Il existe une légende, oubliée de la plupart des humains, mais que certains sages connaissent encore. Elle raconte qu’à peine sorties de l’âge des Ténèbres, les civilisations humaines furent presque détruites par un mal caché parmi eux depuis très longtemps : les Sorciers, des êtres humains qui avaient eu accès à une connaissance secrète et qui, en contrôlant la magie, furent corrompus par elle. De leurs expériences contre-nature naquirent les Vampires buveurs de sang. Ils s’en servirent pour asservir l’humanité au nom de leur déesse maléfique. Grâce au pouvoir qu’elle leur offrait, ils invoquèrent des créatures monstrueuses.

Durant des millénaires, ils dévastèrent la planète. Un brouillard sanglant l’enveloppa, les humains souffraient et mouraient, les plantes, les arbres et les bêtes eux-mêmes étaient corrompus, au point de se transformer en monstre.

Mais dans ce désastre apparut l’espoir : venues des confins du monde, des étendues sauvages et glacées, perdues et éloignées de tout, des tribus entières de guerriers et de magiciens métamorphes engagèrent le combat et, villes après villes, régions après régions, détruisirent l’emprise des Sorciers et libérèrent les humains. Les Vampires eux-mêmes, trahirent leurs créateurs et s’allièrent aux tribus. Cette guerre dura des siècles, jusqu’à l’affrontement final.

Il eut lieu dans une vaste plaine, face à une colossale cité noire, dont la plus haute tour atteignait les nuages, telle Babel. La ville était couronnée d’un immense nuage verdâtre, scintillant d’éclairs, qui tourbillonnait. Les terres que les soldats foulaient étaient desséchées et craquelées, traversées par des ruisseaux d’un liquide épais et noir. Une brume rougeâtre, si épaisse qu’elle empêchait les rayons du soleil de réchauffer la planète, enveloppait tout dans une teinte de sang. Au pied des murailles les Sorciers et leurs troupes de monstres se tenaient prêts à défendre leur cité et leur déesse. Quelques humains faméliques, aux yeux morts, se terraient derrière les murs.

De l’autre côté du champ de bataille, toutes les tribus métamorphes étaient réunies en une seule armée : des meutes de loups-garous aux yeux verts et aux pelages gris, noirs et blancs ; des ours gigantesques aux longues griffes et d’autres encore. Au milieu d’eux, les escouades de soldats vampires, armés d’épées et protégés d’armures, étaient menées par leurs chefs montés sur des chevaux noirs qui piaffaient. Derrière eux, sur la crête d’une colline, de puissants Shamans, chacun d’eux entourés d’une aura vert émeraude, les yeux fermés, se concentraient, prêts à laisser déferler leur pouvoir. Une psalmodie douce montait de leur rang.

Les métamorphes, armés de leurs crocs et de leurs griffes d’airain, se jetèrent sur l’armée des sorciers. Les monstres se ruèrent sur eux et la magie fut libérée. Mais la rage des Garous était telle qu’ils se déchainèrent contre leurs ennemis. Beaucoup tombèrent. Mais ils firent encore plus de victimes chez leurs ennemis, car ils ne pouvaient lutter contre les griffes d’acier qui déchiraient leurs chairs et faisaient disparaitre leur magie. Ils permirent à leurs Shamans de terminer leurs incantations. Parmi eux, nombreux périrent d’épuisement, d’autres sombrèrent dans la folie. Mais derrière la cité maudite, ce fut comme si un voile se déchirait et tous purent voir les territoires chaotiques de l’autre dimension. Le nuage dément devint frénétique et les combattants entendirent un hurlement strident, empli de haine et de désespoir, quand il fut aspiré. Un vent puissant et froid se leva alors, poussant les Sorciers et leur engeance à travers la porte ouverte. La cité elle-même, qui ne pouvait exister dans les deux mondes, se disloqua et tomba en morceaux, sous les hurlements des habitants qui essayaient d’en sortir en courant.

C’est ainsi que la terre et l’humanité purent renaître, d’après la légende.