En sortant de l’hôpital, elle envoya un message à son coéquipier afin qu’il la retrouve au restaurant mexicain qui se trouvait près de leur hôtel. Elle appela ensuite un taxi, afin de la conduire sur le lieu de rendez-vous. En attendant, elle décida de contacter sa mère, afin d’en savoir un peu plus sur son adoption. Elle décrocha au bout de trois sonneries.
— Bonjour, ma chérie. Ça me fait plaisir d’avoir de tes nouvelles. Comment vas-tu ? Ton enquête avance bien ?
— Non, elle mouline, répondit-elle sèchement. À ce propos, j’aurais des questions à te poser.
— Ah, et à quel sujet ? demanda-t-elle, visiblement inquiète.
— Sur le sujet que tu évites soigneusement depuis des années, commença-t-elle, mon adoption.
— Tu m’en vois désolée, mais là je suis un peu occupée. Charlène doit venir et je n’ai pas trop le temps de te parler, dit-elle nerveusement.
— Non, maman. Je sais que tu mens. Tu vas me répondre maintenant.
— Bon, qu’est-ce que tu veux savoir ?
— Mes parents. Sont-ils toujours en vie ?
Un long silence se fit, puis, au bout de quelques secondes de réflexion, elle répondit :
— Non. Ils sont morts. Tous les deux. Accident de la route, je crois.
— Maman, pour l’amour de Dieu, arrête de me mentir !
Elle criait presque maintenant. À la vue des regards interrogateurs que lui jetaient les passants, elle baissa d’un ton et continua :
— Je sais qu’ils ne sont pas morts dans un accident.
— Ah, et comment tu le sais ? Tu ne me fais plus confiance ?
— Je sors d’une séance d’hypnose, maman. Et je sais que ma mère biologique était malade, ou du moins, elle en avait l’air.
— Eh bien, puisque tu insistes, je vais te dire ce que je sais.
— Merci, maman, répondit-elle en s’asseyant sur un banc, le temps d’attendre le taxi.
Elle commença alors à lui raconter les circonstances de son adoption. Ses parents adoptifs ne pouvaient pas avoir d’enfant. Ils avaient essayé pendant plusieurs années, mais cela n’avait jamais abouti. Ils s’étaient donc inscrits au programme fédéral « Foster Care » pour devenir famille d’accueil. À défaut d’avoir un enfant biologique, ils pourraient en élever un qui aurait réellement besoin d’eux. Comme les enfants de ce programme étaient généralement plus âgés, ils avaient été étonnés qu’on les appelle pour accueillir une enfant d’à peine deux ans. Elle venait d’arriver dans le programme, à la suite de la mort de sa mère. Un cancer, se souvenait-elle. Comme le placement se passait bien, ils avaient fait une demande d’adoption fermée au bout de deux ans, et l’avaient obtenu quelques mois après. Ils n’avaient jamais posé de questions sur ses parents biologiques. De toute façon, le principe de cette adoption était que ni les parents biologiques ni l’enfant adopté ne pouvaient entrer en contact. Elle hésita une seconde avant de lui révéler qu’elle avait un frère. La dame de l’agence lui avait dit, mais elle ne savait pas où il était, et elle n’avait pas cherché plus loin. Cette nouvelle lui fit l’effet d’une gifle. Elle pensait être fille unique et voilà que la personne en qui elle avait le plus confiance lui révélait le contraire. Elle se leva, le besoin de faire les cent pas se faisant sentir, et après une dernière parole blessante, raccrocha. Son taxi venait d’arriver, et c’est passablement énervée qu’elle monta à l’intérieur.
Arrivée au restaurant, elle retrouva Thomas, assis en train de l’attendre. Son teint rougi par la colère le surprit. Elle n’était pas du genre à s’énerver. Il avait dû se passer quelque chose de grave. C’est pour cette raison qu’il prit des pincettes avant d’ajouter :
— Hé, Sarah ! Comment vas-tu ? Ça s’est bien passé ton rendez-vous ?
— À merveille, répondit-elle ironiquement avant de s’asseoir. J’ai appris que ma mère était une menteuse !
— Ah ! dit-il, gêné. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— Ce serait trop long à t’expliquer. En gros, j’ai appris que mes parents étaient morts et que j’avais un frère !
— Ah ! fit-il de nouveau. Désolé. Si je peux faire quoi que ce soit.
— J’aimerais le retrouver.
— Qui ça ?
— Mon frère ! Peut-être que lui aussi me cherche. Qui sait ?
— Et tu comptes faire quoi ? C’est pas comme si on n’avait pas de tueur à trouver. Je sais que ça fait plus de quarante-huit heures, mais la dernière victime est peut-être toujours vivante. Et elle a peut-être encore de l’espoir.
— Oui, tu as raison. Comme d’habitude, dit-elle en lui souriant. Je ferais des recherches pendant mes heures de repos. C’est pas comme si c’était pressé. Je peux bien attendre encore un peu. Et toi, alors, tu as avancé ? La photo a donné quelque chose ?
— Non. Enfin, si, peut-être. Une fleuriste près du parc dit avoir vu un homme qui lui ressemblait la veille de la tornade. Même accoutrement. À un moment donné, le vent s’est levé et son chapeau s’est envolé. Elle s’en souvient parce que ça l’a fait rire de le voir courir après dans tout le parc.
— Donc, elle l’a vu sans son chapeau. Il avait un signe particulier ?
— De là où elle était, elle ne distinguait pas grand-chose, mais il lui a semblé qu’il souffrait de calvitie. Et qu’il avait une cinquantaine d’années.
— Tu parles d’un scoop. Combien d’hommes de cet âge dans cette ville ont un début de calvitie ? On n’est pas en train de jouer à Qui est-ce, là. La couleur de cheveux peut-être ?
— Brun. Et elle a dit qu’il était de taille moyenne, pour un homme.
— C’est quand même assez maigre. Et le bureau qui nous harcèle pour avoir des résultats. Quatre jours qu’on est là, et rien, nada. Ah si, ironisa-t-elle. On sait que c’est un homme, qu’il est brun et chauve. Ça pourrait être la moitié des hommes de cette ville ! Pas d’autres témoins ? demanda-t-elle, pleine d’espoir.
— Non. Il semblerait qu’il soit suffisamment discret pour ne pas se faire remarquer.
— On peut donc mettre de côté les délinquants notoires. Il ne s’est probablement jamais fait arrêter, paye ses impôts et ses factures, en temps et en heure…
— Il ne doit pas beaucoup sortir non plus, dit-il, en réfléchissant. Il suffirait qu’on fasse passer cette info dans la presse, avec une récompense à la clé, pour que les gens dénoncent leurs voisins. L’homme est tellement cupide.
— Le pire, c’est que ça pourrait marcher. Contacte le journal. On va leur donner un profil : homme blanc, cheveux bruns, de taille moyenne, la cinquantaine, calvitie, de nature discrète, sans histoire. Ça devrait délier les langues.
Le téléphone de Sarah sonna pendant qu’ils discutaient. C’était sa mère. Pendant leur conversation, Sarah avait raccroché si vite qu’elle n’avait pas eu le temps de lui donner le nom de son frère. Il s’appelait Éric Delmarle et devait être âgé d’une quinzaine d’années quand elle avait été recueillie. Sarah remercia vivement sa mère et raccrocha, en se disant qu’elle allait contacter le bureau pour qu’il fasse des recherches. Avec un peu de chance, il serait connu des services de police.
— Ça va ? lui demanda-t-il lorsqu’elle eut raccroché.
— Très bien. Je te laisse contacter le journal, j’ai un coup de fil urgent à passer.
Sur ce, elle quitta le restaurant sans finir de déjeuner, laissant son coéquipier payer la note.
***
Ce matin-là, Joseph s’était réveillé avec une terrible migraine. Il avait traîné au lit et ne s’était levé que sur les coups de dix heures, lorsqu’il avait entendu son invité faire du bruit dans sa chambre. « Ah, elle essaie encore de s’échapper », se dit-il. Elle mettait tellement de cœur à l’ouvrage qu’il ne tentait même pas de l’en dissuader. Il savait qu’elle n’y arriverait pas, de toute façon, car même s’il la nourrissait depuis qu’elle était enfermée là-haut, elle n’avait guère plus beaucoup de force. « Elle n’arriverait même pas à ouvrir un pot de cornichons », se dit-il, amusé. Il s’habilla, fit rapidement sa toilette, se jeta de l’eau sur le visage et passa sa main mouillée sur ce qu’il restait de ses cheveux. Après un bref coup d’œil dans le miroir de la salle de bain, il descendit préparer le petit déjeuner de sa prisonnière, en se disant que si tout se passait bien ce jour-là, ce serait la dernière fois qu’il aurait à le faire.
Comme à son habitude, il donna trois coups à la porte, l’ouvrit et déposa le petit déjeuner à bonne distance. Puis, il se retira, descendit les escaliers et alla chercher son journal. Comme tous les matins, il l’attendait bien sagement au pied de sa porte d’entrée. Il le prit, referma la porte en jetant un œil aux alentours pour s’assurer qu’il n’y avait rien de suspect, et alla s’asseoir dans la cuisine, afin de le feuilleter pendant qu’il prenait son café. Il fut assez surpris de voir sa photo en première page. Le titre indiquait : « Le monstre de Wichita. Avez-vous vu cet homme ? ». Certes, on ne voyait pas son visage, mais lui savait. Il était tellement excité lors de sa chasse, cette nuit-là, qu’il n’avait pas fait attention à la caméra du parking. Heureusement pour lui, il marchait en baissant la tête. N’empêche, quelqu’un pouvait très bien reconnaître son manteau noir et son chapeau. Il devait faire en sorte de ne plus sortir avec. Au-dessous, imprimées dans quatre médaillons, se trouvaient les photos des filles. Ces deux empêcheurs de tourner en rond commençaient à le fatiguer sérieusement. Il allait devoir les surveiller de près. Il était marqué dans le journal que si on savait quelque chose à propos de ce type, il fallait composer un numéro qui se trouvait en bas de l’article. Il espérait cependant qu’aucun de ses voisins ne ferait le rapprochement. Après tout, peu l’avaient vu dans cette tenue. Rassuré, il redescendit à la cave, afin de vérifier l’état de la peau. Il mit ses gants en caoutchouc jaunes qui montaient jusqu’aux coudes, et les trempa dans la cuve. Il était très satisfait. Encore une journée de trempage pour être sûr, et ce serait bon. Il jeta ensuite un œil à la deuxième cuve, celle contenant de l’acide. Dans l’espèce de bouillie noirâtre, on pouvait encore voir de la chair accrochée aux os. Il devrait attendre encore un peu avant d’aller s’en débarrasser, plus convenablement cette fois.
Il retourna à la table froide, où l’attendait toujours l’Anglaise. Il devait la peindre, comme il l’avait fait avec l’autre. Mais avant cela, il devait la remettre debout. Suivant la même technique qu’avec sa précédente victime, il finit par réussir, non sans mal. Il alla ensuite chercher le pistolet à peinture et précautionneusement, commença à lui redonner un semblant de couleur.
***
À peine sortie du restaurant, Sarah prit son téléphone et appela l’un de ses collègues, restés au bureau. Il était spécialisé dans la surveillance, mais elle ne doutait pas qu’il trouverait toutes les informations concernant son frère. Lorsqu’il décrocha, elle lui expliqua rapidement la situation et lui donna tous les renseignements qu’elle avait en sa possession. Il lui promit de faire vite, dès qu’il serait en pause. Elle le remercia et raccrocha.
***
Il mit son deuxième modèle à côté du premier afin de le faire sécher. Il retourna au grenier pour aller chercher de la mousse polyuréthane, élément indispensable à la fabrication du squelette, et les deux parties du moule en silicone grandeur nature qui représentaient l’avant et l’arrière du mannequin. Il les avait réalisés à l’aide de la baignoire, lorsque la fille était encore congelée. Cela n’avait pas été facile et il avait dû recommencer l’opération deux fois. Il avait rempli la baignoire aux trois quarts avec du silicone liquide et avait plongé la fille dedans, de face. Il lui avait fallu tirer fort pour la sortir ensuite de là, sans abîmer son empreinte. Une fois cette étape réalisée, il avait enlevé le moule, puis avait recommencé l’opération en plongeant cette fois la fille de dos.
Les deux premières victimes étant de taille similaire, il avait pu utiliser le moule de la première pour sculpter le squelette de la seconde. Mais celle-ci étant plus petite, le moule en silicone qu’il avait réalisé à partir du mannequin de vitrine pour les deux premières filles était donc trop grand. Au vu de l’encombrement des deux parties du moule, il se dit qu’il serait aussi simple de couler la mousse directement dans le grenier. Il posa donc le premier moule par terre et entreprit de le remplir. Ceci fait, il posa le deuxième tout près du premier et le remplit à son tour. Enfin, il posa non sans mal les deux parties du moule l’une sur l’autre. Il ne lui restait plus qu’à attendre quelques heures, que la mousse sèche, avant de pouvoir le démouler.
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