Une feuille de papier violette dans les mains, Isidore sortit sur le perron de la petite maison qu’il partageait avec son père et soupira. Il s’assit sur les marches en bois et commença à plier le feuillet. L’air était doux ; une petite brise légère et parfumée soufflait sur les jardins fleuris, secouait les branches des arbres qui protégeaient de leur ombre les maisons du village et soulevait la poussière du chemin qui passait devant son jardin. Sa maison se trouvait juste à la limite du village. Sur sa gauche, il ne voyait plus que le moutonnement de collines et une large forêt à l’horizon.
Lorsqu’il eut fini son pliage, il admira l’origami : c’était une hirondelle, au bec fin et aux ailes déployées comme si elle allait s’envoler. Une vague de nostalgie créa un nœud dans sa gorge : la ville dans laquelle ils habitaient auparavant lui manquait. Il avait l’habitude des grands immeubles de pierre, des églises et des hauts bâtiments de l’hôtel de ville et de l’Université. Certes la cité était recouverte à tout heure du jour et de la nuit d’une épaisse fumée noirâtre, crachée par les usines qui avaient envahi l’un des quartiers de la ville. Elle enfermait les habitants dans une éternelle lumière grise et rendait l’air âpre et lourd. Mais cela ne le dérangeait pas tant il aimait courir dans les petites ruelles.
Isidore regarda l’immense ciel d’un bleu pur, parcouru par de petits nuages nonchalants, le panorama bucolique et verdoyant et eut un petit sourire, en caressant son origami du bout des doigts. Pour être honnête, ce n’était pas tant la ville dont il était nostalgique mais la petite mission qu’il s’était octroyé une fois par an : il était le guide des hirondelles et, aux commandes de son petit zeppelin personnel, il les guidait à travers la purée de poix pour qu’elles puissent commencer leur migration annuelle. Il soupira une nouvelle fois : qu’est-ce que cela lui manquait de piloter le petit engin et virevolter en compagnie de centaines d’oiseaux qui dépendaient de lui !
Mais la santé de son père s’était dégradé, à cause de la l’air corrompu, et ils avaient dû s’installer à Sombremur, le village où il avait grandi, à plusieurs centaines de kilomètres de la cité. Il avait pu une dernière fois accompagner ses amis de l’autre côté du mur de brume, puis il leur avait dit adieu.
Soudain un criaillement le fit sortir brutalement de ses souvenirs : il se leva et aperçut un étrange hibou voler de manière désordonnée au-dessus de sa tête, en direction de la campagne. Alors qu’il l’observait, il entendit le bruit d’une bicyclette qui roulait à vive allure et une voix féminine grommeler : il se tourna juste à temps pour voir passer à tout vitesse une jeune fille qui pédalait comme une furie, à la poursuite de l’oiseau semblait-il. Elle disparut dans un virage du chemin. Il apercevait encore le hibou, tâche abricot dans le ciel, qui se dirigeait vers un bosquet de cerisiers en fleurs.
Isidore plaça son hirondelle violette devant ses yeux et sourit.
- Finalement, cela devrait être plus intéressant que je ne le pensais, murmura-t-il à son origami, qui ne put qu’être d’accord.
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