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Le vent fouettait mon visage, s’engouffrait dans mes vêtements, jouait dans mes cheveux.

Je rangeai dans l’une des sacoches accrochées au flan de Fafnir le casque que je venais d’enlever, avant d’ouvrir grand mes bras pour mieux savourer la sensation grisante de liberté que m’offrait les hauteurs.

De joie, je poussai un puissant hululement d’allégresse.

– Liam… Ce casque est censé fournir une protection à ton crâne, pas à tes couvertures, me réprimanda mon frère d’écailles, un accent de résignation ressortant au travers de ses pensées.

Je souris.

– Allez Faf’, tu sais bien que je fais attention ! Tu es un dragon en plus, tu peux quand même comprendre mon besoin de liberté, non ?

– Justement Liam, je suis un dragon : je suis né pour voler. Mon corps est adapté à cet exercice, pas le tien.

Finalement, je cédai :

– C’est bon, t’as gagné : je le remets…

– Merci.

Brusquement, une ombre fusa au-dessus de nous : une immense dragonne indigo clair venait de nous doubler, ses ailes gigantesques la propulsant toujours plus loin à chaque battement :

Reyja.

Et si Reyja était là, cela ne pouvait signifier qu’une chose… :

– Salut traînard ! Prêt à essuyer une défaite retentissante ? me lança la jeune fille du haut de son perchoir.

Moi, perdre ? Ne rêve pas trop, Hana !

Je baissai les paupières.

Une pression. Un frémissement. Un bruissement. Et lorsque je rouvris les yeux, ce fut par ceux de Fafnir que j’observai le monde.

Suite à une impulsion que je lui prodiguai, il accéléra, distançant la dragonne et sa cavalière sans trop de peine.

Pendant plusieurs poignées de sables, nous enchaînâmes les cascades, tantôt virevoltant au gré du vent, tantôt plongeant jusqu’aux ras des branches avant de redresser tranquillement, laissant le lien se dissiper. À plusieurs reprises, je me permis le luxe de regarder derrière, savourant les points sombres représentant nos concurrents.

Hélas, ces brefs instants de relâchement, ces courts répits ne pouvaient durer plus longtemps que quelques grains car, si effectivement la majorité de nos adversaires se trouvaient loin derrière nous, on ne pouvait pas en dire autant de Reyja et de Hana, qui nous talonnaient de près.

Trop près.

Soudain, un éclat vif attira mon regard : le calice rituel était exposé sur le rocher d’une cascade, scintillant aux rayonnements du soleil.

– Faf’ ! Là-bas !

– J’ai vu.

– Allez !

Mon frère d’écailles resserra ses ailes autour de lui et piqua pour effectuer un vol en rase-motte, tourbillonnant sur lui-même pour opposer le moins de résistance possible. Un autre que moi aurait sans doute craqué et régurgité son petit déjeuner, mais Fafnir et moi avions expérimenté cette figure tant de fois dans notre enfance que j’étais presque immunisé contre cette acrobatie pour le moins impétueuse.

Je dis bien presque. Car malgré les cycles d’entraînement, mon estomac se soulevait dangereusement à chaque fois que mon crâne se retrouvait à l’envers. Heureusement, il retrouva rapidement sa position initiale et je pus enfin respirer.

À quelques battements d’ailes du calice, je me penchai, agrippai la poignée droite de ma selle de ma main gauche, appuyant mon pied sur le flanc écailleux du dragon et me décalai dans une position fiable quoique qu’exigeant une certaine concentration.

Je tendis mon bras pour attraper la coupe rutilante, quand soudain, je le vis.

Le sang, la douleur. Je hurle, j’ai mal !

Déséquilibré, je lâchai prise et tombai.

– Liam !

Le dragon béryl, perturbé par les vagues de peur que j’émanai, eu un temps d’arrêt avant de se rendre compte de ma chute. Aussitôt remis, il fonça vers moi pour me saisir entre ses griffes, avant de me remonter sur son dos :

– Liam ! Liam, ça va ? Qu’est-ce qui s’est passé ?

– Faf’… il était là, il était là, je l’ai vu !

S’il avait été en colère contre moi, celle-ci fondit comme neige au soleil face à la terreur que j’exhalai.

Il se concentra un instant, sondant les environs.

– Liam… il n’y a personne. Aucune présence hostile n’a franchi le périmètre autour de la ville.

La confiance dans sa voix me rassura, mais la peur, plus présente que jamais, ne partit pas :

– Et… et le calice ? demandai-je d’une voix encore tremblante.

– Hana et Reyja ont dû le récupérer, maintenant. Rentrons.

J’acquiesçai, frissonnant.

*

Lorsque je descendis du dos de Fafnir, Hana nous attendait, triomphante :

– Alors, perdant ? Ça a quel gout, la défaite ?

À cet instant précis, mon esprit était encombré par des préoccupations bien moins futiles que la défaite que nous venions d’essuyer. Défaite qui, en temps normal, m’aurait pourtant exaspérée au plus haut point.

En ce moment, pourtant, ce n’était qu’une bagatelle parmi tant d’autres, refoulée aux confins de mon cerveau tout comme mon incartade de la matinée.

Pourquoi m’était-il apparu ?

Je ne pris donc pas la peine de répondre à ma rivale et, ignorant sa provocation, la dépassai sans mot dire, mon paquetage sur l’épaule :

– Pars devant Faf’, je te rejoindrai plus tard.

– Tu es sûr ?

– Vas-y. J’ai besoin d’être seul un moment.

– …

– S’il te plaît.

Le dragon et la jeune fille me regardèrent m’en aller, interloqués.


Texte publié par lacossarde, 20 août 2022 à 11h10
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