venait de prendre son rôle, échangea quelques mots avec elle, puis se dirigea vers un chariot pour prendre un petit balluchon. Il s'inclina de nouveau vers Hayato, de loin, avant de s'éloigner de la place.

Le capitaine se dirigea vers l'Elémentaire, et la salua d'un signe de tête.

-Il va falloir que tu m'expliques comment tu as fait ton compte.

La jeune femme sourit joyeusement, elle semblait amusée de la situation.

-C'était facile. Vous m'avez commandé beaucoup de plantes utilisées dans des rituels religieux, et de l'encens. J'en ai déduis que vous partiez au Sanctuaire. Je me suis renseignée à droite à gauche, et j'ai appris que vous partiez aujourd'hui. Alors, j'ai décidé de venir.

-Et cette offre à mon écuyer ?

-Ma couverture est grillée, dit-elle avec une petite moue. Je ne peux plus rester à Harchan. Et puis, si les Dieux vous ont guidé vers moi, il est de mon devoir de vous accompagner pour m'assurer que vous restiez sur le droit chemin.

-Tu pars donc définitivement de la ville ?

-C'est préférable. Je vous suivrai où vous irez.

Hayato passa la main dans ses cheveux longs, réfléchissant à ce que cela impliquait.

-Si la situation devient dangereuse, reste bien auprès de moi, je te protégerai.

La jeune femme rit doucement suite à cette déclaration.

-C'est plutôt moi qui vous protégerais, messire.

Encore cette assurance, à la limite de l'insolence. Mais le soldat devait le reconnaître, il ignorait l'étendue de la puissance d'une Élémentaire. Ce serait probablement un atout de l'avoir auprès de lui.

-Désolé de le dire comme ça, mais... il vaudrait mieux que tu ne parles pas de tes origines aux autres soldats, dit-il d'un air neutre.

-Et vous ne leur en parlerez pas non plus. Je n'aurai à le faire qu'en cas d'extrême urgence.

-Je ne connais même pas ton nom.

Elle pouffa de rire, et lui tendit la main franchement.

-Vous pouvez m'appeler Oichi, messire.

Acquiesçant de la tête, Hayato lui serra la main. Elle était plutôt froide, ce qui lui tira un frisson. Il sentit la jeune femme sursauter, et l'interrogea du regard.

-Ce sera un honneur de vous accompagner au Sanctuaire, dit-elle en ignorant sa question silencieuse. C'est une étape importante pour vous. Il est probable que vous ne reveniez pas ici avant un petit moment.

Cette fois, il haussa un sourcil. Bien sûr qu'il reviendrait, dès que la caravane aurait livré ses marchandises au Sanctuaire.

-Tu as pris ce qu'il te fallait ?

-J'ai tout ce qu'il faut sur moi. Rassurez vous, je m'occuperai bien de nos chevaux. Vous aurez bel et bien une écuyère.

Finissant par être convaincu, Hayato acquiesça et se retourna vers la caravane, qu'il observa dans sa globalité. Les soldats continuaient d'arriver, et s'organisaient petit à petit sur les ordres de leurs supérieurs.

-Tiens toi prête, nous partons d'ici une heure.


Texte publié par Yohko, 18 octobre 2022 à 21h44
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