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Connaissez-vous l’histoire de la dame aux mouchoirs ?

J’ai narré beaucoup d’histoires au cours de ma vie (et dans bien des endroits) mais il ne me semble pas vous avoir conté celle-ci. Il faut dire qu'il ne m'est pas plaisant de la dévoiler publiquement, principalement pour deux raisons.

La première est qu'en réalité elle n'est pas vraiment intéressante. Elle relève d'un pan de ma vie personnelle (ce qui en soi aura tendance à vous confirmer qu’elle n'est pas très intéressante) et sur le fond n’apporte rien de concrètement utile ou transcendant pour le lecteur.

La seconde est qu'elle est triste. Évidemment nous avons tous parfois besoin de ce genre de lectures pour extérioriser certaines mélancolies ou chagrins et je ne saurais vous en empêcher par quelques phrases bien agencées. Il me faut tout de même être totalement honnête envers vous : si vous êtes actuellement dans un état de tristesse certaine, soyez bien informés que vous ne ressortirez pas de cette lecture dans un meilleur état, le contraire étant hautement plus probable.

Autant vous dire donc, cher lecteur, que vous êtes prévenu du contenu des lignes à venir : inintéressantes et tristes.

La dame aux mouchoirs était une femme ayant une particularité bien à elle : elle tenait constamment un mouchoir en papier dans sa main. Rien de bien extraordinaire me direz vous, je vous répondrai alors que je vous avais prévenu.

Elle se distinguait de la dame aux pigeons qui était entourée de nombreux pigeons à la fois, attirés par des graines ou des morceaux de pain. Il faut tout de même rendre honneur à ce procédé qui fonctionnait à la perfection, à l’exception faite que les pigeons s’en allaient rapidement une fois leur estomac repus.

La dame aux mouchoirs, elle, ne tenait dans sa main qu’un seul mouchoir à la fois. Cela peut vous paraître peu mais avait l’avantage de lui permettre d’en posséder un de manière ininterrompue. Si elle l'avait su, il est fort à parier que la dame aux pigeons aurait été verte de jalousie. Enfin ce n’est qu’une supposition de ma part car en réalité l’histoire ne précise rien sur ce point.

Revenons-en à la dame aux mouchoirs. Après tout il ne s’agit pas de l’histoire de la dame aux pigeons même si je prends souvent plaisir à la raconter.

Tenir un mouchoir était pour elle comme une sorte de nécessité indépendante de sa volonté propre. Lorsque je la rencontrai, elle en tenait déjà un et en avait tenu plusieurs autres différents par le passé.

Au-delà du fait qu’elle n’était ni malade ni enrhumée, je ne pouvais cesser de me poser la question suivante : comment faisait-elle pour avoir tant de budget et tant de place pour stocker tous ces mouchoirs ? À propos de la place de stockage, je me suis rapidement fait la remarque qu’il était possible qu’elle les achetât en flux tendu. Pour ce qui fut du budget le mystère restait entier.

Il lui arriva par interstices de me parler de ses mouchoirs et je ne savais pas vraiment quoi lui répondre car à vrai dire j’appréciais sa présence et je ne pouvais vouloir qu’elle ne se mouche ou qu’elle ne pleure éternellement dans des mouchoirs en papier.

C’est à ce moment de l’histoire que je me rends compte que je ne suis pas habitué à la raconter publiquement car j’ai omis de vous transmettre un élément : la dame aux mouchoirs n’était certes ni malade ni enrhumée mais il lui arrivait de pleurer dans ses mouchoirs en papier.

Lors de ces moments, ses larmes inondaient le mouchoir au point qu’il en devenait une entité intermédiaire mi-eau, mi-papier, capable de se fondre au creux de ses mains sans pour autant perdre consistance. Peut-être était-ce là la plus noble destinée de la vie d’un mouchoir en papier ?

Encore une supposition de ma part, veuillez m’en excuser mais je dois avouer qu’a certains moments de ma relation avec cette dame, j’en arrivais parfois à souhaiter devenir un mouchoir en papier.

Vous devez probablement penser qu’il peut être rebutant d’être en compagnie d’une personne ayant continuellement cette manie mais en réalité cela m’apprit deux choses : qu’on s’habitue à tout et qu’une femme qui vous dévoile ses pires travers en toute sincérité est digne d’être aimée.

Me revoilà qui digresse encore !

Parfois donc la dame aux mouchoirs pleurait. Il lui arrivait encore souvent de se moucher mais cela ne relevait plus que de l’automatisme. Le rôle du mouchoir - celui de qualité j’entends - relevait plutôt de sa capacité à absorber ses larmes. Sur ce point elle avait des traits de similarité avec la fille de l’eau mais il s’agit là aussi d’une autre histoire.

Quel destin de mouchoir en papier, si grande fut sa qualité, aurait été capable d'éponger l’interminable quantité de larmes stockées à l’intérieur de la dame aux mouchoirs ? Cette question je me la suis posée à d’innombrables reprises car, malgré ses imperfections et à force de la côtoyer, elle me plaisait bien la dame aux mouchoirs.

J’aurais voulu lui proposer l’idée d’un mouchoir unique, lavable à sa guise et capable de sécher au soleil en quelques heures. Dans mon esprit cela ne devait pas coûter bien cher et pouvait lui permettre de ne pas aller chaque jour au supermarché racheter des mouchoirs. C’est embêtant toutes ces allées et venues ne trouvez-vous pas ?

Elle m’aurait répondu : « Mais quelle magnifique idée ! C’est clairement moins cher et moins contraignant. Allons de ce pas en acheter un. Si ça ne te dérange pas ensuite j’aimerais bien que nous allions visiter un barrage ensemble ». Je l’aurais prise par la main et au lieu de me transformer en mouchoir, même unique, je me serais transformé en barrage.

Pour vous dire la vérité, la dame aux mouchoirs était encore tellement habituée à la forme mi-eau, mi-papier du parfait mouchoir en papier que je n’ai jamais osé lui parler du barrage ou bien même du mouchoir unique. J’aurais aimé lui en toucher quelques mots mais le moment ne semblait pas propice.

Le barrage, la fille de l’eau, le mouchoir unique, la dame aux pigeons ou encore l’homme aux ongles rongés ne sont que d’autres histoires que je n’ai malheureusement pas le temps de vous raconter ce soir.

Si jamais vous êtes parvenu jusqu’à cette ligne, j’espère que vous ne serez pas trop déçu de l'inintérêt et de la tristesse de cette histoire, je vous avais prévenu.

Connaissez-vous l’histoire de l’homme aux aux ongles rongés ?


Texte publié par Vinzorama, 3 août 2022 à 20h21
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