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tome 1, Chapitre 8 « Brumes » tome 1, Chapitre 8

Mök ???

Était-ce le jour ? Il n'en savait rien. Depuis combien de temps étaient-ils ici ? Ça non plus, il n'en avait aucune idée. Cela faisait si longtemps... ou peut-être pas. Dans l'obscurité du chariot, il était difficile de mesurer le temps.

Il jeta un coup d'œil à sa sœur, recroquevillée dans le noir. Il ne pouvait pas la voir, mais ses yeux étaient plongés dans la pénombre depuis si longtemps qu'ils s'étaient accoutumés aux ténèbres ambiantes.

De toute façon, il n'avait pas besoin de ça pour savoir où elle se trouvait.

Ramassée sur son flanc, il distinguait à peine sa silhouette squelettique dissimulée sous ses guenilles, son visage pâle et émacié se fondant dans l'ombre de son épaisse masse de boucles sales et emmêlées.

Il aurait voulu pester contre ces menottes qui lui enserraient chevilles et poignets et qui l'empêchaient de passer une main réconfortante dans cette chevelure crépue et – anciennement – brune. Mais même ça, il n'en avait pas la force.

Elle redressa brusquement le menton, comme si elle avait lu dans ses pensées. Ça ne l'aurait pas étonné, d'ailleurs : depuis son plus jeune âge, elle avait toujours paru connaître le fond de sa réflexion, avait toujours su deviner la teneur de ses émotions, de la plus évidente à la moindre minuscule saute d'humeur, si insignifiante qu'il les oubliait dans les grains de sables qui suivaient. Un ancien d'un autre clan lui avait un jour raconté qu'il existait dans certaines fratries une compréhension outrepassant le niveau d'empathie classique, une connexion mentale d'un esprit à l'autre... de la télépathie.

Peut-être sa sœur était-elle dotée de cette faculté. On ne pouvait pas en dire autant pour lui. Oh, il n'était pas dénué de tout pouvoir, au contraire... Il avait lui hérité d'un tout autre talent, bien plus aléatoire, bien plus dangereux... un monstre. C'était ce qu'il était. Et ce qu'il devait cacher. À tout prix.

— Tes yeux... murmura sa sœur, si faiblement qu'il manqua de ne pas l'entendre.

— Quoi ?...

Sa propre voix lui semblait étrangère, rendue rocailleuse par ce long silence dans lequel il s'était engoncé depuis leur capture.

— Ils brillent... reprit-elle dans un souffle émerveillé.

Il écarquilla les paupières, dans un regain d'énergie qu'avait causé les paroles de sa moitié. Chez lui, ce phénomène ne produisait aucun émerveillement. À l'inverse, c'est une terreur sans nom qui pris le pas sur ses émotions, en dépit de ses exhortations intérieures au calme.

Qui sait ce qui pouvait arriver s’il perdait le contrôle !

Malheureusement pour lui, ces remarques ne l'aidaient en rien. Plus qu'autre chose, elles accentuaient son trouble, ses craintes.

Peu à peu, le décor, les autres prisonniers, sa sœur ; tout devenait plus clair autour de lui, nimbé d'une douce lumière émeraude. Lumière que ses iris produisaient. Lumière toujours annonciatrice d'un déferlement.

La panique enfla en lui à une vitesse faramineuse, l'empêchant de bouger – quoique ses chaînes s'occupaient déjà très bien de cette responsabilité – de parler, de respirer.

Et soudain, tout pris feu.


Texte publié par lacossarde, 20 août 2022 à 17h21
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