Tomàs se leva et quitta la salle pour rejoindre la jeune fille qui attendait, tremblante. Etrangement, personne n’avait réagi à l’incident. Plus aucune infirmière, ni aucun médecin n’étaient présents.
Il prit Tamaryn par les épaules et la regarda dans les yeux.
- Tu vas quitter l’hôpital et retourner à la maison.
- Mais …
- Ecoute-moi, Tamaryn. Ceci te dépasse. Nous allons retrouver Séraphin. Abbie va le traquer. Mais tu dois être en sécurité, tu comprends ?
La jeune fille hocha la tête plusieurs fois, en essuyant ses yeux pleins de larmes. Elle était pâle et tremblante, mais elle ne semblait pas prête à sombrer dans l’hystérie. Tomàs sourit et lui essuya la joue.
- Tu es courageuse. Va maintenant.
Tamaryn hocha le tête et quitta immédiatement la zone. Mais elle n’allait pas rentrer tout de suite. Non. D’abord, elle devait aller rendre visite au Collectif.
Dès qu’elle fut hors de vue, le loup-garou sortit son portable et appela son frère.
- Tu as eu la photographie ? Qu’en dit Sheraz ?
La réponse de son frère ne lui plut vraiment pas. Il soupira.
- Une sorte de Leschein ? Bon sang. Il s’est enfui après avoir fait un trou dans le sol.
- …
- Sebastian ! Abbie est partie à sa poursuite. Elle ne pourra pas s’en sortir seule contre lui.
- …
- Bien sur que c’est notre problème ! C’est bien pour ça qu’on existe, non ?
Une autre réponse de son frère l’interrompit.
- Ça explique l’absence de personnel et le silence dans cette partie du bâtiment. Le directeur doit déjà être en train de gérer ça de son côté. Je vais rejoindre Abbie.
Il resta silencieux et attentif une seconde de plus, puis il éteignit son portable, le rangea dans la poche de son blouson et se précipita à la suite de son amie, en sautant dans le trou.
Le couloir dans lequel il atterrit était sombre, mais propre. Les murs de bétons bruts étaient recouverts de canalisations diverses. Il s’immobilisa, ferma les yeux et se concentra pour repérer ses proies. Au bout de quelques secondes, la senteur, faible mais reconnaissable, du parfum d’Abbie chatouilla ses narines. Il entendit ensuite les grognements du monstre. Ils étaient à plusieurs centaines de mètres devant lui. Il se mit à courir sur leur trace. Le couloir rectiligne se termina sur une lourde porte métallique, qui pendant lamentablement sur ses gonds déchiquetés. Derrière elle, un escalier descendait encore d’un niveau. Prudent, Tomàs s’arrêta sur le seuil et écouta : il entendit un bruit d’eau courante et soudain, un hurlement rauque rebondit sur les murs. Il se précipita sur les marches et les dévala. Il se retrouva alors dans un tunnel aux parois de briques, qui se terminait sur une arcade donnant sur un autre couloir plus large : les égouts. Il courut jusque là, jeta un coup d’œil de chaque côté. L’endroit était obscur, mais la vision de Tomàs s’ajusta sans mal. Il perçut des ombres et du mouvement sur sa gauche. Il continua donc sa course. Des raclements, des bruits de roches qui se brisaient et d’eau qui bouillonnait se répercutaient sur les parois. Il finit par voir la haute silhouette du Leschen et celle plus frêle d’Abbie qui se faisaient face. Abbie murmurait des paroles apaisantes, une main tendue vers lui. La créature qui avait été Séraphin s’agitait mais n’attaquait pas. Elle s’en prenait surtout aux murs et au plafond, étant donné les dégâts qu’elle avait déjà fait. Séraphin était peut-être encore présent quelque part dans cette aberration. Tomàs s’approcha encore, le plus silencieuse-ment possible. Il put voir son amie plus précisément. Son visage avait subtilement changé : ses yeux s’étaient élargis et ses pupilles vibraient de circonvolutions violettes, ses oreilles s’étaient légèrement allongées, ainsi que son visage et sa bouche. Ses mains elle-même prenaient une apparence décharnées, ses doigts étaient plus longs et se terminaient par des griffes. Il n’avait jamais vu Abbie trans-formée, ni aucun membre de sa race d’ailleurs. Il se figea, car il sentait son Loup se réveiller face à son ennemi ancestral. Non ! Il serra les poings, tentant de réfréner sa Bête qui s’agitait.
Le Leschein dut sentir quelque chose, car il s’immobilisa soudain et se tourna vers lui. Abbie suivit son regard et découvrit Tomàs. Il lut sur son visage une telle tristesse quand elle réalisa qu’il l’avait vue sous sa forme de vampire que son cœur se serra. Si elle savait que son secret n’en était pas un pour lui !
Un hurlement interrompit ses pensées et ramena son attention sur son ennemi : la créature le regardait avec une haine indomptable. Bien entendu ! Il était aussi l’ennemi héréditaire du Leschein !
- Séraphin, cria Abbie, désespérée. Non !
Mais Séraphin semblait avoir complètement disparu sous les assauts du Leschein. Il ne l’écouta pas, mais s’avança de deux pas et de ses bras recouverts d’une écorce brunâtre, jaillirent deux lianes épaisses qui se jetèrent à rencontre de Tomàs. D’un bond souple, il évita la première, mais glissa dans la boue et fut percuté par la seconde. Il s’écrasa contre le mur et s’effondra sur le sol. Le monstre commença à avancer sur Tomàs, sonné. Mais Abbie s’interposa : avec un feulement, elle se campa sur ses jambes et attendit. Le Leschein prononçait des borborygmes incompréhensibles. L’oreille fine de la vampire reconnut des mots, prononcés dans un langage inconnu. Il attaqua à nouveau avec ses ex-croissances brunâtres, qui claquèrent dans sa direction. Elle les dévia de deux puissants coups de griffes qui arrachèrent des lambeaux d’écorce. Un sang épais et brun gicla sur le sol. La créature gro-gna et ramena ses lianes mortelles. Abbie sourit, se sentant galvanisée par le combat. Elle avait libéré sa Bête qui se déchainait, le souvenir de Séraphin englouti dans la brume rouge qui recouvrait sa vi-sion. Mais très vite, elle fit un bond sur le côté, pour éviter les milliers d’aiguilles qui furent vomi da la bouche difforme du démon végétal. Elles heurtèrent les briques du mur, faisant jaillir des morceaux de pierre. Abbie s’apprêtait à attaquer à nouveau, quand une masse la dépassa et alla percuter la créature d’un puissant coup d’épaule qui la déséquilibra et la repoussa contre la paroi du fond de la salle.
Abbie écarquilla les yeux : l’assaillant était une sorte de loup humanoïde de plus de deux mètres, tout en muscles et en tendons, au pelage gris et blanc. Son énorme gueule aux crocs acérés se releva et il poussa un puissant hurlement qui se répercuta entre les parois du tunnel. Puis il plongea sa gueule dans le cou du monstre qui se débattait pour échapper aux griffes enfoncées dans son corps. De ses crocs il déchira les chairs spongieuses de son ennemi, puis il s’écarta, arrachant un gros morceau d’écorce sanguinolente, qu’il recracha sur le sol. Le Leschein ouvrit sa bouche démesurée et tordue pour hurler de colère. L’une de ses lianes jaillit et fila vers son agresseur, qui la bloqua dans ses griffes. Dans un horrible bruit de déchirement humide, le loup arracha l’appendice et le jeta au sol. La créature devint frénétique : des gémissements stridents jaillissaient de sa bouche étrange, sa tête sans yeux s’agitait dans tous les sens. Son bras droit s’élança et ses longues griffes s’enfoncèrent dans le flanc non protégé du loup. Le loup-garou fut pris d’un sursaut et gronda de douleur, il fit un bond en arrière, protégeant sa blessure béante de son bras gauche. L’arbre vivant était bien abimé. Son bras gauche pendait, sans vie ; il dégoulinait d’une substance noirâtre, à la fois du sang et de la sève. Ses yeux étaient inexpressifs ; son visage déformé, rendu horrible par un semblant de bouche, rem-plie d’appendices tremblant, n’avait plus rien d’humain. Puis il s’immobilisa, se balançant comme un arbuste sous une forte brise. Le loup n’attendit pas : d’un bond agile, il se jeta sur lui, le percuta et le fit tomber. De ses crocs et de ses griffes, il le lacérait et le mordait, faisant jaillir son fluide corporel. Le Leschein essayait de se défendre mais il semblait affaiblit. Pour finir, le loup-garou lui enfonça ses crocs luisants dans le cou et de ses pattes puissantes lui arrachèrent la tête, avant de la jeter au loin. Le Leschein s’effondra dans l’eau putride. Ses membres palpitants continuaient à s’agiter et il se dé-battait de manière désordonnée. Puis il se calma.
Alors le loup se redressa et recula. Il baissa la tête pour observer sa large plaie qui saignait abondamment, posa sa large patte dessus et se retourna vers Abbie, qui n'avait pas bougé d’un pouce pendant tout le combat. Par prudence, elle avait gardé sa forme vampirique, mais malgré elle, elle ne daigna pas intervenir dans ce combat de titan. Ses yeux d’un bleu étincelant la fixait attentivement, puis il eut comme un soupir. Sa forme devint trouble, un léger halo brillant l’entourait, alors que son apparence se modifiait doucement et qu’il reprenait les traits et la stature de Tomàs, tel qu’il était apparut à l’hôpital. Abbie, stupéfaite, se tourna vers l’endroit où son cher ami avait été projeté : il n’y restait plus que sa veste en cuir. Tomàs attendait, immobile et silencieux, laissant s’endormir son loup repu, laissant l’adrénaline du combat s’évaporer. Sa blessure le faisait souffrir, mais cela le laissait indifférent : pour l’instant, il ne voyait qu’Abbie. Elle aurait dû le fuir, partir en hurlant, le honnir pour son mensonge, quand, elle, elle lui avait révélé sa vraie nature. Mais elle était toujours là.
- Et maintenant ?
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