Shepard regardait défiler les heures, allongée sur son lit. Elle avait fait poser une baie vitrée sur le toit de sa maison pour pouvoir observer les étoiles comme elle le faisait à bord du Normandy. Elle avait hâte de reprendre son voyage. En prenant sa retraite, elle ne pensait pas que tout ce qui faisait sa vie d'avant lui manquerait : les combats, l'adrénaline, l'aventure. Il fallait bien se rendre à l'évidence, elle n'avait jamais été aussi heureuse que lorsqu'elle était dans l'espace. Et le général lui donnait une chance d'y retourner. Une chance qu'elle ne pouvait pas laisser passer.
À 9h tapante, le général était devant sa porte. Il avait fait préparer une frégate et un équipage pour l'emmener dans le système Sirius. Une demi-heure plus tard, ils étaient tous de nouveau sur le Tarmac, pour embarquer sur le SSV London, nom donné en hommage à la bataille épique du même nom. Pour limiter la casse en cas d'attaque, les membres constituant l'équipage avaient été réduits au maximum et seuls les postes vraiment importants étaient occupés. Cela ne semblait pas gêner Wrex, bien au contraire. Les Krogans n'aimaient pas se sentir à l'étroit dans les vaisseaux, ça les rendait agressifs. Il n'était pas rare qu'ils se battent entre eux, quand ils étaient à deux dans un endroit confiné, comme un vaisseau, par exemple. Une tractopelle avait également été mise dans le hangar, au cas où ils devraient déterrer quelque chose. Shepard avait bien entendu le commandement, mais elle regrettait son ancien timonier. Celui-ci n'avait que quelques centaines d'heures de vol à son actif et elle n'était pas sûre qu'il ait l'étoffe des pilotes d'élite. Elle comptait toutefois lui laisser une chance de lui prouver qu'elle se trompait. Une fois les membres d'équipage installés à leur poste respectif, le vaisseau décolla, en direction du système Sirius. Shepard regarda par la fenêtre principale, située sur le pont, pendant que la frégate prenait de l'altitude. Elle aimait ce moment-là, où tout ce qui se trouvait à la surface devenait de plus en plus petit, jusqu'à complètement disparaître. Et une fois dans l'espace, elle observait la Terre, si belle, si fragile, et qui avait bien failli disparaître quelques années plus tôt. Décidément, elle aimait l'espace et ce sentiment de liberté qu'elle ne trouvait nulle part ailleurs. Le commandant en second la tira de sa rêverie. Elle devait se rendre dans la salle de réunion afin de briefer sa nouvelle équipe. Mis à part le pilote, l'ingénieur en chef et le navigateur, le commando de Shepard se composait d'une dizaine de soldats, dont deux biotiques. Si leurs implants avaient été rendus obsolètes par la destruction du Creuset, l'Alliance y avait remédié en focalisant ses recherches sur de nouveaux moyens d'amplifier les nodules d'élément zéro. Le résultat de ces recherches était que cinq ans après le drame, leurs implants avaient été remplacés par des capteurs à élément zéro, qui se révélaient être tout aussi efficaces.
- Bien, vous savez tous pourquoi on est ici, commença Shepard. Nos satellites ont capté un signal qui provient du système Sirius, situé à 8,7 années-lumière du Soleil, soit environ 82 milliards de km. Nous ne savons pas combien de planètes composent ce système, mais nous comptons bien le découvrir. Il nous faudra quelques heures à peine pour l'atteindre, alors en attendant, préparez-vous. Nous ne savons pas ce que nous allons y trouver. Des questions ?
- Non, commandant ! répondit un soldat. Je voulais juste vous dire que c'est un honneur de faire partie de votre équipage. Nous nous battrons jusqu'à la mort !
- Espérons que nous n'ayons pas à en arriver là, s'amusa-t-elle.
- Ça se voit qu'il n'a jamais combattu à vos côtés, s'esclaffa Wrex
- Heu... je dois le prendre comment ? demanda-t-elle faussement vexée. Allez, rompez !
Le briefing terminé, tous reprirent place à leur poste. Au bout de quelques heures, le pilote lui annonça qu'ils entraient dans le système. À première vue, il était composé d'une étoile double et de douze planètes. Son étoile centrale, Sirius, similaire à notre Soleil, était cependant beaucoup plus lumineuse et une deuxième étoile, plus petite, gravitait autour d'elle. Les capteurs du vaisseau indiquaient que le signal provenait de la cinquième planète en partant de Sirius. Elle faisait à peu près la même taille que Jupiter. Arrivé en orbite, le pilote lança un scan de la planète. Il ne trouva aucune trace de vie, mais détecta des vestiges à la surface. Shepard était déçue, mais pas autant que Wrex. Elle s'était préparée à une confrontation qui n'aurait visiblement pas lieu. Le signal provenait d'une région au nord de l'équateur. Le climat semblait y être particulièrement rude. De plus, il y avait une forte pesanteur, ce qui avait empêché les montagnes de se former. Shepard se dit en elle-même que cette planète irait très bien aux Elcors, si on mettait de côté la température qui régnait à sa surface. La frégate entra dans l'atmosphère et se dirigea vers l'endroit d'où émettait le signal. Pendant que le timonier cherchait un endroit suffisamment dégagé pour pouvoir se poser en toute sécurité, l'équipage descendit dans le hangar afin de s'équiper de combinaisons adaptées à la forte pesanteur et au froid qui régnait dehors. Pour pouvoir communiquer plus aisément, tous les casques étaient équipés d'émetteurs à courte portée. Enfin, un signal retentit, signe que le vaisseau s'était posé. Les portes du hangar s'ouvrirent et un vent froid et violent s'engouffra à l'intérieur, stoppant du même coup leur enthousiasme.
- Vous êtes prêts ? demanda Shepard. Prenez une arme, au cas où, on ne sait jamais.
- Mais le scan n'a révélé aucune forme de vie à la surface, lui répondit un soldat.
- Vous voulez que je vous rappelle ce qui se passait avec les zombis ? Ils n'étaient pas non plus détectables et pourtant ils étaient bien là. On ne prend pas de risques inutiles. J'ai déjà perdu un équipage, je ne veux pas en perdre un autre ! C'est compris ?
- Oui chef ! C'est compris, lui répondirent-ils tous ensemble.
- Allez, go, go, go! lança-t-elle en leur faisant signe de se déployer.
L'escouade sortit de l'appareil et se dirigea vers les ruines qui sortaient du sol un peu plus loin. Shepard en tête, elle leur fit signe de se disperser afin de ne pas être encerclés au cas où quelque chose les attaquerait. Le scanner à la main, Wrex assurant ses arrières, elle se dirigea vers le point lumineux que lui indiquait son appareil. Les rafales de vent régulières ne lui facilitaient pas la tâche et faisaient des interférences. À l'endroit indiqué, il n'y avait rien, mis à part un renfoncement qui sortait de terre.
- Les gars, j'ai trouvé quelque chose, leur dit-elle. Il va falloir creuser.
- Vous avez vu le sol ? Il est gelé, lui répondit le soldat Meunier. Comment on va faire ?
- Meunier, retournez au vaisseau et allez chercher quelque chose pour réchauffer le sol. N'importe quoi, du moment que ça fait de la chaleur.
- À vos ordres Amiral !
- Pas de ça entre nous. Appelez-moi Shepard.
- Heu, d'accord...chef ! lui répondit-il, gêné.
Il courut en direction du vaisseau et disparut quelques instants de son champ de vision. Elle examina le sol avec attention. Ses ruines ne ressemblaient en rien à celles des Prothéens. Elles avaient l'air beaucoup plus anciennes. Tout le monde savait désormais qu'il y avait eu une ou plusieurs races avant les Prothéens et que les Moissonneurs étaient la forme évoluée d'une de ces espèces. Il était difficile, dans ces conditions, d'imaginer à quoi ils pouvaient ressembler avant leur évolution et encore plus, de savoir comment était leur civilisation. Il se pouvait qu'elle et son équipe soient les premiers à la découvrir. Mais pourquoi les hommes n'avaient-ils pas été explorer cette partie de la galaxie, au lieu de se lancer à corps perdu dans le reste de l'univers, au-delà des relais cosmodésiques ? Après la découverte des vestiges de Mars, ils auraient pu mettre à jour deux civilisations, qui s'étaient entretuées, et ainsi prendre une longueur d'avance sur le reste de la galaxie. Mais le passé était le passé et il fallait aller de l'avant. Les Moissonneurs n'étaient plus et elle commençait à se demander s'il n'existait pas une menace plus grande encore là, tapie dans l'ombre. Ha, si Liara était là, pensa-t-elle tristement. Meunier la sortit de ses pensées alors qu'il lui tendait l'objet trouvé dans le vaisseau.
- Une couverture chauffante ? s'exclama-t-elle dubitative. Vous vous foutez de moi ?
- Désolé, chef, c'est tout ce que j'ai trouvé.
- Mais il va nous falloir des heures pour ne serait-ce que dégager une infime partie de ces ruines, s'indigna-t-elle.
- Je sais, c'est la raison pour laquelle j'en ai amené plusieurs, lui répondit-il avec un sourire.
- Bon, allez chercher des lampes, on les disposera en cercle autour des ruines et peut être que la chaleur émise nous fera gagner du temps.
- Ouais, dit-il simplement, ou bien on peut faire un feu.
- Avec ces rafales de vent ?
- Et si le vaisseau nous servait de paravent ? essaya-t-il timidement.
- C'est assez tordu pour que ça marche. Enrique, vous me recevez ? demanda-t-elle grâce à l'émetteur de son casque.
- Très bien Amiral . Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?
- Il faudrait déplacer le vaisseau, de manière à ce qu'il nous protège du vent. C'est faisable ?
- Pourquoi vous n'installez pas des résistances dans le sol pour le réchauffer? Ça irait plus vite. Il doit y avoir tout le matériel nécessaire dans la soute.
- Allez, on bouge ! hurla-t-elle à ses hommes. Allez me chercher ces résistances !
Ses hommes revinrent quelques minutes plus tard avec deux caisses assez imposantes. Dans l'une se trouvaient les résistances proprement dites et dans l'autre, le générateur pour les faire fonctionner. Une fois en place, elles pouvaient générer une grande quantité de chaleur. Elle se demanda pourquoi elle n'y avait pas pensé avant et mit ça sur le compte de l'âge. Cette dernière pensée la fit sourire. Positionner les résistances ne fut pas chose aisée, le sol étant dur comme de la pierre et les rafales de vent n'arrangeant pas les choses. Une fois en place, on alluma le générateur et tous se placèrent en cercle autour de l'appareil.
- Restez pas plantée là, bande d'ahuris, leur dit-elle. Allez plutôt vous mettre à l'abri dans le vaisseau en attendant.
Shepard les regarda s'éloigner puis scruta les alentours à la recherche de quelque chose qui lui aurait échappé. Des ruines sortaient du sol à perte de vue et elle se demanda quelle civilisation avait bien pu les construire. Plus elle y pensait et plus il était clair que quelque chose leur échappait à tous. Si au départ, c'était l'idée de retrouver le Normandy qui l'avait incité à accepter cette mission, c'était aujourd'hui une tout autre raison qui la poussait à la mener à bien. Qui sait quelle découverte ils allaient bien pouvoir faire. Au bout de deux heures, elle retourna chercher ses hommes pour retirer le matériel et commencer à creuser. La terre était devenue plus malléable. Gavin alla chercher la tractopelle dans le hangar afin de dégager les vestiges qu'ils avaient trouvés. Il leur fallut encore quelques heures pour dégager suffisamment de terre pour que l'on puisse se faire une idée de ce qu'il y avait en dessous. L'édifice se composait de quatre murs et ne semblait pas avoir de porte. De plus, il n'y avait rien autour, ce qui pouvait faire penser à la partie émergée d'un iceberg. La partie la plus importante devait se trouver sous terre, à la manière d'un bunker. Des milliers d'années sans entretien l'avaient recouvert progressivement de terre, les violentes rafales de vent ayant sûrement accéléré le travail. Encore quelques siècles et il ne serait plus resté aucune trace de cette civilisation. Ils avaient eu de la chance et Shepard ne comptait pas en rester là. Sur un des murs, un symbole était gravé dans la pierre. Elle l'avait vu, mais n'en comprenait pas le sens. On ramena l'engin dans le hangar et toute l'équipe se rassembla autour d'elle. L'édifice était un vrai mystère pour tout le monde. Il devait y avoir un moyen d'y accéder, mais pour le moment, elle ne voyait pas comment faire. Son scanner indiquait que le signal venait bien de sous la surface, mais le problème était de pouvoir s'y rendre. Soudain, elle eut une idée. Peut-être le symbole était-il une sorte de serrure. Mais dans ce cas, où était la clé ?
- On aurait bien besoin d'un archéologue ! se dit-elle. Wrex, ce symbole vous dit quelque chose ? Vous l'avez déjà vu ?
- Non, rien qui puisse s'en rapprocher. Et si on le faisait sauter, histoire d'avoir un peu d'action ?
- Sûrement pas. Tout risquerait de s'effondrer. Il doit y avoir un meilleur moyen. Wrex, touchez le mur pour voir s'il se passe quelque chose.
- Pourquoi moi, Shepard ? Vous n'avez qu'à prendre un de ces soldats, ils sont remplaçables, dit-il d'un rire caverneux.
- Vous avez des pouvoirs biotiques. En cas de problème, vous êtes le seul qui peut se protéger efficacement. Allez, on commence à se les geler sévère ici !
- Ça va, j'y vais.
Il s'approcha du mur et le toucha de la main, mais rien ne se passa. Il remarqua cependant que bien que la planète soit un gigantesque réfrigérateur, le mur n'était pas froid comme on aurait pu s'y attendre. L'un après l'autre, tous touchèrent la paroi lisse et arrivèrent à la même conclusion. Quelque chose devait émettre de la chaleur à l'intérieur des murs.
- Y'a que moi qui trouve bizarre que cette paroi soit tiède ? demanda Gavin. On dirait que le chauffage est mis à l'intérieur. Je vous dis pas la facture d'électricité !
Shepard esquissa un sourire, mais cette remarque ne lui parut pas dénuée de sens. Et si le signal provenait de cette source de chaleur ? Il fallait qu'elle entre, pour en avoir le cœur net. Elle s'approcha de la paroi et ressenti un malaise, comme lorsqu'elle s'approchait d'une balise prothéenne. Pourtant, cet endroit n'avait rien de prothéen, elle en était certaine. Comme si une force invisible la poussait, elle mit son doigt sur le symbole et entendit un cliquetis. Le sol se mit à trembler et tous s'écartèrent. Le mur qui leur faisait face commença à bouger, laissant entrevoir des rais de lumière. Une minute plus tard, la paroi avait disparu et il ne restait plus qu'un espace vide au milieu.
- Ça alors, on dirait un ascenseur ! s'exclama le soldat Meunier.
- En effet, dit-elle, ça m'en a tout l'air. Wrex, Gavin et vous, vous venez avec moi. Les autres, retournez au vaisseau et attendez-nous. Si on n'est pas de retour d'ici deux heures, partez sans nous et allez faire votre rapport au général. Qu'il n'envoie personne d'autre en attendant de nos nouvelles.
- Bien, chef ! lui répondirent-ils ensemble avant de retourner au vaisseau.
L'espace était étroit, mais ils arrivaient à tenir tous les quatre. Sur le mur du fond, il y avait une sorte de console qui clignotait, mais sans aucun bouton. Seul le symbole y était gravé. Comme elle l'avait fait plus tôt avec la commande d'ouverture, elle pressa le doigt sur le symbole et la porte se referma. Les lumières clignotèrent un moment, faisant craindre une baisse d'énergie, puis revinrent à la normale. Un bruit de moteur se fit entendre, et l'ascenseur se mit en branle. Sans savoir où il les emmenait, Shepard et les siens se mirent en position, au cas où quelque chose viendrait à les attaquer. Au bout de quelques minutes, voyant que rien de fâcheux ne leur arrivait dans l'ascenseur, ils commencèrent à se détendre et à profiter de la descente. Il ne servait à rien de stresser. Ils seraient en bas bien assez tôt.
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