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tome 1, Chapitre 7 tome 1, Chapitre 7

Lorsqu’il avait sorti son chien, ce matin-là, à Henry Park, après le passage de la tornade, rien ne laissait présager de la découverte qu’allait faire Oliver. Le vent avait fait des dégâts. On pouvait encore voir la traînée que la tornade avait laissée dans son sillage. Des arbres et des branches arrachés se trouvaient çà et là, des détritus jonchaient le sol, les tables de pique-nique avaient été renversées et l’aire de jeu n’avait plus « d’aire de jeu » que le nom. La structure en bois avait été prise dans le tourbillon et recrachait quelques mètres plus loin, en un tas de débris. À son ancien emplacement, se trouvait désormais un vide. Des banderoles avaient été disposées tout autour du parc, pour empêcher les gens d’approcher. Le nettoyage allait prendre du temps, mais il avait déjà commencé. Des agents municipaux, aidés de quelques bulldozers, étaient en train de déblayer la zone, afin de rendre le plus rapidement possible le parc aux habitants. Oliver se disait que ça aurait pu être pire, que le quartier entier aurait pu subir ces mêmes destructions, mais sans savoir pourquoi, la tornade n’avait touché qu’une petite partie de Linwood. Les habitations qui se trouvaient sur sa trajectoire avaient vu leurs toits soufflés et leurs abris de jardin renversés.

Oliver se disait à chaque fois que c’était la dernière, que vivre dans « l’allée des tornades » était devenu insupportable et qu’il allait déménager. Mais il ne l’avait jamais fait. Manque d’argent ou de volonté, il n’aurait su le dire. Et comme à chaque fois, il allait continuer son chemin, en longeant le parc puisqu’il lui était interdit d’y entrer.

Son chien commença à s’agiter. Il tirait sur la laisse, aboyait, pour que son maître le suive. Cela le sortit de sa contemplation. Il tourna la tête vers lui et vit que son compagnon regardait vers le parc, l’air tout excité.

— Désolé, Hubert. Aujourd’hui, le parc est fermé. Les écureuils devront attendre sa réouverture.

Son chien le regarda avec obstination et tira de plus belle sur sa laisse.

— Ça suffit, Hubert ! Au pied ! Méchant chien ! Mais qu’est-ce que tu as à la fin ?

N’y tenant plus, Hubert tira une dernière fois sur sa laisse et la cassa. Il partit comme un dératé en direction du parc, passa sous les banderoles, et courut jusqu’à un arbre déraciné. Là, il baissa la tête et se mit à renifler le sol. Puis, lorsqu’il trouva l’endroit adéquat, il commença à creuser frénétiquement.

Son maître le regardait faire, complètement ahuri. Jamais il n’avait vu son chien agir de la sorte. D’un coup, il s’arrêta, mit sa tête dans le trou qu’il venait de creuser et en sortit un long bâton couvert de terre. Il revint vers son maître en courant, son trésor dans la gueule, et tout fier de sa trouvaille, le déposa à ses pieds.

— Eh bien, mon grand ? Tout ça pour ça ? Tu voulais juste jouer en fait. Moi qui pensais que tu pourchassais un écureuil.

Il ramassa l’objet, l’épousseta quelque peu, puis le jeta brusquement, comme s’il venait de le brûler. Il s’essuya les mains sur sa veste frénétiquement, regarda son chien ramasser fièrement ce qu’il venait de jeter, retint un haut-le-cœur et se mit à hurler.

***

La police scientifique s’affairait autour du trou creusé par le chien. Oliver avait appelé le bureau du shérif du comté de Sedgwick, après la macabre découverte qu’il avait faite. Des agents avaient été dépêchés sur place, et devant la gravité de la situation, on avait demandé à la police scientifique du KBI d’intervenir. Les badauds étaient réunis autour du cordon de sécurité, chacun y allant de son commentaire. Ils regardaient les hommes en chasuble blanche sortirent des ossements du trou, avant de les mettre dans un sac mortuaire. D’autres, autour d’eux, prenaient différents échantillons, et les mettaient dans des petits sachets, pour qu’ils soient analysés en laboratoire. Ce manège dura deux heures, brièvement interrompu par une équipe de télévision locale qui courait après le scoop, puis ils rangèrent leur matériel, et quittèrent les lieux. Les curieux rentrèrent chez eux, et Oliver et Hubert continuèrent leur promenade. Nul doute que le maire ferait bientôt un communiqué de presse. Il était donc inutile de chercher des informations par soi-même. Il se demandait tout de même qui avait bien pu être enterré là, et si le meurtrier était toujours dans les parages. Dorénavant, il choisirait un autre endroit pour ses promenades régulières.

***

Sur les coups de dix-sept heures, le téléphone de Sarah sonna. C’était un appel du bureau. Leur supérieur voulait leur faire savoir que des ossements avaient été trouvés dans le parc qui se situait dans leur secteur. Le bureau du shérif était chargé de l’enquête et avait fait appel à la police scientifique. Même si rien ne prouvait, à l’heure actuelle, que ces deux affaires étaient liées, le fait qu’elles se situent dans le même secteur rendait la coïncidence suspecte. Et comme cette affaire était soudainement devenue publique, il était plus délicat d’agir discrètement. Si le lien entre les disparitions et les ossements était avéré, la panique ne tarderait pas à s’emparer des étudiants. Les échantillons et les ossements étant déjà partis pour le laboratoire de science médico-légale de Great Bend, il leur demandait d’aller sur place, afin de savoir si ces deux affaires étaient bien liées.

Le laboratoire se trouvant à presque deux heures de route, il était de toute façon trop tard pour y aller ce soir-là. Ils se remirent donc à examiner la vidéo et leur attention fut captée par quelque chose.

***

Dans son atelier, Joseph pouvait enfin contempler son chef-d’œuvre. Cela lui avait pris plus de temps que prévu, tout l’après-midi en fait, mais ça y était, elle était presque prête à être exposée. Il se sentait comme le docteur Frankenstein, lorsqu’il avait réussi à donner vie à sa créature. Il avait installé une longue tige métallique dans chaque pied, afin de pouvoir la faire tenir sur un socle. Le mannequin ainsi fabriqué, plus léger que la vraie personne, tiendrait debout sans problème. Il alla chercher le socle en question et le posa près de la table. Pour bien faire, il aurait fallu être deux, mais il se voyait mal demander à quelqu’un de l’aider. Il devrait donc se débrouiller seul. Il fit glisser le corps au bout de la table et commença à le basculer, de façon à ce que ses pieds pointent vers le sol. Puis, doucement, le fit glisser en entier, de sorte que les tiges s’enfoncent naturellement dans les trous prévus à cet effet. Il l’avait fait, elle était debout. Il alla chercher le pistolet à peinture qui se trouvait sur le chariot, monta sur un escabeau et commença à recolorer son corps. Il termina sur les coups de dix-huit heures. Il recula et tourna autour, afin de l’examiner sous toutes les coutures. Parfaite. Elle était parfaite. Une fois habillée, elle irait rejoindre sa nouvelle demeure et serait la première d’une longue série. Qui avait dit qu’il n’y aurait jamais de femmes dans sa vie ?

Il la plaça à l’écart pour la laisser sécher puis se dirigea vers la table réfrigérée où l’attendait ce qui restait de sa seconde victime. Il avait sorti la peau du bain de tannage la veille, l’avait rincé et fait sécher, et était prêt à s’en servir. Le nouveau mannequin qui devait l’accueillir était prêt également. Il l’avait réalisé à la suite du premier afin de ne pas perdre de temps.

***

Le laboratoire comptait une cinquantaine d’employés et était composé de différentes sections : chimie, analyse du motif des taches de sang et biologie. Chaque section disposait de son espace de travail et de son équipe.

Les échantillons et la housse mortuaire qui contenait les os étaient arrivés au laboratoire dans l’après-midi. Ils avaient été remis à la section biologie, où une équipe composée d’un anthropologue judiciaire et d’un entomologiste avait pris le relais, dans le but de mettre un nom sur les victimes et comprendre comment elles en étaient arrivées là.

Plusieurs paillasses de laboratoire se trouvaient dans la pièce. Toutes étaient munies d’un évier, d’un microscope, de fournitures de bureau et d’un ordinateur. Dans un coin de la pièce, une centrifugeuse terminait de rendre cet espace fonctionnel. L’anthropologue judiciaire, le docteur David Enrickson et l’entomologiste, le docteur Andrew Hamilton travaillaient ensemble depuis de nombreuses années et avaient résolu beaucoup d’affaires. Le premier était un homme d’une quarantaine d’années, aux cheveux bruns, coupés courts. Ses yeux, d’un vert profond, et sa petite barbe naissante, ne laissaient aucune femme indifférente. Sa carrure de footballeur et sa haute stature, avaient tendance à intimider les autres hommes, à tel point que ces derniers ne voulaient plus travailler avec lui. Mais ce n’était pas le cas de son collègue. Petit maigrichon à lunettes, il était son exact opposé. Mais il admirait son travail et c’était un honneur pour lui de travailler avec cet homme.

— Andrew, peux-tu aller me chercher une table d’autopsie, s’il te plaît ? Il est temps de voir à quoi nous avons affaire.

— Bien sûr, dit son collègue en quittant la pièce, avant de revenir quelques minutes plus tard.

— Merci, Andrew. Tiens, dit-il en lui tendant un sac. C’est les échantillons de terre que les collègues de Wichita ont ramassés, autour de la zone où étaient les ossements.

— Merci, je m’y mets tout de suite.

Le docteur Hamilton se rendit à sa paillasse pour commencer les analyses. Le docteur Enrickson, quant à lui, déposa le sac mortuaire sur la table et l’ouvrit. Il entreprit d’en vider soigneusement le contenu et le posa par terre. Il sortit son dictaphone de la poche de sa blouse, et le mit en marche.

— Alors, qu’avons-nous là ? Hum, des ossements, mais pas de squelette entier à première vue. C’est fâcheux. Tiens, se dit-il alors qu’il essayait de recomposer le squelette avec le peu d’os disponible. Trois fémurs ! Il semblerait que nous ayons affaire ici à deux victimes et non à une, comme le laissait supposer le rapport. Mais où sont passés les autres ?

Il ramassa l’un des os qui se trouvaient sur la table et se dirigea vers le microscope, où il le déposa. Après l’avoir attentivement analysé, il laissa échapper un juron.


Texte publié par Amélie B, 20 février 2023 à 18h43
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