«

»

Shepard se demandait, depuis son réveil, ce qu'il était advenu du Normandy, le vaisseau dans lequel elle avait repoussé l'assaut des Moissonneurs durant la bataille de la Citadelle contre Saren et ses Geths, et qui l'avait amené à rallier toutes les espèces de la galaxie pour mener l'assaut final sur Terre. Elle savait qu'il avait eu le temps de fuir, par un message de Hackett qui était arrivé au centre de commandement avant l'explosion du creuset et la destruction du relais Charon. Mais elle ignorait si ses compagnons, et surtout le major Alenko, savaient qu'elle était en vie. Ses cauchemars avaient cessé à la suite d'une longue thérapie de deux ans et elle recommençait doucement à reprendre goût à la vie. Elle ne voulait pas refaire la même erreur que sept ans auparavant, où elle s'était lancée à corps perdu dans une liaison intense, mais brève avec Thane Krios, l'assassin Drell qu'elle avait recruté pour combattre les Récolteurs, après avoir été repoussée par Kaidan sur Horizon. Elle espérait sans toutefois se l'avouer, qu'il lui serait fidèle, même s'il croyait à sa mort. En attendant d'avoir de ses nouvelles, elle aidait à la reconstruction. L'Alliance lui avait fourni une petite maison à Vancouver après sa convalescence et une retraite conséquente, pour bons et loyaux services. Elle espérait que si Kaidan revenait un jour, il passerait par là pour voir sa famille. Elle savait que sa mère était toujours vivante, mais elle n'avait jamais trouvé le courage d'aller la voir. L'Alliance lui avait demandé un rapport sur ce qui s'était passé dans la citadelle en compagnie de l'Amiral Anderson et de l'homme Trouble, jusqu'à la destruction du catalyseur. Pour la récompenser d'avoir détruit les Moissonneurs, Shepard avait été promu Amiral. Le major Alenko, James Véga, Jeff «Joker » Moreau, et le lieutenant Steve Cortez avaient eux aussi eu droit à une promotion, bien qu'ils n'en aient jamais rien su.

Assise dans son fauteuil, devant la porte vitrée, Shepard écoutait les informations à l'affût du moindre renseignement qui lui indiquerait si la situation dans l'espace avait évolué et s'il était enfin possible de retourner explorer l'univers, à la recherche d'un relais qui n'aurait pas été détruit. Elle somnolait dans la torpeur de cette belle journée d'été, profitant de la chaleur des rayons du soleil, qui lui faisait comme une caresse sur la peau. Elle souriait à l'idée qu'une chose si simple puisse être aussi agréable. Comment avait-elle donc pu s'en passer, durant tout le temps qu'elle avait passé sur le Normandy ? Elle en était là de ses réflexions lorsqu'elle entendit sonner à la porte. Non sans faire la grimace d'être dérangée dans un moment comme celui-là, elle se leva et se dirigea d'un pas lourd vers la porte.

- Commandant Shepard ? Je veux dire, Amiral ? demanda timidement l'homme qui se tenait devant elle.

- Oui, qu'y a-t-il ? demanda-t-elle un peu froide.

- Hé bien, c'est le bureau de l'Alliance qui m'envoie. Ils vous attendent le plus tôt possible dans leurs bureaux. Ils ont des choses très importantes à vous dire.

Sur ce, il tourna les talons, et redescendit la petite allée jonchée de fleurs qu'elle avait elle-même plantées, avant de reprendre sa navette. Au revoir à vous aussi, dit-elle pour elle-même. À sa démarche, elle en déduisit que ce n'était pas un soldat, tout juste un gratte-papier sortit tout droit d'une université quelconque. Elle était quand même intriguée. Depuis son départ à la retraite, l'Alliance n'avait fait appel à elle qu'une seule fois, et c'était pour lui communiquer la conclusion de son rapport et la nomination de ses coéquipiers au grade supérieur. Qu'avait-elle donc de si important à lui dire, qu'elle ne pouvait confier à un coursier ?

Le soleil déclinait dans le ciel, signe que l'après-midi touchait à son terme et que si elle voulait savoir ce qu'ils voulaient lui dire, il fallait qu'elle se dépêche avant la fermeture des bureaux. Elle prit donc une douche rapide et sauta dans sa navette en direction du siège de l'Alliance. Le parking était presque désert, les employés étant déjà rentrés chez eux, mais une navette attira son attention. Elle crut reconnaître celle de Wrex, le Krogan qui l'avait aidé à arrêter Saren. Lui aussi avait donc été convié à cette petite entrevue. Elle se dirigea d'un pas rapide vers les portes coulissantes qui menaient à l'entrée des bureaux et décida de prendre l'ascenseur. Les bureaux des officiers les plus gradés se trouvaient au dernier étage, ainsi que celui du Général Aokidji. Elle entra et surprit sa conversation avec Wrex.

- .... En êtes-vous sûr ? demanda Wrex au général qui se tenait devant lui.

- Sans aucun doute possible, répondit-il. Tiens, bonsoir, Shepard. On ne se donne même plus la peine de frapper ? demanda-t-il à l'amiral qui venait de faire irruption dans son bureau.

- Mon général ! déclara Shepard en faisant le salut militaire, j'ai cru comprendre que c'était urgent.

- En effet, ce que j'ai à vous confier est de la plus haute importance, leur dit-il en marquant une courte pause. Un de nos satellites a repéré un signal non loin de l'ancien relais Charon, lâcha-t-il enfin promptement.

- Vraiment ? Comment est-ce possible ? demanda Shepard visiblement surprise par la révélation que venait de faire le général.

- En fait, Amiral, je comptais sur vous pour le découvrir. J'ai également demandé à Wrex de venir, car je sais qu'il a servi sous vos ordres à bord du Normandy SR1 et que vous êtes amis. Et puis, je ne vais pas vous le cacher, c'est aussi parce que c'est le dernier compagnon d'armes qu'il vous reste sur cette Terre. Je me suis dit qu'à vous deux, il y avait moyen de monter une petite expédition aux abords de Charon pour voir de quoi il retournait. S'il s'agit d'un ennemi, j'aimerais autant être au courant, afin de préparer la Terre à un nouvel assaut, leur dit-il.

- Et Jack ? demanda Shepard. Elle est restée sur Terre après l'assaut final. Pourquoi ne l'avez-vous pas contacté ? Vous êtes au courant que je suis à la retraite ? Qui vous dit que je vais accepter votre offre ? Sans vouloir vous vexer, Wrex !, dit-elle en regardant le Krogan.

- Y'a pas de mal Shepard, lui répondit-il.

- Jack est injoignable. Il semble qu'elle se soit volatilisée après la destruction des Moissonneurs. Depuis, c'est le silence radio, dit-il en baissant la tête. Mais pour en revenir à la mission, hé bien, s'il ne s'agit pas d'un ennemi, mais d'un autre relais, peut-être vous sera-t-il possible de partir à la recherche du Normandy SR2 ! leur dit-il en passant de l'un à l'autre.

- En effet, vu sous cet angle, commença-t-elle avant de continuer, Wrex, vous seriez partant pour cette mission ?

- Si ça me permet de me tirer de cette maudite planète, lui dit-il avant d'ajouter non sans sourire, sans vouloir vous vexer...

- Pas de problème !

- Alors, c'est entendu. Vous partirez demain. Allez vous reposer tous les deux, il s'agira d'avoir les yeux grands ouverts pour cette mission, leur intima le général.

- Bien, chef ! répondirent-ils en cœur.

Shepard et Wrex retournèrent tous deux dans leur logement respectif, en se donnant rendez-vous au spatioport le lendemain matin. La nouvelle que venait de lui communiquer le général la rendait nerveuse à l'idée de devoir combattre un nouvel ennemi. Elle en avait assez de toutes ces batailles, de tous ces morts, du fait que tout le monde la prenne pour une héroïne. Elle en avait assez de porter tout le poids du monde sur ses épaules, d'être celle sur qui tout le monde se reposait. Elle avait mené sa dernière bataille cinq ans plus tôt, l'avait remportée, et qu'avait-elle eu en échange ? Une médaille et un grade supérieur dans l'armée de l'Alliance. Non, ce qu'elle aurait voulu, c'était de pouvoir prendre enfin un peu de bon temps, avec ses amis, ses coéquipiers qui ne l'avaient jamais laissé tomber, quitte à la suivre dans une mission suicide. Mais à la place, elle se retrouvait seule, et au final, c'est elle qui les avait laissé tomber. Du moins, c'est ainsi qu'elle voyait la situation. C'est dans cet état d'esprit qu'elle entreprit de regagner son lit, non sans un dernier regard vers le ciel étoilé où devait se trouver son équipage. Cette nuit-là, ses rêves furent agités. Elle rêva de Thane Krios, et de ses compagnons morts au combat. Ils étaient assis à un bar, sûrement celui dont lui avait parlé Garrus un jour, et discutaient de choses et d'autres. Elle s'approcha d'eux, dans une singulière sensation de pesanteur, et c'est Thane qui lui adressa la parole.

- Siha, vous semblez être en plein doute. Ne culpabilisez pas, vous n'auriez pas pu nous sauver. Vos compagnons vous attendent quelque part, et vous êtes sur le point de faire une incroyable découverte, lui dit-il tendrement, en prenant son visage dans ses mains.

- Mais, et si c'était une erreur ? lui demanda-t-elle. Si le fait d'y aller replongeait le monde dans le chaos ?

- Siha, je ne suis que le fruit de vos pensées. Vous seule connaissez la réponse, lui dit-il avant de disparaître.

Une sonnerie retentit au loin et elle détourna le regard une seconde. Lorsqu'il reprit sa place, le bar avait disparu, ainsi que ses amis. À la place se trouvait l'Augure, qui la narguait depuis les confins de l'univers.

- Ce n'est pas possible, cria Shepard, je vous ai vaincu, ce n'est qu'un rêve !

- Qu'attends-tu alors pour te réveiller ? lui demanda-t-il.

Dans un sursaut, le réveil la sortit de sa torpeur. Elle avait les mains moites et de la sueur ruisselait sur son corps. Elle était confuse et n'arrivait pas à chasser l'image de l'Augure de sa tête. Elle prit une douche et avala un café noir sans goût. Décidément, ce substitut de café était vraiment immonde. Elle sauta dans sa navette de transport et alla retrouver le Krogan au spatioport. Contre toute attente, il était déjà là.