Un silence studieux régnait dans la salle de classe, l’enseignant passant dans les rangs des élèves pendant que les enfants répondaient comme ils pouvaient aux questions du contrôle. Une petite fille, au fond de la classe, écrivait avec frénésie sur sa copie avec un air très concentré. A côté d’elle, une autre petite fille faisait la moue. Elle semblait avoir quelques difficultés à répondre aux questions. En passant à côté d’elle, le professeur put constater que de nombreuses questions demeuraient sans réponses. Il fronça les sourcils. L’heure était bientôt écoulée.

Autant Nathalie était une élève appliquée et intéressée par les sciences, autant Faith, elle, n’avait aucun intérêt en dehors de l’astronomie. Il était étonnant de savoir que deux petites filles aussi différentes l’une de l’autre puissent être aussi amies et s’entendre aussi bien.

Et effectivement, une dizaine de minutes plus tard, la cloche retentit. Tous les élèves poussèrent un soupir de soulagement. C’était la fin du calvaire, ils pouvaient donc enfin partir en récréation. Ils posèrent tous leur stylo et se précipitèrent dehors. Pendant ce temps, le professeur passa dans les rangs afin de récupérer toutes les copies.

Nathalie et Faith se rejoignirent toutes deux dans la cour, Faith un peu boudeuse à la suite de l’interrogation écrite au cours de laquelle elle n’avait pas particulièrement brillé. Mais il suffit que sa camarade le mot magique “astrologie” pour que Faith se déride et devienne intarissable.

Nathalie, bien que pas particulièrement intéressée à la base par l’astrologie, adorait entendre son amie parler de ce sujet qui la passionnait. Quand elle en parlait, Faith, habituellement assez timide et réservé, devenait alors très expressive. Ses yeux brillaient, elle faisait de grands gestes pour illustrer ses propos. La petite fille utilisait un vocabulaire très pointu du jargon de l’astrologie, mais qu’elle expliquait avec des mots plus simples quand Nathalie ne comprenait pas. Nathalie, qui aimait beaucoup apprendre de nouvelles choses, était donc tout à fait heureuse, dans ces moments-là, de s’abreuver des connaissances acquises par son amie.

Elle avait ainsi appris plein de choses intéressantes sur la naissance des étoiles, leur rôle dans l’Univers. Le fait que le soleil était une naine jaune, que selon le type d’étoile elles ne dégageaient pas le même degré de chaleur. Aussi, le degré de chaleur est déterminé par sa couleur : le spectre va des étoiles brunes (les plus froides) aux étoiles violettes. Ainsi, notre soleil étant une naine jaune, ne fait pas partie des étoiles les plus chaudes malgré ses 5500°C. Nathalie avait appris que les étoiles pouvaient avoir une température allant de 3000 à 30000°C.

Et c’est ainsi que passa toute la récréation des deux jeunes filles, avec l’une écoutant religieusement l’autre parler de sa passion. Tout en continuant de parler, elles se dirigèrent toutes les deux vers le gymnase. Ce jour-là, elles avaient sport. Au grand désarroi de Faith qui se faisait facilement mal.

Les deux amies se joignirent à leurs camarades devant leur professeur qui avait un ballon de foot à ses pieds. Génial, grinça mentalement des dents Faith, aujourd’hui c’était foot apparemment. Son sport pré-fé-ré… sentez l'ironie dans sa pensée. Elle se doutait déjà de comment cette histoire allait se finir. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle semblait facilement se faire des fractures. D’ailleurs, ses parents envisageaient de lui faire passer des examens afin de savoir pourquoi elle se cassait aussi facilement des os.

Traînant des pieds, la jeune fille alla dans l’équipe que lui avait assigné le professeur. Et, au bout de dix minutes de jeu, l’un de ses camarades la fit accidentellement tomber en se précipitant vers le ballon. Une grande douleur pulsa dans son bras gauche et dans sa jambe droite. Sous l’intensité, elle se mit à pleurer.

L’enseignant envoya l’un de ses camarades chercher l’infirmière. Celle-ci, après examen, indiqua qu’il y avait probablement fracture. Les parents de l’enfant furent donc appelés, sa mère vint assez rapidement la chercher et l’emmena à l’hôpital.

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Faith était allongé sur son lit d’hôpital, le bras et la jambe dans le plâtre. Par la porte, entrouverte, elle pouvait voir sa mère qui parlait avec le médecin. A sa demande, le personnel médical lui avait fait passer plusieurs examens afin de comprendre pourquoi la jeune fille se cassait aussi souvent les os.

Là, le médecin faisait le compte rendu à sa mère. Elle se mit soudain à pleurer, ce qui donna un mauvais pressentiment à sa fille. Le médecin essaya de la consoler, puis ils rentrèrent dans la chambre quand sa mère eut repris un minimum de contenance. La sentence tomba alors. Faith avait la maladie des os de verre. Elle se glaça d’effroi. Cela sonnait le glas pour son rêve. Elle ne pourrait jamais devenir astronaute. Avec ce type de maladie, le métier de ses rêves devenait hors de sa portée.

Car elle savait. Elle savait, grâce à ses recherches, que les astronautes (chez un individu sain, c'est-à-dire, quelqu’un qui avait une ossature normale) avaient tendance à subir une perte osseuse plus ou moins importante selon la durée de la mission dans l’espace. Jamais une personne atteinte de la maladie des os de verre ne pourrait être envoyée dans l’espace à cause de ce paramètre.

Sa mère finit par partir, afin de régler quelques détails administratifs. Mais Faith n’en prit pas conscience. Elle n’avait plus conscience de rien. Tout ce qui tournait dans sa tête, concernait son rêve brisé. Ses yeux s’embuèrent de larmes, et sans ses plâtres, elle se serrait recroquevillée sur elle-même. A force de pleurer, de fatigue, l’enfant finit par s’endormir.

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Nathalie cogna timidement contre la porte de la chambre d’hôpital de son amie. N’entendant pas de réponse, la petite fille ouvrit légèrement la porte et passa sa tête de l’autre côté. Faith était allongée dans son lit, la tête tournée vers la fenêtre.

Nathalie ouvrit plus franchement la porte et entra dans la chambre, refermant derrière elle. Elle hésita un peu devant la porte puis, elle s’avança vers le lit de son amie. N’osant pas s'asseoir sur le lit, elle regarda autour d’elle rapidement. Elle repéra ainsi une chaise dans un coin de la chambre. Elle la rapprocha du lit et s’y assit.

Ensuite, après une petite hésitation, elle posa délicatement la main sur celle de son amie afin d’attirer son attention. Voyant que Faith ne réagissait pas, la petite fille se racla la gorge d’un air gêné. Enfin, sa copine tourna la tête vers elle. Ses yeux étaient légèrement rougis, ça se voyait qu’elle avait pleuré.

- Qu’est-ce que tu as ? demanda Nathalie d’une voix hésitante.

- Je ne pourrais jamais devenir astronaute, laissa tomber la patiente dans un filet de voix.

- Pourquoi ? s’étonna l’autre.

- Parce que j’ai la maladie des os de verres, lui répondit la jeune fille.

- Mais pourquoi ça t’empêcherait de devenir astronaute ? demanda son interlocutrice, qui ne voyait pas le rapport entre les deux faits.

- Parce qu’avec cette maladie, lui explique Faith, les os sont très fragiles. Ils peuvent se casser facilement. Or, selon la durée des séjours dans l'espace, on peut perdre en masse osseuse. Ce qui est donc problématique pour quelqu’un qui souhaite devenir astronaute.

- Et les médecins ne peuvent pas te guérir ? se renseigna son amie.

- Non, répondit Faith avec des sanglots dans la voix, il n’existe aucun traitement à ce jour. Il faut apprendre à vivre avec.

Nathalie fronça les sourcils, prit les mains de son amie dans les siennes et, la regardant droit dans les yeux, lui dit d’un air déterminé :

- Alors je deviendrai médecin et je mènerai des recherches pour te guérir. Je ferai tout pour que tu puisses devenir astronaute.

Faith éclata alors en sanglots et serra les mains de son amie toujours dans les siennes. Nathalie se leva et la prit dans ses bras, réconfortante.