Il fallait que ça sorte, point, se dit-elle en effectuant une nouvelle pirouette sur elle-même, sa jambe droite se tendant en un arc-de-cercle final furieux qui ressemblait plus à un coup de pied qu’autre chose.
Suivant la ligne de basse qui résonnait dans la pièce amplifiée par les enceintes, elle se lance dans le prochain mouvement, ses bras projetés devant elle avec force avant d’être tendus vers le ciel, ses hanches ondulant au rythme de la musique.
Elle casse la routine en sautant soudainement avec un mouvement brusque des épaules, son bras droit tendu en guise de défi, atterrissant au sol dans un mélange de grâce et de fatalité, avant de courber son corps en s’appuyant sur sa main droite, l’autre bras tendu vers l’inconnu. Un nouveau tour sur elle-même au sol, ses genoux servant de pivot, une nouvelle vague de ses bras en roulant ses épaules...
Ses yeux jusque-là fermés s’ouvrent et se posent sur le reflet des cadavres de bouteilles d’eau gazeuse qu’elle a descendu depuis son arrivée deux heures plus tôt, leur vert profond faisant tâche au milieu de la blancheur des murs. Cette pensée alimente le feu déjà bien attisé de sa colère, sans qu’elle sache réellement pourquoi.
Avec un grognement, elle se relève avec force et enchaîne de nouveau une série de pas brouillons, croisant ses pieds l’un devant l’autre tout en roulant les épaules, ses lèvres serrées en une fine ligne, faisant glisser ses pieds de gauche à droite en rythme, parsemant le tout de roulements de torse aléatoires.
Les muscles de ses jambes crient, enfermés dans leur éternel fuseau noir : les traces d’usure se font de plus en plus visibles, le tissu aux bords du craquement au niveau des cuisses, et les élastiques enserrant ses pieds sérieusement distendus. Elle ne peut pas s’empêcher de noter qu’ils sont dans le même état, lui et elle...
La peau de ses pieds nus brûle avec le frottement, son souffle se fait court de rage et les larmes menacent mais ne sortent pas. Toujours pas.
La musique fait écho avec les battements erratiques de son cœur : il va lâcher, se dit-elle, à mesure qu’elle sent le poids de son corps augmenter sous l’effet de la fatigue. Mais elle ne peut pas s’arrêter, pas tant que son agitation, sa colère, sa peine habiteront son être.
Cet endroit est censé être la chapelle où elle exorcise ses démons, et cette playlist le gospel qui les enterre pour de bon.
Combien de temps se passe-t-il avant qu’elle s’effondre au sol ? Combien de sauts, de pas chassés, d’ondulations de son torse et de son bassin ? Et pourtant, elle sait que la cérémonie n’est pas finie, son âme bouillant encore d’énergie négative.
Était-ce un de ses fois où rien ne pourrait apaiser la tempête ?
Allait-elle devoir faire avec cette espèce d’hystérie une journée de plus ?
Sa tête rencontre lourdement le sol, sa main tendue vers sa droite en direction de la montagne vert bouteille.
De l’eau… De l’eau…
Ses doigts rencontrent une des bouteilles encore vivante, et elle invoque toute la force possible pour la ramener à elle. Elle éclate de rire en dodelinant de la tête lorsque les premières notes de la dernière chanson envahissent la pièce, ses yeux tombant sur son reflet dans les miroirs ornant un des murs du studio de danse.
Son rire se mue en un cri rageur, entrecoupé par une litanie d’injures. Elle ne sait même pas à qui elle les destine : à lui, à elle-même, au monde ?
Elle tourne le bouchon de la bouteille d’eau gazeuse et penche cette dernière dangereusement, laissant le contenu atterrir sur son visage et sa poitrine, sa voix se craquelant alors qu’elle tente de chanter les paroles.
Ça compte pour des larmes, pas vrai ?
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