Niamh jouait dans le salon avec son petit frère, sous le regard attendri de leur mère. Mais, de temps en temps, une ride soucieuse barrait le front de la femme. L'absence de son époux commençait à devenir légèrement anormale. Il n'avait pas pour habitude de découcher, il était donc étrange de ne pas l'avoir vu revenir depuis la veille. Surtout qu'il n'avait rien dit pour prévenir de son absence. Et qu'il commençait à être la fin de matinée.
La sonnerie retentit soudain, sortant la femme de ses pensées. Les deux enfants levèrent la tête et regardèrent leur mère, un air interrogateur sur le visage. Etait-ce leur père qui était de retour ? Avait-il oublié ses clefs, comme il lui arrivait de le faire de temps en temps ? La femme se leva, discrètement suivie par ses enfants.
Une fois la porte d'entrée ouverte, ils constatèrent que ce n'était pas leur père. Ils furent déçus. Eux aussi attendaient impatiemment le retour de ce dernier. Il leur avait promis de les amener au zoo aujourd'hui ! Mais c'était un monsieur en uniforme qui attendait sur le seuil. Un policier. Policier qui tordait nerveusement son chapeau entre les mains.
La nouvelle tomba. Effroyable. Leur père était mort. Il avait eu un accident sur la route à cause de la pluie, qui avait rendu la chaussée glissante. Sa voiture avait fait une embardée et avait dévalé la falaise, s'échouant dans la mer en contrebas. Les secours l'avaient repêché ce matin, mais trop tard. Il était déjà mort quand sa voiture, avec lui à l'intérieur, fut sortie de l'eau.
Le petit garçon, qui avait cinq ans, ne comprenait rien à ce qui se passait. Sa sœur, en revanche, du haut de ses dix ans, avait parfaitement compris. Elle éclata en sanglots, faisant prendre conscience de leur auditoire au policier et à leur mère. L'agent se tut donc. La femme l'invita à rentrer, l'installant dans le salon et le laissa quelques minutes afin d'accompagner ses enfants dans leur chambre. Et pour consoler sa fille.
Quand Niamh recouvrit son calme, Mme O'Bannon rejoignit le policier dans le salon. Suivie discrètement de sa fille, qui voulait comprendre. C'est ainsi que, sans que sa mère ne se doute de sa présence, la petite fille apprit les circonstances exactes de la mort de son père. Il était toujours vivant quand sa voiture s'était enfoncée dans la mer. L'autopsie avait révélé la présence d'eau dans ses poumons. Chris O'Bannon était mort noyé.
Sa femme, en apprenant cela, porta ses mains devant sa bouche afin d'étouffer ses sanglots. Rigide, mal à l'aise, le jeune policier souhaita ses plus sincères condoléances à l'épouse éplorée. Niamh, derrière la porte, retenait courageusement ses larmes. En tant qu'aînée, du haut de ses dix ans, elle avait décrété que c'était à elle de soutenir sa mère dans cette épreuve. Alors elle se devait d'être forte. Malgré l'horreur de la mort de son père, elle devait tenir. Pour sa mère. Pour son frère. Pour être un soutien pour sa famille en deuil.
L'enfant s'éloigna à pas de loup de la porte à partir de laquelle elle espionnait la conversation. Elle monta dans la salle de bain. Pour pleurer. C'était la dernière fois qu'elle s'autoriserait à faire une telle chose. Après, elle devrait retenir ses larmes. Pour pouvoir aider sa mère et la soutenir dans cette période difficile.
Mme O'Bannon ne sut jamais que sa fille avait connaissance des circonstances exactes de sa mort. Quand elle en parla avec les enfants, elle leur servit une version édulcorée. Leur père avait rejoint les étoiles. Non, il n'avait pas souffert, il était mort sur le coup. Il ne serait plus jamais auprès d'eux, mais il veillerait toujours sur sa famille depuis les nuages.
L'histoire aurait pu s'arrêter là. Cette famille aurait pu, comme tant d'autres, apprendre à faire son deuil avec le temps. Mais ce ne fut pas le cas. Quelque chose vint perturber le cours normal de la vie. Chris O'Bannon. Du moins, son fantôme. Et Niamh. Et sa capacité à le voir, alors même que sa famille ne le pouvait pas.
Un jour, en rentrant de l'école, la petite fille vit son père sur le canapé. Folle de joie, elle se jeta sur lui. Mais il n'était pas tangible, ainsi, elle le traversa. Et eut la sensation très désagréable d'avoir traversé un cours d'eau glacé. Elle frissonna de froid. Se leva. Et, bien que déconfite de ne pas pouvoir toucher son père, toute à sa joie de le retrouver, elle fit part de la merveilleuse nouvelle à sa famille.
Mais ni sa mère, ni son petit frère ne le prit comme tel. Ils restèrent fermés. Dans son bonheur, la jeune fille ne se rendit pas compte qu'elle leur faisait du mal. Car, eux, ne pouvaient pas le voir. Ils ne la croyaient pas. Un jour, ne le supportant plus, Mme O'Bannon emmena sa fille voir un psychiatre. Le diagnostic tomba. La folie.
Et l'enfer s'ouvrit sous les pieds de Niamh. C'était le début. Le début de six années d'enfer. A être droguée de médicaments, soi-disant pour la soigner. Mais même si c'était atténué, Niamh pouvait toujours voir les fantômes. Les hallucinations. Le seul effet des médicaments fut de rendre son esprit brumeux, compliquant ainsi sa vie. Et les séjours en hôpital psychiatrique.
Ne pouvant se concentrer sereinement en classe, ses résultats scolaires en pâtirent. Et, quand elle souhaita prendre son indépendance, au soulagement de sa mère et de son frère, elle eut du mal à trouver du travail et, surtout, à le conserver. Sa mère ne cessait de le lui reprocher, ne se rendant pas compte que ce n'était pas la faute de sa fille. C'était à cause des médicaments qui lui étaient prescrits en trop grande quantité.
Un jour, alors qu'elle avait seize ans, son psychologue fut brusquement changé. Bien que contrariée au début, ce fut un soulagement au final. La prescription médicale se vit soulagée de plusieurs médicaments. Sa nouvelle psychologue lui trouva même un travail. Et, surtout, cela signa la fin de son calvaire. Et une révélation. Elle n'avait jamais était folle. Ce n'était pas des hallucinations. Elle voyait réellement des fantômes. Et elle n'était pas seule. Elle devint l'assistante d'un médium et, à ses côtés, put s'épanouir.
Avec la diminution de ses médicaments, son esprit devint plus clair, elle put ainsi mieux se concentrer en cours. Et donc améliorer ses résultats scolaires. A la satisfaction de sa mère qui fut ainsi fière de sa fille. Finie la déception maternelle. Mais ce n'est pas tout. Elle put se faire des amis. Ian d'abord, l'assistant de "M. Mu" comme il l'appelait affectueusement. Cécilia ensuite. Ainsi que Sean (le plus beau garçon du lycée) et Tomas (le meilleur ami de Sean). Tomas qui se révéla avoir un faible pour elle.
Elle trouva aussi l'amour. Bien que c'était compliqué. Elle était vivante. Jack, lui, était mort. Bien qu'il soit devenu un Cauchemar et, ainsi, avait quelques pouvoirs en plus par rapport aux autres esprits. Il les aidait d'ailleurs, son employeur et elle, quand il était question de faire face à des esprits.
Sa relation avec sa mère connut aussi une amélioration considérable. Mais son petit frère refusait toujours de la voir. Il lui faudrait être patiente. Du haut de ses seize ans, elle se rendait compte qu'elle lui avait fait du mal, plus jeune. Bien que ce soit involontaire, les blessures étaient néanmoins réelles. Il avait besoin de temps pour lui pardonner et, pourquoi pas, pour revenir auprès d'elle.
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