La douleur qu’elle ressentit en touchant le sol manqua de la faire chavirer. Sa cheville avait salement morflé. Elle avait mal évalué la distance et en subissait maintenant les conséquences. Elle se releva péniblement, en se tenant au mur de la maison et regarda en direction de la fenêtre. Personne. Il n’était sûrement pas encore revenu à lui. Mais cela viendrait, et il valait mieux être loin à ce moment-là. Elle s’aida du mur pour avancer, comme d’une canne. Arrivée au coin, elle entreprit de continuer à le longer, jusqu’à arriver devant la maison. Elle se dirigea vers la petite palissade en titubant, là où il y avait la porte, afin de rejoindre la rue. Elle avait une démarche de zombi, avec son pied qui traînait derrière elle. Heureusement que ce n’était pas Halloween, se dit-elle. Elle la franchit avec succès et se retrouva dans la rue. Les lampadaires étaient allumés, le soir commençant à tomber. Le ciel était nuageux, mais pas menaçant. Elle continua son chemin en se tenant à la haie, avançant clopin-clopant, le plus vite qu’elle pouvait. À l’angle, elle continua sur Zimmerly Street. C’est alors qu’elle entendit dans son dos une voiture ralentir. Paniquée à l’idée que ce soit lui, elle entreprit de se mettre à courir, oubliant la douleur. Mais lorsque son pied blessé toucha le sol, elle tomba. Le conducteur s’arrêta à sa hauteur et ouvrit la vitre.
— Hé, mademoiselle ! lui demanda-t-il. Tout va bien ? Vous avez besoin d’aide ?
Lorsqu’elle tourna la tête pour le regarder, il la reconnut. C’était une des filles du journal. Une de celles qui avaient disparu. Elle était certes plus maigre et plus sale que sur la photo, mais il n’y avait aucun doute. C’était bien elle. Il ouvrit sa portière et sortit pour lui porter secours. Elle se mit à crier en le voyant approcher. Il s’arrêta, sortit son téléphone de sa poche et composa le 911.
***
Joseph se réveilla avec un gros mal de tête. Il était sur le sol de la chambre et quelque chose de poisseux lui collait au visage. En touchant avec sa main pour voir de quoi il s’agissait, il se rendit compte que c’était du sang en train de sécher. « Aïe, se dit-il. Cette garce m’a pas raté. » Tout lui revenait en mémoire à présent : la provocation, la bagarre et le coup de chaîne, qui l’avait mis chaos. Il se releva lentement, d’abord en se mettant à genoux, puis sur ses pieds. Il regarda autour de lui et remarqua que sa prisonnière avait pris la poudre d’escampette. La fenêtre était ouverte et les rideaux ondulaient légèrement. Les attaches et la clé étaient par terre, ouvertes. Il tituba jusqu’à la porte, et se rendit dans la salle de bain. La première chose à faire était de nettoyer cette vilaine plaie. Pour le reste, on jugerait plus tard. Il ouvrit la porte de la pharmacie qui se trouvait au-dessus de l’évier, et prit de quoi désinfecter la plaie. Il mit de l’eau oxygénée sur un coton et nettoya délicatement sa blessure. Il attrapa des sutures adhésives et les colla dessus, afin de la refermer. Il aurait bien été à l’hôpital, mais en tant que criminel, bientôt recherché par la police du pays, il valait mieux éviter. Bon, maintenant que c’était fait, il devait réfléchir à la suite du programme. Il ne faisait aucun doute que la police allait bientôt débarquer, cette petite peste étant sans doute déjà en train de leur expliquer ce qui lui été arrivé. Il descendit dans la cuisine, fouilla les placards à la recherche de nourriture transportable et mit quelques trucs dans un sac. Ensuite, il alla dans sa chambre, changea de t-shirt et de pantalon, et fourra quelques sous-vêtements dans son sac. Pour finir, il descendit dans son atelier, et regarda une dernière fois ses œuvres d’art. Il regarda la pendule. Cela faisait déjà dix minutes. Il devait vraiment partir maintenant ou voir le risque de se retrouver nez à nez avec les agents fédéraux qu’il faisait tout pour éviter depuis leur arrivée. Il remonta dans le hall, en prenant soin de fermer la porte à clé, mit le manteau et le chapeau qu’il avait juré de ne plus jamais mettre, et sortit. Il ouvrit la porte du garage, monta dans sa voiture, jeta le sac sur le siège arrière et démarra. Quelques minutes plus tard, il était dans la rue, et remontait Greenwood Street. Il ne prit même pas le temps d’éteindre les lumières. Lorsque les forces de l’ordre arriveraient sur les lieux, ils ne trouveraient qu’une maison vide.
***
L’ambulance arriva sur les lieux vers vingt heures. Joseph était parti depuis vingt minutes. Martina se tenait par terre, recroquevillée sur elle-même, se tenant la cheville. L’homme qui avait appelé les secours était reparti dès leur arrivée, après avoir fait une rapide déposition à l’ambulancier en chef. Il avait pris ses coordonnées et lui avait expliqué que la police l’interrogerait probablement rapidement. Le secouriste s’approcha de la jeune femme doucement, pour ne pas l’effrayer. Elle savait qu’il était ridicule d’avoir peur de ses sauveurs, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. La petite voix dans sa tête n’arrêtait pas de répéter : « imagine qu’il travaille avec lui. Il t’a déjà eu une fois, pourquoi cette fois serait différente ? » Elle tenta encore une fois de la chasser, comme elle l’avait fait dans la chambre et se concentra sur l’homme qui venait de s’agenouiller devant elle. Elle le laissa tâtonner sa cheville douloureuse.
— C’est enflé. Une belle entorse, mais je ne suis pas sûr qu’elle soit cassée. Comment vous appelez-vous ?
— Martina.
— C’est vous, n’est-ce pas, que l’on voit dans tous les journaux ? demanda-t-il, en la regardant droit dans les yeux.
— Je ne sais pas. Je n’ai pas vu de journaux depuis plusieurs jours, répondit-elle, sur ses gardes. C’est un piège, il travaille avec lui. Ne monte pas dans l’ambulance, cette fois tu ne t’en sortiras pas, reprit la petite voix de plus belle. Quel jour sommes-nous ?
— Mercredi. Savez-vous où vous êtes ?
— Sur un trottoir. Pourquoi la police n’est pas avec vous ? Parce que ce ne sont pas tes sauveurs. Ils sont de mèche.
— Ils vous verront, une fois qu’on vous aura emmené à l’hôpital. D’ailleurs, James, cria-t-il à son collègue, amène une civière. On vous emmène à l’hôpital Saint Francis, reprit-il, à son intention.
— Non, dit-elle d’une voix ferme. Je veux voir la police. Je ne partirai avec vous que si un policier est présent.
— Ok, ne vous énervez pas.
Il retourna à l’ambulance, prit la radio qui se trouvait devant et contacta la police. Le bureau du shérif répondit, et après avoir expliqué la situation, il leur envoya une patrouille. Il retourna auprès d’elle et essaya de lui tirer les vers du nez, en vain. Elle ne voulait parler qu’à une personne des forces de l’ordre.
***
À vingt heures quinze ce soir-là, le téléphone de Sarah sonna. Elle se trouvait dans sa chambre et s’apprêtait à aller dîner. Lorsqu’elle décrocha, elle fut surprise de constater que l’appel venait du bureau du Shérif.
— Agent Miller, j’écoute.
— Shérif Newman à l’appareil. Mademoiselle Clemens a été retrouvée. Elle se trouve avec des ambulanciers au croisement de Zimmerly Street et Greenwood Street.
— Et elle va bien ? demanda-t-elle, inquiète.
— Elle est blessée et amaigrie. Mais pour le reste, on peut dire qu’elle va bien.
— Pourquoi n’est-elle pas encore à l’hôpital ?
— Il semblerait qu’elle se méfie des ambulanciers. Elle veut parler aux forces de l’ordre.
— Ok. J’arrive. Le temps d’aller chercher mon coéquipier.
— Rendez-vous là-bas alors, dit-il en raccrochant.
Elle sortit de la pièce, se dirigea vers la chambre de son collègue, et frappa à la porte. N’ayant aucune réponse, elle tapa plus fort.
— Thomas ! C’est moi. Ouvre. Mademoiselle Clemens a été retrouvée.
Un léger bruit derrière la porte lui fit tendre l’oreille.
— Thomas, ouvre ! C’est urgent. On doit aller la retrouver.
Quelques secondes après, elle entendit un bruit de porte qu’on déverrouille, suivit par l’apparition de l’agent Parker, vêtu uniquement d’une serviette de bain.
— Oh, s’étonna Sarah, gênée. Je ne savais pas que tu prenais ta douche. Tu aurais pu te rhabiller tout de même, c’est indécent !
Un autre bruit dans la pièce fit comprendre à la jeune femme que son collègue n’était pas seul.
— Oh, s’offusqua-t-elle, cette fois. Je vois. C’est comme ça que monsieur fait son travail ?
— Sarah, je…
— Rhabille-toi ! lui intima-t-elle, en se couvrant les yeux. On a du travail. Je t’attends dans la voiture dans cinq minutes !
Thomas descendit tranquillement l’escalier qui menait de l’étage au parking, une veste sur son épaule, et se dirigea vers la voiture de service.
— Sarah, j’étais plus en service, se justifia-t-il, en ouvrant la portière.
— Désolée de m’être énervée, s’excusa-t-elle. Ta vie privée ne me regarde pas. Tu aurais pu être juste un peu plus discret.
— Compris, lui répondit-il avec un sourire. Alors, comme ça, on l’a retrouvé ?
— Oui, le shérif a appelé. Il semblerait qu’elle se soit échappée. Elle s’est blessée en tombant d’une belle hauteur, mais ne veut pas partir avec les ambulanciers avant de nous avoir vus.
— Parano, la p’tite ! dit-il avec un petit sourire.
— Tu ne sais pas ce qu’elle a vécu, lui reprocha-t-elle. À sa place, tu serais peut-être pareil !
— Allez, roule. J’ai hâte de savoir ce qu’elle va nous dire. On va peut-être enfin l’avoir notre portrait-robot !
Elle démarra la voiture et quitta le parking. Neuf minutes plus tard, elle garait sa voiture derrière l’ambulance. La patrouille qu’avait envoyée le shérif était déjà là et prenait la déposition de la jeune femme. Assise sur le sol, une couverture sur les épaules, elle répondait docilement aux questions que lui posaient les policiers. L’agent Miller se dirigea directement vers elle, sans un regard pour le shérif, qui la contempla d’un air interrogatif. Elle fit signe à son collègue de s’en charger.
— Mademoiselle Clemens, commença-t-elle, pour se présenter. Je suis l’agent Miller et là-bas se trouve mon coéquipier, l’agent Parker. Je peux vous parler une seconde ?
Le policier qui était avec elle se releva, la salua d’un mouvement de tête et retourna auprès de ses collègues.
— Il vous a fait du mal ? lui demanda-t-elle doucement, en s’agenouillant devant elle.
La jeune femme la regarda et secoua négativement la tête.
— Jusqu’à tout à l’heure, il était plutôt gentil. Mais il s’est mis en colère et c’est comme ça que j’ai pu m’enfuir.
— D’accord. Mais avant de me raconter, vous ne préférez pas aller faire soigner votre cheville à l’hôpital ?
— Si, mais seulement si vous m’accompagnez. Ça fait vraiment très mal, dit-elle avec une grimace.
Elle l’aida à se mettre debout et fit signe aux ambulanciers que c’était bon. Ils amenèrent un brancard et la conduisirent dans le véhicule. Sarah alla expliquer la situation au shérif et à son collègue, leur demandant de la rejoindre là-bas. Ils hochèrent la tête et elle alla rejoindre la blessée dans l’ambulance. Huit minutes plus tard, elle les déposait devant le service des urgences.
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