À l’hôpital, Martina fut conduite au centre de radiologie. Les policiers et les agents du FBI durent, quant à eux, patienter dans la salle d’attente. Il fut convenu avec le shérif qu’ils n’avaient pas besoin d’autant de monde, car la victime ne risquait plus rien, le coupable étant sûrement déjà loin. Il renvoya donc ses hommes patrouiller dans le quartier où avait été trouvée la jeune femme, en attendant d’avoir plus de détails. Seuls les deux agents et lui resteraient ici, pour attendre le retour de la victime et l’interroger. Elle allait pouvoir leur faire un portrait-robot du tueur et leur indiquer où elle était retenue prisonnière. Une demi-heure après leur arrivée aux urgences, un médecin vint les voir pour leur annoncer que les examens étaient terminés, et qu’ils pouvaient l’interroger. Elle était dans une chambre au bout du couloir. Ils frappèrent doucement à la porte avant d’entrer. Une infirmière était en train de prendre sa tension. Lorsqu’elle vit l’agent Parker, son visage s’éblouit, et elle se dirigea vers lui.
— Thomas ? Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu es en service ? demanda-t-elle, en voyant son gilet pare-balle.
— Hélène ? Je ne savais pas que tu travaillais ici.
— Vous vous connaissez ? demanda Sarah en les dévisageant.
— Heu, oui, lui répondit son collègue. Hélène est une connaissance. On s’est rencontré…
— Il y a quelques jours, dit l’intéressée. Vous êtes ici pour interroger la victime, je suppose ?
— Effectivement, reprit Sarah. Comment va-t-elle ? demanda-t-elle en regardant Martina.
— Vous devriez demander au docteur Kuntzman. Il va bientôt passer, dit-elle en se dirigeant vers la porte. Thomas, on se téléphone ? lui demanda-t-elle, en posant une main sur son bras.
Thomas ne répondit pas. L’infirmière quitta la chambre, visiblement déçue, et ils purent tranquillement interroger leur témoin. Elle leur raconta les circonstances de son enlèvement, les conditions dans lesquelles elle avait vécu, et ce qu’elle avait vu, à son réveil, dans son atelier. En ressassant ce souvenir, un frisson la parcourut. Elle aurait pu être à la place de ces filles. Sarah lui tendit un verre d’eau et lui demanda de faire une pause. Elle lui expliqua qu’un portraitiste allait passer la voir pour faire un portrait-robot du tueur. La jeune femme acquiesça. Elle leur décrit l’extérieur de la maison, tel qu’elle s’en souvenait, c’est-à-dire sans beaucoup de détail, puisque son objectif était de s’enfuir sans regarder en arrière. La seule chose qu’elle put leur dire avec certitude fut qu’elle était en bois. Elle l’avait vu lorsqu’elle avait longé le mur. Elle leur dit aussi que l’endroit où il l’avait trouvé était proche de sa prison. En prenant ce détail en compte et les maigres informations concernant la maison, ils devraient la trouver sans trop de problèmes. Ils connaissaient déjà le quartier, y ayant fait du porte-à-porte, et avaient sans doute déjà croisé le tueur. Ils remercièrent la jeune femme et quittèrent la chambre pour la laisser se reposer.
De retour dans le hall, Sarah demanda au shérif de donner la description de la maison à ses hommes, afin qu’ils passent le quartier au peigne fin. Il s’éloigna pour passer son appel et elle en profita pour s’expliquer avec son collègue.
— Cette infirmière, Hélène, tu m’expliques ? C’est la femme avec laquelle tu étais tout à l’heure ?
— Non. Je ne pensais pas la revoir en fait. J’ai été aussi surpris que toi de la trouver dans cette chambre, dit-il, contrarié.
— Mais t’es un obsédé, ma parole ! Et il y en a eu combien depuis qu’on est arrivé ici ? Je comprends mieux pourquoi tu étais toujours occupé. Enfin, tu fais ce que tu veux de ton temps libre, du moment que ça n’empiète pas sur notre affaire. Sois plus prudent quand même.
— Oui, maman, dit-il ironiquement. Je ferai attention. Bon, on fait quoi maintenant ?
— On va donner un coup de main aux hommes du shérif, pardi.
— Encore des heures sup. Génial !
Ils quittèrent l’hôpital et retournèrent dans le quartier de Linwood.
***
Joseph conduisait sans vraiment savoir où aller. Après son départ express, il avait eu un moment de flottement. Il n’avait jamais envisagé de devoir prendre la fuite et n’avait donc jamais conçu de plan de secours. Mais, voilà. Plus de retour en arrière possible. Les flics devaient déjà être en train de retourner sa maison à la recherche d’indices et ne manqueraient pas d’en trouver, une fois descendus à la cave. Et avec sa malchance actuelle, il finirait par découvrir le pot aux roses. Alors, que faire ? Il pouvait quitter le Kansas et aller dans un autre État, mais son portrait-robot ne manquerait pas de circuler partout et il se ferait prendre. Quitter le pays était du même acabit. Pour l’heure, il roulait sur l’US Route 400, en direction du Colorado. Il trouverait bien une ville où se planquer le temps de faire le point. Mais sa blessure à la tête le lançait et il devait trouver de quoi soulager la douleur. Peut-être même qu’il devrait trouver quelqu’un pour lui faire des points. Mais pas question d’aller à l’hôpital. Sur un panneau, il lut « Greensburg » et décida de prendre la sortie pour trouver un vétérinaire. Oui, cela ferait très bien l’affaire.
***
Lorsqu’ils trouvèrent enfin la maison, un cordon de sécurité fut mis en place tout autour, afin d’empêcher quiconque d’entrer dans le périmètre. Une escouade d’intervention fut appelée pour vérifier que l’endroit n’était pas piégé et s’assurer de la présence ou non du propriétaire des lieux. Après avoir enfoncé la porte, qui pourtant n’était pas verrouillée, avec un bélier, elle entra dans la maison et se dispersa de tous les côtés. Un groupe monta à l’étage, pendant qu’un deuxième fut chargé de fouiller le rez-de-chaussée. Ils trouvèrent une porte verrouillée, qu’ils firent sauter comme celle de l’entrée, et un troisième groupe descendit à la cave. Au bout de dix minutes, ils ressortirent pour faire leur rapport aux agents du KBI.
— R.A.S ! Il n’y a personne, expliqua le chef de l’escouade d’intervention. Mes hommes ont trouvé du sang à l’étage, et un véritable carnage à la cave. J’espère que vous avez l’estomac bien accroché, dit-il avec une grimace. Ce type est cinglé.
— Merci, lui dit Thomas. On va demander aux gars du labo de Great Bend de venir faire des prélèvements. Vos hommes ont fait du bon boulot.
— Merci, monsieur, dit-il en tournant les talons pour rejoindre son équipe.
— Sarah, tu viens ? On va jeter un œil en les attendant. Ils en ont pour un moment avant d’arriver.
— Oui, entrons dans la maison de l’horreur.
Ils entrèrent dans la maison et se séparèrent. Tandis que Sarah montait à l’étage, Thomas se dirigea vers la cuisine.
En montant les marches, elle se demanda ce qu’elle allait trouver là-haut. Le chef de l’escouade avait dit qu’il y avait du sang, mais n’avait pas précisé en quelle quantité. Il n’avait pas non plus parlé de cadavre, donc il appartenait soit à Martina, mais elle ne semblait pas souffrir d’une perte sanguine, soit à son geôlier. Ce qui pouvait supposer qu’il était blessé, et donc qu’il allait avoir besoin de soins. En arrivant en haut des marches, elle vit des gouttes de sang séchées par terre, qui allaient d’une pièce à une autre. Elle remonta la piste vers une pièce qui ressemblait à une chambre. Un matelas était posé à même le sol, un pot de chambre se trouvait dans un coin de la pièce et une grosse chaîne traînait par terre, près de la porte. Au même endroit se trouvait une flaque d’un liquide noirâtre, sûrement du sang séché. En grande quantité. La personne à qui il appartenait allait vraiment avoir besoin de soins. Elle regarda vers la fenêtre et vit que la vitre était levée. Il ne faisait aucun doute que c’était là qu’il avait retenu la jeune femme tout ce temps, et que c’était par cette fenêtre qu’elle s’était échappée. Elle l’avait donc bien blessé avant de fuir. Tout ceci corroborait son histoire. Elle sortit de la chambre en suivant les gouttes et atterrit dans la salle de bain. Une bouteille d’eau oxygénée se trouvait sur le lavabo, et dans la poubelle se trouvait un coton imbibé de sang. Une boîte de sutures adhésives était ouverte et son contenu renversé sur le sol. Il avait dû fuir précipitamment. La peur de se faire chopper l’avait poussé à abandonner son refuge, et il avait juste pris le nécessaire avant de partir. Il n’avait pas pris le temps de ranger et avait tout laissé allumé. Il ne comptait pas revenir. L’équipe scientifique trouverait beaucoup d’indices à coup sûr. Elle continua ses recherches dans la deuxième chambre, sûrement celle du tueur, mais ne trouva rien d’intéressant. En sortant de cette dernière, elle vit une ficelle qui pendait du plafond. En tirant dessus, un escalier escamotable en descendit, dévoilant un grenier. Elle prit son courage à deux mains et entreprit de monter. Elle avait peur de ce qu’elle allait trouver. Son instinct lui criait de faire demi-tour. Elle vit une tirette en arrivant en haut des marches, tira dessus et la lumière s’alluma. C’était un grenier tout à fait ordinaire, où étaient entreposés de vieux cartons, des meubles et des choses destinés à la déchetterie. Quelque chose attira toutefois son regard. Une grande boîte rectangulaire a priori, d’où sortait une espèce de mousse jaune épaisse. Elle s’approcha lentement, prête à fuir au moindre mouvement suspect, et s’arrêta au-dessus du couvercle. Elle mit une main sur sa bouche pour ne pas crier, lorsqu’elle reconnut une forme humaine. Qu’est-ce qui pouvait bien y avoir dedans ? se demanda-t-elle. À première vue, ça faisait penser aux moules dans lesquelles on met de l’eau et du sirop, l’été pour faire des glaces. Mais là, son cerveau n’arrivait pas à assimiler ce qu’il voyait, c’était trop dérangeant. Elle recula rapidement, redescendit les marches à toute allure, et retourna voir son collègue à l’étage en dessous.
***
Thomas regarda sa collègue monter à l’étage et se dirigea vers la cuisine. De la vaisselle sale traînait dans l’évier et la table n’avait pas été débarrassée. Tout cela indiquait que le tueur présumé était parti rapidement. Il inspecta les placards et les étagères, et trouva, coincé entre le sucre et la farine, un compartiment dans lequel se trouvait tout un tas de petites fioles. Sur chacune d’entre elles, il y avait une petite étiquette qui indiquait ce qu’elle contenait. Il en prit une au hasard et lut « chloropicrine ». Il la reposa et entreprit de lire toutes les autres : ricine, thallium, laurier rose, arsenic… Certains de ces poisons lui étaient inconnus, mais il se doutait qu’ils devaient être très mortels. La scientifique allait avoir du boulot. Il quitta la cuisine après en avoir fait le tour, sans rien trouver d’autre et alla inspecter les autres pièces. Il ne trouva rien, ni dans le salon-salle à manger ni dans ce qui semblait être un débarras ou une arrière-cuisine, peut-être. Il se dirigea finalement vers la porte que les gars de l’intervention avaient détruite et descendit les marches menant à la cave. Une forte odeur le prit à la gorge et il dû mettre ses mains devant son nez et sa bouche pour ne pas vomir. C’était un mélange de sang séché, de produits chimiques, et d’autres choses, qu’il n’arrivait pas à identifier. Il n’avait jamais vu ça. Il avait bossé pour le FBI pendant quinze ans, et pourtant, il n’avait jamais assisté à une telle atrocité. Le gars qui avait fait ça était sans conteste un grand malade, et il était content que la dernière victime s’en soit sortie vivante. De là où il se trouvait, il pouvait voir deux grandes cuves dans le fond, un grand congélateur, des tables mortuaires maculées de sang et des crochets pendus au mur. Il avança au milieu de la pièce et tourna sur lui-même, pour avoir une vision plus large. Il remarqua dans un coin de la pièce deux mannequins grandeur nature, dont l’un était habillé de vieux vêtements et l’autre complètement nu. Quelque chose dans ces objets le dérangeait. Une impression de déjà-vu. Où les avaient-ils vus ? Dans une vitrine de magasin peut-être ? Intrigué, il s’approcha davantage, de sorte à pouvoir les toucher. Lorsqu’il comprit à quoi il avait à faire, il recula subitement et son envie de vomir le reprit. Il voulut appeler Sarah, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge. Il entendit alors des pas dans l’escalier et quelqu’un prononça son nom.
— Thomas, t’es là ? Pouah, c’est quoi cette odeur ? Tu ne devineras jamais ce que j’ai trouvé là-haut, commença-t-elle.
Elle s’interrompit en le voyant tétanisé.
— Thomas ? Tu m’entends ? Ça va ? demanda-t-elle, inquiète, en s’approchant.
— Res… reste où tu es, lui demanda-t-il. N’approche pas.
— Quoi ? Mais pourqu…
Le regard que son collègue lui lança ne permettait aucune contestation. Elle s’arrêta et attendit qu’il vienne vers elle. L’odeur était vraiment puissante. C’était étonnant que personne n’ait jamais rien remarqué. Remarque, depuis la maison, on ne sentait rien. Elle aussi fut horrifiée par le spectacle qu’offrait cette pièce. Digne d’un film d’horreur. Il détourna enfin les yeux des mannequins et se rapprocha d’elle.
— Viens, lui intima-t-il. On remonte. On en parlera dehors. J’ai besoin d’air frais.
Ils remontèrent et sortir pour parler au shérif, qui attendait dehors depuis tout ce temps. Il était en grande conversation avec des journalistes.
— Les vautours sont déjà là, on dirait, murmura Sarah.
— L’odeur du sang, probablement, rétorqua son collègue. Shérif Newman, l’interrompit-il, on peut vous parler ?
— Bien sûr, dit l’intéressé en s’éloignant des journalistes. Vous avez trouvé quelque chose ?
— On peut dire ça, commença Sarah. On ne s’est pas trompé de maison. C’est bien celle de l’homme qu’on recherche. Des nouvelles des gars de la scientifique ?
— Ils arrivent, mais vu qu’on est au beau milieu de la nuit, ils mettent un peu de temps à arriver. C’est calme, généralement pour l’équipe de nuit.
— J’espère qu’ils ont prévu du café, parce qu’ils en ont pour un moment. C’est une vraie boucherie à l’intérieur. Au sens propre, continua-t-elle. C’est vous qui avez appelé les journalistes ?
— Non, les voisins. Toute cette agitation, vous imaginez bien que les gens parlent.
— Faites-les partir. On parlera à la presse lorsqu’on aura tous les éléments.
— Et vous, qu’est-ce que vous allez faire ?
— Nous, on en a fini pour ce soir. On va faire un rapport sur ce qu’on a vu et l’envoyer au QG. Quand les gars de la scientifique auront analysé les preuves, on continuera l’enquête. D’ici demain, on aura le portrait-robot et on pourra le diffuser au niveau national. Où que se cache ce fumier, on l’aura. Et vous, vous restez le temps que l’équipe arrive ?
— Oui, ils ne devraient plus tarder. La nuit, ça roule bien, en général. Reposez-vous et je vous dis à demain, à mon bureau.
— D’accord, à demain. On va essayer de fermer l’œil, mais c’est pas gagné avec ce qu’on a vu. Vient Thomas, on rentre, dit-elle à son collègue qui fixait la maison. On va débriefer ce qu’on a vu.
Elle le prit par le bras et l’entraîna vers la voiture. En démarrant, elle regarda dans le rétroviseur et vit le shérif renvoyer les journalistes. Une longue nuit en perspective les attendait.
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