TRIGGER WARNING : mention et description de violences et d'une scène d'abus sexuels
Neustrie, 21 Mars 890
La forêt était sombre, entremêlée, humide et avant tout encore glaciale des neiges hivernales.
La servante n’était vêtue que d’une humble robe en tissu rêche et resserrait autour d’elle la capuche d’un étrange écarlate. Il était évident à son souffle et à ses bottes pleines de brindilles que sa marche durait plus qu’elle ne l’aurait dû. Pourtant, elle continuait à tracer un chemin hasardeux parmi les broussailles, les chênes et les pins. Les bras cachés sous les pans tombant de sa capuche, sa démarche n’en était que plus maladroite.
Peu de voyageurs s’aventuraient si tard dans la forêt des Andaines avec autant de légèreté. Bien que plus aisée à traverser que la plupart des autres massifs séparant la contrée de la Neustrie avec celle de la Bretagne, elle restait fourmillante de vie. Dont la majorité létale pour l’être humain sans défense. Cela étant sans compter les attaques de Vikings qui perçaient parfois les bois depuis les berges de Neustrie afin d’affaiblir le peuple breton.
La servante s’essoufflait de plus en plus, le visage rougi par le froid, lorsqu’un craquement de brindille sur le sol meuble l’alerta. Elle se figea, le sang glacé dans ses veines, les lèvres pincées afin de supprimer le bruit de sa respiration. Un long moment passa sans qu’un seul autre son ne ressurgît d’entre les fourrées. La femme se détendit, rassurée pour sa vie. Puis elle baissa les yeux et d’une main tremblante, elle écarta un pan de sa capuche.
Contre sa poitrine, tout empaqueté et le visage rose d’humidité, dormait dans une écharpe un magnifique nourrisson aux joues certes minces mais aux lèvres en pétales de rose. Du bout des doigts, la jeune femme sentit son souffle s’échapper de son nez.
Soulagée, elle reprit la route mais cette fois-ci avec l’esprit accaparé par l’image de l’enfant. Elle ne parvenait pas à réaliser la terrible tâche à laquelle on l’avait assigné.
La servante se revit six ans en arrière, alors qu’elle n’avait que quatorze ans. Elle vivait alors dans la ferme de ses parents paysans. Son père, petit fermier fiévreux, s’occupait de la logistique tandis que sa mère, carrée comme un bœuf, sarclait la terre, plantait les graines, maintenait l’état des champs, moissonnait les récoltes à la faucille et séparait les bons grains de l’ivraie. Un travail d’homme soutenu avec l’aide des frères et sœurs. La jeune femme se souvint de son anxiété grandissante de devoir prendre la place de sa mère à sa mort. Plus fragile de constitution, une journée aux champs l’éreintait tant que ses courbatures lui empêchaient de préparer le dîner.
Lorsque l’occasion de quitter le milieu paysan lui avait été présentée, elle n’avait pas hésité : elle préférait servir toute sa vie un être supérieur à son pauvre sang de paysanne que de sarcler la terre.
Elle pensait ne jamais revenir sur les lambeaux de mémoire de sa vie d’avant. Néanmoins, cette nuit précise, elle ressentit une vague de regrets l’envahir. Si elle avait décliné l’offre il y avait six ans, elle ne serait point ici présente, frigorifiée mais surtout horrifiée par l’acte qu’elle allait commettre au nom d’une autre.
Dans sa tête, une rengaine se bouclait sur elle-même, impossible à dépêtrer : « Oh Dieu miséricordieux, pardonnez-moi pour ce que je m’apprête à faire ! ».
Elle continuait de marcher, encore et encore, s’enfonçant de plus en plus profondément dans la contrée de Neustrie. Elle savait qu’elle aurait pu cesser depuis une couple d’heures. Toutefois, elle poursuivait, encore indécise à accomplir sa tâche si douloureuse.
Elle fut mise au pied du mur lorsqu’elle atteignit une clairière intérieure. Plus ou moins circulaire et à peine plus grand que six arbres alignés, il trônait en son centre une ancienne souche séchée. Elle ne put s’empêcher de penser qu’il s’agissait de l’endroit idéal. Le creux à l’intérieur du tronc ressemblait vivement à un couffin naturel.
« Laisse-la au cœur de la forêt. Les loups s’en chargeront » lui avait-on dit.
Cela lui déchirait le cœur mais il n’y avait aucune autre issue.
Avec peine, elle détacha le lange qui maintenait le nourrisson contre son torse. Celui-ci gémit, bougea les poings hors du tissu. Il semblait comprendre ce qui allait lui arriver et cela la marqua. Elle faillit nouer à nouveau le lange et repartir en arrière. Elle aurait pu donner cet enfant à sa famille paysanne et leur faire promettre d’en prendre soin. Si les conditions de vie paysanne étaient dures, ils n’en restaient pas moins des parents aimants. Mais elle se souvint de la demande précise et elle sut que si elle ne l’abandonnait pas, l’enfant serait retrouvé et tué avec une lame en plein cœur. Elle serait tout aussi coupable que de laisser la nature faire son œuvre.
Elle leva les yeux au ciel et ânonna une dernière prière. La neige se mit alors à tomber en flocons. L’un d’eux se réceptionna sur son nez. Elle le sentit fondre, comme un baiser réconciliant. Elle sut que Dieu l’absolvait.
— Pardonne-moi, chuchota-t-elle en déposant le nourrisson dans le sein de la souche.
Il brailla, comme conscient des conséquences de ce choix. La servante réprima les larmes qui envahissaient ses yeux. L’être minuscule enfermé dans un tissu de bonne manufacture était plus vulnérable que jamais au froid. La servante ignorait s’il s’agissait d’un sort plus enviable que les crocs des loups.
Les lèvres pincées, elle sortit de sa besace une étoile brodée de fil doré. Elle la coinça entre les plis de la couverture, dans l’espoir que son nom le suivît jusqu’au ciel. Elle se demanda quelle force avait fallu à la mère pour donner un nom à un fruit de ses entrailles condamné à mourir.
— Que ton âme soit bénie, pria la jeune femme, la voix brisée.
Elle hésita une dernière fois, encore torturée par l’image terrible de l’enfant dévoré par les loups ou gelé jusqu’à son dernier souffle. Au lieu de tourner des talons, elle se pencha au-dessus du nourrisson brailleur et embrassa son front. Elle espérait qu’en dépit de vivre, il pourrait partir avec un souvenir de douceur.
Des larmes glissèrent alors de ses cils et s’écrasèrent sur le minois.
— Je suis si navrée pour toi… Le monde dans lequel tu es née n’était pas aussi merveilleux que la personne que tu aurais pu être. Mais tu vas en rejoindre un autre, meilleur que celui-ci. Dors bien, ma petite.
L’enfant cessa de crier, soudain alpagué par la voix de la servante. Les yeux ronds d’un bleu violet intense se fixèrent sur le visage qui lui faisait face.
— Au revoir, ma belle. On se reverra bientôt.
Elle caressa une dernière fois la joue du bébé puis tourna le dos à l’acte horrifique qu’elle venait de commettre.
Un feu crépitait au centre d’un foyer de pierre noircie. Eulalie, à genoux, les mains jointes, conservait ses yeux sur les flammes mouvantes.
La nonne ignorait pourquoi cette journée persistait à conclure sur un échec de communion avec Dieu. Elle avait quelques idées en tête, sans être capable d’en choisir une. Eulalie imaginait bien que les attaques vikings de plus en plus courantes et régulières avaient un impact sur ses prières. Néanmoins, elle ne pouvait échapper à son propre regard intérieur alors qu’elle tentait de s’ouvrir au monde supérieur.
Sa récente montée dans la hiérarchie ecclésiastique lui avait offert bien plus qu’une chambre individuelle pourvue d’une cheminée et d’un ensemble de reliques censées amplifier la force de ses prières. La première chose qu’elle ne pensait obtenir avec sa position de Mère Supérieure fut une obédience aveugle des autres sœurs.
Eulalie ne favorisait nullement ce comportement depuis ses vœux. Elle considérait que l’obéissance nécessitait la discussion et la compréhension de ce en quoi on s’engageait. Or, le principe même de la hiérarchie encourageait l’exact inverse.
La Mère Supérieure avait pourtant cru bon de se proposer à cette nouvelle position lors des choix menés par les Abbesses de Neustrie. Elle espérait réussir à élever les consciences de son prieuré laissé à l’abandon par sa prédécesseure, morte d’une fièvre incessante sur ses dernières années. Néanmoins, mener un groupe de femmes à la lumière par elles-mêmes était impossible. Voilà sa triste conclusion après trois ans à la tête du prieuré de Bellême Bourg : il fallait les guider en espérant qu’elles ouvriraient les yeux.
Cependant, Eulalie était épuisée. Les genoux écorchés, les mains sèches par l’hiver qui ne cessait de se prolonger, elle ne savait plus quelles autres directives donner pour sauver les paysans de son prieuré de la famine. Le peuple, dormant dans des cabanes en bois pour la plupart, se situait en contre-bas des édifices religieux, dont la plus importante : l'église prieurale de Bellême Bourg. Chaque dimanche, les laboureurs et les artisans remontaient la colline afin de participer à la messe que les nonnes officiaient en dépit de prêtres. Une vingtaine d’années auparavant, alors qu’Eulalie n’était encore qu’une novice n’ayant pas prononcé ses vœux, les tracas de la population se limitaient au climat intransigeant et aux terres peu fertiles. À présent, la messe était désertée puisque les trois quarts des habitants se trouvaient à l’hôpital du Prieuré, près d’un proche gravement blessé lors d’une attaque de Vikings.
Eulalie se souvint que la violence des hommes du Nord était jadis presque superficielle. Ils se contentaient de piller les cabanes de pêcheurs et des paysans le long de la côte. Ils récoltaient poissons, blés et pièces d’or sans abattre leurs armes à tout va. Au fil des ans, leurs attaques s’approfondissaient. Les meurtres de sang-froid augmentaient et le pillage progressait doucement mais sûrement vers le prieuré. Eulalie le savait : la présence des Vikings dans l’enceinte sacrée dont elle avait la direction n’était plus qu’une question de temps.
C’était dans ce but qu’elle avait rédigé de sa plus belle écriture une lettre pour le diocèse de Rouen. Elle espérait que l’évêque puisse convaincre le roi de Francie, Eudes 1er, de dépêcher une garde rapprochée dans l’année. Eulalie avait insisté avec élégance que les abbayes et prieurés dirigés par la main masculine possédaient déjà toutes leurs propres lames pour dissuader les vikings de pillage de grandes envergures. La Mère Supérieure craignait que la richesse équivalente à celle de ces lieux sacrés attirât d’autant plus de par leur facilité d’accès.
Si Eulalie était soutenue dans l’idée d’une invasion future proche par les autres sœurs, celles-ci demeuraient frileuses à l’installation d’hommes en armes au prieuré. Bien que la prieure ne pût accepter la moindre hésitation de la part de ses nonnes, elle comprenait les raisons qui les poussaient à se méfier. Le prieuré de Bellême Bourg avait été un refuge pour nombre de femmes. Certaines abandonnées à la naissance, d’autres s’extirpant d’une vie de débauche sous les ordres du sexe fort et d’autres encore ayant vécu des évènements tragiques avec ces derniers. Eulalie elle-même savait que la présence de la gent masculine sur son lieu sacré allait lui être difficile. Toutefois, elle préférait perdre en partie son refuge plutôt que la totalité sous les haches des barbares du Nord.
La Mère Supérieure serait sûrement restée à genoux durant la nuit entière, effrayée que ses suppliques ne fussent pas entendues par le Seigneur de ces cieux. Néanmoins, sa sous-prieure toqua doucement à sa porte. Eulalie pouvait reconnaître Aliénor au rythme de son poing contre le battant de bois.
— Entrez, ordonna-t-elle en se relevant de sa position de prière.
La porte pivota en grinçant. Le visage pâle, les yeux verts écarquillés, la jeune fille ouvrit les mains sous la lumière des bougies. Ses paumes étaient couvertes d’un liquide écarlate.
— Aliénor ? s’enquit Eulalie d’une voix blanche.
La Mère Supérieure traversa sa chambre et saisit fermement les poignets de son bras droit. Elle plongea son regard dans celui terrifié de la sœur et souffla quelques mots réconfortants. En vain. Aliénor était paralysée, l’esprit épris d’un bouleversement trop puissant pour réagir.
— Aliénor ! s’exclama Eulalie d’une voix plus autoritaire. Que s’est-il donc passé ?
La jeune femme sursauta. Sa coiffe à moitié détachée de sa chevelure tomba au sol. Ses cheveux châtain, brillant pareil à du miel, se déployèrent en cascade sur ses épaules.
En temps normal, Aliénor ne se serait jamais allée à de telles frivolités. Soigneuse et rigoureuse, sa coiffe tenait toujours à la perfection sur son crâne, quelle que soit l’urgence dans laquelle on la convoquait.
— Des vikings… Dans l'église, murmura-t-elle pour seule réponse.
Le sang de la Mère Supérieure se glaça dans ses veines. La peur sûrement d’être confrontée à ces bêtes sans âme. Pourtant, au-delà de l’effroi, un élan de bravoure la cueillit en plein ventre. Toutes les richesses, toutes les reliques, tous les saints allaient se trouver entre les mains d’animaux assoiffés de sang. Elle sut alors qu’elle se devait de les protéger au nom du Dieu unique.
— Restez ici, cachée, souffla-t-elle à sa sous-prieure.
Elle contourna le corps ébranlé d’Aliénor qui contemplait ses mains sans un son et referma la porte de sa chambre derrière elle. Il faisait nuit noire et l’office de Vêpres venait de commencer. L'église se trouvait à l'opposé de ses appartements privés. Elle possédait entre les plis de sa robe les clefs de la porte arrière, donnant sur un recoin dissimulé à l’extrémité du transept. Elle ne comptait pas les confronter mais sauver les reliques à sa portée.
Dans le couloir du cloître, elle entendit les cris, les gargouillements du sang giclant de gorges tranchées et de ventres lacérés. Une odeur de fumée mêlée au métal lui prit le nez et la fit tousser. Mais elle continua de courir dans ses chausses mal ajustées et peu adaptée à la course.
Alors qu’elle s’approchait de l'église, elle vit des flammes se répandre sur le toit à la charpente en bois. Dans l’obscurité, la violence qui émergeait de ce lieu saint l’abrutissait. Des vikings sortaient de l'église pour poursuivre des religieuses survivantes du massacre. La pénombre du soir permit à Eulalie de se dissimuler dans les ombres des piliers de l’édifice tandis que deux barbares vêtus de peau de bêtes rattrapaient plusieurs nonnes pour leur arracher les vêtements sous leurs cris de désespoir.
L’angoisse comprima la poitrine d’Eulalie, raccourcit son souffle. Elle ne voyait plus que des images entrecoupées d’elle-même courant jusqu’à la porte arrière de l'église. Lorsqu’elle l’atteignit, elle toucha le battant en bois, la respiration erratique. Elle tâtonna activement la porte à la recherche de la serrure, les mains tremblantes.
Les cris et les grognements lui emplissaient les oreilles à lui donner la nausée. Mais elle s’accrochait à son idée fixe : elle devait sauver les saints. Tandis que ses doigts tombaient sur le carré métallique, elle luttait pour extirper des plis de sa robe le cordeau rassemblant les multiples clefs du prieuré. Elle les palpa dans le noir, s’ingéniait de la nature de tel ou tel autre bout de métal. La précipitation la poussait à la confusion. Elle entendait son cœur battre dans sa tempe. Son souffle se mêlait au capharnaüm des barbares, ses mains moites glissaient le long des clefs alors qu’elle s’échinait à les tourner par erreur dans la serrure. Elle se croyait perdue, victime d’un tour joué par un démon, lorsque la porte émit un déclic suivi d’un entrebâillement. Eulalie en serait restée abasourdie si les bruits bestiaux des vikings dans son dos ne semblaient pas si proches.
Elle s’engouffra pareil à une ombre par la porte dérobée. La Mère Supérieure se félicita d’avoir été plus curieuse que son devoir ne lui accordait lors de son noviciat. Ce qu’elle avait longtemps pris pour un méfait pouvait-il être un infime détail dans le plan du Seigneur ?
Le battant se referma derrière elle ce qui la libéra des grognements d’animaux des hérétiques venant brûler sa maison. Elle sentait sa respiration paniquée oppresser sa poitrine et s’échapper dans un souffle bruyant. Elle porta une main à son cœur, les lèvres tremblantes. Ses pupilles attrapèrent le peu de lumière qui filtrait d’en dessous de la seconde porte donnant sur le transept. Elle songea qu’elle serait bien restée ici, dissimulée dans cet étroit tambour, si le feu ne dévorait pas l'église.
Elle se secoua, prise de vertiges à cause de la fumée qui emplissait ses poumons. Elle n’avait pas beaucoup de temps pour agir. Sans plus tergiverser, elle entrouvrit la seconde porte. Entre les flammes et les cendres noires qui s’écrasaient, tels des flocons de chaos, sur la terre cuite, Eulalie entrevit sur sa gauche, près du chœur, trois morceaux d’os éparpillés sur le dallage. Ils provenaient du pouce du saint Ansbert, l'ancien évêque qui avait marqué le diocèse de Rouen par son illumination dans de sombres périodes. Sa gorge se serra à l’idée que ces reliques ne disparussent dans les flammes. Elle rassembla son courage et après un rapide coup d’œil qui lui assura le champ libre, elle se glissa en dehors du tambour.
Alors qu’elle se précipitait sur le coffre renversé de son piédestal, elle sentit la chaleur de l’incendie devenir insupportable. Le feu se propageait si vite que sa vision se brouillait. Elle rangea les os échappés du coffre à l’intérieur de celui-ci. En tant que Mère Supérieure, elle estima que ce bien qui était le plus précieux du prieuré suffisait amplement. Malgré la fumée et sa détresse, elle conservait sa lucidité : la relique ne serait sauve que lorsqu’elle se trouverait en dehors de l'église en flammes.
Elle serra le coffre contre son cœur et se retourna, prête à filer par la porte dérobée. Dans l’affolement, elle ne regarda pas droit devant elle et se cogna contre quelque chose de dur qui la fit tomber à terre. Le choc l’abasourdit, sa coiffe se détacha de ses cheveux, cependant elle ne lâcha pas le saint d’entre ses bras.
Une main musclée, puant le fer, le sang et la sueur saisit sa robe en lin brune. C’est avec une force démentielle qu’elle se sentit quitter le sol. Entre les lumières mouvantes des flammes, elle distingua un visage qui aurait pu être séduisant sans ses traits noirs courant sous sa peau et ses yeux bleus aussi froids que la glace. Ce furent ses lèvres couvertes de projections de sang et une cicatrice longeant son arcade sourcilière depuis son front jusqu’à sa joue qui la marquèrent. Puis elle nota sa coiffure blonde sale et sauvage, composée d’une longue tresse entremêlée d’anneaux en fer et en argent, aux côtés rasés au couteau. Les yeux écarquillés, Eulalie fit face à son premier viking.
Il ouvrit la bouche et expectora des mots sans sens, semblant provenir du plus profond de sa cage thoracique. Tétanisée, elle ne sut à peine ouvrir la sienne pour le supplier de lui laisser la vie. La seule chose à sa portée fut de ne pas laisser tomber le coffre sous l’ébahissement.
La poigne se resserra sur le col et il la rapprocha de son visage. Il cracha une nouvelle salve de paroles remplies de postillons, l'air menaçant. Eulalie sentit sa langue se délier et tenta de communiquer avec le pilleur, le brûleur, le massacreur qui la tenait entre ses griffes. Toutefois, la chaleur, l'épouvante et l'angoisse de perdre la relique du Saint Ansbert emmêlèrent les sons sortant de sa bouche. Elle vit l'impatience glisser dans le regard du barbare malgré elle. L'éclat de son arme, une hache à la tête sculptée d'un ours, enfilée dans un lien de cuir à sa taille, attira ses yeux. La rugosité de ses doigts contre son cou, la puanteur du sang et de la transpiration mêlées à l'iode de la Mer. Eulalie sut qu'elle était aux portes d'un après qu'elle espérait, malgré ses convictions et sa foi, échapper.
— Toi, être divin ? prononça alors le viking d'une voix rauque dans un français approximatif.
La Mère Supérieure déglutit, incapable de décider quoi répondre. Pour seule réponse à son silence, l'étau de fer se referma sur sa gorge. La souffrance embrasa d'abord sa nuque puis glissa impitoyablement jusqu'à sa poitrine où ses poumons manquant d'air parurent prêts à exploser. Alors qu'elle tentait de se dégager en tirant vainement sur ses poignets, sa vision périphérique s'obscurcit et un goût de fer envahit sa bouche.
— Toi, répondre ! hurla l'agresseur sans relâcher sa prise.
— Oui ! couina-t-elle.
Pendant un instant, la strangulation ne cessa point. Elle se sentait partir et elle se demanda s'il avait pu l'entendre avec le vacarme des flammes dévorant la charpente. Ou s'il connaissait au moins la signification de cette unique syllabe distordue par le manque d'air. Puis l'étau céda.
Elle s'effondra au sol, suffocante. Ce ne fut pas l'air qui emplit ses poumons mais la fumée, lourde, épaisse qui émanait de l'église en feu.
— Toi être courage, reprit le viking d'une voix profonde, presque admirative.
Eulalie eut l'ombre d'un espoir : celui qu'il la laisse au sol et reparte sans se préoccuper du coffre entre ses bras. Recroquevillée sur les dalles en terre cuite, tel un animal sans défense, elle haletait, sa vision brouillée, sa bure déchirée. Mue d'un réflexe, des prières latines franchirent la barrière de ses lèvres. Marmonnées, elles avaient des vertus apaisantes et résonnaient au sein de son corps.
C'est alors que la main du viking agrippa sa cheville et la tira à lui. La Mère Supérieure craqua. Des larmes glissèrent sur ses joues alors que ses ânonnements prirent de l'ampleur dans sa bouche. Cela n'arrêta pas le barbare qui sortit une corde d'une de ses multiples sacoches en cuir attachées à sa ceinture. Il lia ses chevilles de telles manières de la priver de ses mouvements et conserver une rallonge. Si Eulalie tenta de se débattre en soustrayant ses jambes de sa prise, le coup de poing qu'il lui asséna sur la tempe étouffa toutes facultés de rébellion.
Assommée, elle sentit ses bras faiblir autour du saint coffre. Les yeux rivés sur le plafond, elle contempla les poutres s'effriter en cendres, les flammes engloutir le pont reliant Dieu aux hommes, alors que le viking la traînait hors de l'église.
À l'extérieur, la nuit était d'autant plus glaciale. La neige s'était déposée en un fin duvet sur les pavés et brûlait la peau à son contact. Les étoiles dans le ciel noir brillaient si intensément qu'Eulalie se réfugia dans leur lumière. Oublier les irrégularités du pavement, les brûlures du froid, l'irritation de la corde autour de ses chevilles. Cependant, aussi fort souhaitait-t-elle d'être ailleurs, elle entendit d'autres voix cracher des sons aux inflexions dures, coupantes. Son étourdissement lui fit perdre le sens du temps et le nombre de toises franchies, traînée au sol. Les rires et les grognements bestiaux lui donnaient la nausée. L'air la frigorifiait tout autant que la neige qui s'infiltrait dans sa bure déchirée par le gravier et les pavés droits.
Eulalie était perdue, sonnée. Elle s'accrochait à la vapeur s'élevant d'entre ses lèvres, seulement éclairée par la voûte céleste. Alors que ses esprits lui revenaient, elle se souvint que son but premier était de mettre la relique en sécurité. Elle pencha la tête sur le côté et distingua la pente qu'ils venaient de descendre. Elle sut alors où ils la menaient : dans la forêt des Andaines, là où devait se situer leur campement. Ce massif ancestral s'enfonçait dans les terres de la Neustrie et rejoignait celles de la Bretagne. Il était connu que le lieu n'était pas exempt de danger à la nuit tombée. Surtout en hiver où les prédateurs rôdaient, la faim au ventre.
Eulalie avait toujours apprécié contempler les chênes et les pins bordant l'orée des Andaines en contrebas, depuis la fenêtre de ses appartements privés. Contrairement à ses pairs, elle ne craignait pas la nature et sa dure loi. Elle la trouvait fascinante. Par ailleurs, le prieuré était connu pour son environnement sauvage : encerclé par la mer houleuse à l'Ouest et par la forêt à l'Est, il n'était pas le plus visité ni le plus courant sur les lèvres des habitants de la région. Néanmoins, la Mère Supérieure avait toujours pensé que cela faisait sa force : proche de la nature pour se rapprocher de la Création et de Dieu lui-même. Jusqu'à cette nuit où elle réalisa que celle-ci servait aux hérétiques pour mieux les cerner.
À l'approche des pins, Eulalie sentit une forme d'euphorie s'élever de cette meute de bêtes. Ils se donnaient des claques dans le dos, s'enlaçaient par les épaules, riaient et partageaient leurs découvertes. Elle se ressaisissait et pouvait à présent dénombrer leur nombre. Pas moins de quinze vikings, dont trois femmes musculeuses, avaient mené cette attaque, et s'ils portaient tous avec eux des sacs en toile de jute remplis d'or et de provisions, elle était la seule religieuse traînée au sol, pareil à un trophée de chasse. Elle conserva toutefois le silence et son calme : elle devinait sans grand mal le sort qu'on lui réserverait si elle leur rappelait sa présence parmi eux.
Cependant, ils ne s'enfoncèrent guère profondément dans la forêt. Après seulement une dizaine de toises de l'orée, ils s'arrêtèrent et établirent un campement de bric et de broc. La Mère Supérieure fut personnellement attachée par son agresseur à un tronc d'arbre, les chevilles et l'écorce liés par la même corde. Une fois que le pilleur eut terminé son nœud, il s'en alla aider ses compagnons à l'installation du campement.
Seule, vulnérable, frigorifiée, Eulalie observa avec un œil abasourdi l'organisation des hommes du Nord. Mêlant ordres brefs, accolades joyeuses et rires, ils abattaient les branches basses des pins, certains s'attaquaient à des troncs que la nature avait fragilisés. Avec bonne humeur, l'un d'eux, habillé plus légèrement, se mit à chanter de sa voix rauque et profonde. La Mère Supérieure s'étonna de la présence d'un barde parmi ces barbares. Tout comme les sujets francs cultivés, ils semblaient savourer les chants à la fois nostalgiques et épiques que leur prodiguaient leur ami de pillage.
En peu de temps, le nécessaire fut installé. Assis sur des troncs ou d'épaisses branches, ils discutèrent au tour d'un feu tout en distribuant du gibier. Ils sortirent alors des couteaux de leur équipement et s'affairèrent à dépecer les animaux, principalement des lièvres.
Dans le froid et le noir, Eulalie imagina un plan pour fuir. La première étape : détacher cette corde. La seconde : s'éclipser alors que l'attention était tournée sur le feu de camp. La bonne nouvelle était la distraction de son agresseur qui n'avait pas pensé à récupérer le coffre de ses mains. Pensait-il peut-être que la relique comme sa personne ne pourrait pas s'éloigner avec cette corde autour des jambes ?
La Mère Supérieure observa autour d'elle, piocha de la terre meuble. Elle trouva ce qu'elle espérait après maintes recherches, le souffle court : une pierre plus effilée que les autres. Le soulagement mêlé à l'angoisse d'être prise sur le fait gonfla sa poitrine d'une bulle d'air désagréable. Incapable de respirer, elle se précipita sur la corde entre ses chevilles. Elle glissa la pointe acérée de la pierre entre deux enchevêtrements du chanvre et effectua un mouvement de va-et-vient, le cœur battant la chamade. La corde de mauvaise facture céda plus vite qu'elle ne le pensait, dévoilant une peau rougie et creusée dans la chair. Une douleur sourde qu'elle avait ignorée, encore déstabilisée par l'enchaînement des événements, enflamma ses jambes. Elle se mordit les lèvres pour retenir des bruits de souffrance et se contenta de se dépêtrer des morceaux de cordes restants. Serrant le saint contre son torse, elle rampa en dehors du champ de vision des assaillants. La boue, la neige, les brindilles s'infiltrèrent dans sa bure. Le coffre l'encombrait, ses chevilles meurtries lançaient. Néanmoins, elle tint bon. Elle était presque arrivée à destination lorsqu'un étau se referma sur son pied.
Dans un hoquet de surprise, elle fut tirée en arrière. Un viking à la chevelure noir jais lui sourit en contreplongée, une main sur son pied. Eulalie perdit son sang-froid : elle cria et utilisa ses bras pour se dérober sèchement de sa prise. Mécontent, son agresseur saisit ses poignets dans une seule poignée et, pour marquer sa domination, son visage dans une autre, les doigts appuyés sur ses joues. Eulalie ne pouvait que sonder la glace de son regard, pourtant plus ardent que n'importe quelle flamme. Puis sans le moindre avertissement, alors qu'elle se débattait tant bien que mal, il l'embrassa en pleine bouche.
Ce n'était pas la première fois qu'un homme tentait de voler à Eulalie un peu de chaleur. Certains souvenirs qu'elle avait cru enfouis grâce à la prière, la foi et l'espoir d'un monde meilleur, refirent surface. Ils s'imposèrent à elle et à travers le baiser envahissant, elle les vécut à nouveau, tous à l'unisson. Si elle craignait la violence de ses hérétiques, à présent l'effroi et le dégoût prenaient le dessus. Dans une réaction purement instinctive, elle mordit de toutes ses forces la langue baladeuse. Le goût du fer imprégna sa bouche et le viking recula brusquement. Des rires gras et des armes percutant des boucliers retentirent depuis le feu de camp, ce qui provoqua la colère de son agresseur. Il la gifla avec une telle violence que sa tête fut presque décollée. La joue en feu, Eulalie sentit les larmes lui brûler les yeux. Mais elle refusa de céder ce petit plaisir à cet être odieux, sans âme immortel. Elle refusa tout simplement de courber l'échine. Acculée, elle sentait la rage bouillonner dans son corps, prête à être déversée. Qu'avait-elle à perdre ? Son salut ? À ce moment précis, malgré le coffre contre sa poitrine, elle ne s'était jamais sentie plus loin de Dieu qu'elle ne l'avait jamais été.
Une grimace déforma sa bouche et elle susurra avec véhémence :
— Va brûler en enfer, sale hérétique !
Puis pour marquer le sens de ses mots sûrement obscurs pour ces barbares, elle lui cracha à la figure. La main fusa vers sa gorge. Il ne cherchait pas à la frapper. Non. Au contraire. Il cherchait à la tuer. Elle fit la différence à la seconde où il commença à serrer. Plaquée au sol, elle n'avait peu de moyens pour s'en sortir. Elle s'agita, espérant glisser de son étreinte. Le coffre glissa de ses bras et roula au sol. Deux secondes s'écoulèrent où elle crut entrevoir une lumière blanche se former dans un semblant de tunnel. Puis la poigne s'arracha de sa gorge et l'air s'engouffra à flots dans ses poumons. Elle hoqueta et porta une main à son cou, encore sous le choc de l'attaque.
Un second viking avait séparé le premier de la religieuse. Une dispute, rapide et incompréhensible, monta entre les deux hommes. L'un poussa l'autre et le second leva le poing. Puis un troisième intervint d'une voix calme et ferme. Il était plus grand que tous les autres et présentait une barbe rousse éclatante pour un crâne chauve. Sa tenue était plus soignée, car en dépit des taches de sang, le tissu était de bonne manufacture, agrémenté de fils brodés dorés. La colère retomba puis après un assez long discours, il ramassa le coffre et le passa à un de ses compères.
— Non ! s'écria-t-elle par réflexe alors que la relique s'éloignait pour être déposée parmi les piles des biens pillés.
Chaque viking porta un regard dur sur Eulalie. Le troisième, qui paraissait être le chef soupira et prononça quelques mots à l'adresse de l'agresseur. Un sourire goguenard éclaira le visage de ce dernier. Il s'approcha alors de sa prisonnière. Dans un éclair, celle-ci comprit ce qui allait lui arriver. Un frisson maladif la parcourut. Des suppliques s'échappèrent de ses lèvres. Il posa une main lascive sur sa cuisse découverte par le combat. Elle compressa ses jambes entre elles mais la paume du viking était plus forte.
De l'autre côté, le chef se détourna et le reste de la bande s'activa pour préparer le dîner. La main glissa sous sa jupe alors qu'ils enfilèrent leur gibier sur des bâtons taillés et les plantèrent dans le sol, penchés au-dessus du feu de camp. Sous son crâne, une tempête rugissait. Elle se revoyait, une heure à peine, priant dans sa chambre, l'esprit soucieux mais le corps libre. Plus que jamais, elle avait peur de mourir, couverte de péchés à cause d'un autre.
Par bonheur ou par malheur, l'homme ne s'attarda pas. Alors qu'il soulevait sa bure d'un geste sec puis s'enfonçait dans son entrejambe, des larmes se mirent à glisser sur ses joues, incontrôlables. C'était douloureux mais avant tout humiliant. Ses grognements dans son oreille, la puanteur de sa peau, le contact abject de ses lèvres contre sa mâchoire. L'ensemble de son corps tendu au-dessus d'elle, dissimulant la présence rassurante des étoiles. Comme les cinq précédents viols qu'elle avait subi durant sa jeunesse, une part d'elle-même mourut dans son for intérieur. Une plaie mal cicatrisée qui se rouvrait, s'agrandissait, déchirait l'entièreté de son être. Elle aurait voulu crier, mordre, frapper. Tuer. Avec un couteau en plein cœur. Mais la souffrance, la peur et la domination de ce barbare sur elle la paralysèrent plus sévèrement que n'importe quelle corde.
Brisée par l'acte ainsi que par les souvenirs revenant à flots, elle reprit le murmure de ses prières, hurlant sous son crâne pour le pardon à chaque va-et-vient. Car malgré elle, malgré la douleur, malgré la honte, malgré le refus, elle ressentit une vague de plaisir répugnante assaillir son ventre. Elle la connaissait très bien pour l'avoir déjà expérimenté et elle ne put retenir sa haine pour son corps qui trahissait son esprit et sa foi. Couverte d'opprobre, elle aurait voulu se tapir dans une pièce sombre et ne jamais en ressortir.
Puis un cri d'avertissement déchira l'air. Le viking se figea en plein mouvement et leva la tête.
Une forme floue surgit alors d'entre les fourrés et sauta à la gorge de ce dernier. Dans un formidable mouvement de crocs, le cou se brisa et le corps de l'agresseur s'effondra au sol dans un couinement, sans vie. Un loup au pelage argent retomba sur ses pattes. Silencieux, élégant. Une machine à tuer. Il tourna son regard magnétique vers Eulalie mais n'amorça aucun geste menaçant. Sous le point de céder à la folie, elle ne put détourner les yeux. En larmes, mais stupéfaite, la Mère Supérieure ne vit dans le loup qui lui faisait face qu'une douceur incroyable en sa faveur. Il ne voulait nullement la tuer ou bien faire d'elle son repas.
Des cris semblables s'élevèrent de partout dans le camp. D'autres canidés surgirent d'entre les bois et plongèrent sur les pilleurs. Du sang gicla sur la neige fraîche. Des mains et certaines têtes volèrent. Ce fut un massacre terrible et sans pitié pour les hommes du Nord qui n'eurent pas le temps de faire étinceler leurs armes.
Les compagnons de meute se rassemblèrent une fois le travail fini, l'un avec le coffre en bois en travers de sa gueule. Il s'avança de sa démarche chaloupée, silencieuse et déposa la relique aux pieds de la religieuse. Intimidée, elle faillit reculer. Toutefois, quelque chose de plus grand qu'elle la retint sur place. Pendant un long moment, le loup au museau ensanglanté l'observa. Une forme d'intelligence brillait dans ses yeux ambré, Eulalie en était certaine. Ils se contemplèrent ainsi, communiquant au-delà des mots. Puis il baissa la tête et tourna des talons. L'ensemble de la meute, à l'exception d’un, s’éloignèrent dans la profondeur des bois.
Celui qui ne suivit pas le reste de son groupe sortit un museau prudent d'un buisson. Dissimulé durant l'assaut, ce dernier loup avait un pelage différent des autres : roux avec des reflets dorés et un regard émeraude. Il tenait dans sa gueule un paquet conséquent enrobé dans une couverture soyeuse. Eulalie, à la fois curieuse et encore angoissée, détailla le moindre fait et geste de la bête. Lorsque sa truffe froide frôla son bras, elle sursauta et recula. À fleur de peau, le moindre contact la raidissait. Le loup néanmoins ne sembla pas prendre ombrage. Avec un jappement presque rassurant, il s'approcha avec plus de lenteur et de précaution. Eulalie, la gorge sèche, le souffle court, s'efforça de rester immobile, encore craintive d'un coup de crocs mal contrôlé. L'animal plaça alors entre ses bras couvertes de griffures et de bleus le paquet qu'il transportait. Elle déglutit puis, d'une main tremblante, elle découvrit entre les plis du tissu le visage d'un ange. Un bébé âgé d'à peine un jour, à la peau aussi blanche que la neige, endormi et serein entre ses bras.
Le loup lécha d'un coup de langue le minois du nourrisson puis colla sa tête contre le bras d'Eulalie. Elle ne sut comment traduire parfaitement ce message incongru mais elle sentit l'importance du réconfort et de la confiance placée en elle. Enfin, le prédateur partit rejoindre sa meute, laissant la Mère Supérieure, seule, dans les bois, avec entre les bras un enfant abandonné.
Elle ignorait si elle rêvait ou si Dieu avait produit un de ses merveilleux et rarissimes miracles pour elle, petite prieure de Neustrie qu'elle était. Poussière d'un monde bien trop grand pour elle, elle se trouvait toutefois sauve, avec en sa possession un enfant protégé et non dévoré par les loups des Andaines.
Elle s'efforça à se lever malgré la douleur pulsant dans ses jambes. À se raccrocher à ses devoirs et à sa foi. Elle devait retrouver son prieuré, se changer, enterrer les mortes, prier avec les survivantes, leur raconter ce miracle de Dieu, s'occuper de l'enfant et reprendre le cours de sa vie. Ce ne serait qu'après qu'elle pourrait s'accorder un moment de faiblesse dans ses appartements, en privé.
Elle prit sous le bras la relique et s'apprêtait à serrer le nourrisson contre son cœur quand elle remarqua entre les plis de la couverture richement décorée une petite étoile brodée en fil doré. Elle l'extirpa et la retourna entre ses doigts. Il y était écrit sur la face arrière avec une main hâtive un prénom : Neven.
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