Chapitre 10
Elodie
Je sors de la salle de bains et il y va après moi, rouge pivoine. On dirait qu’il ne m’a jamais vue habillée pour dormir. J’essaie de sécher un peu mes cheveux. Je voulais m’asperger le visage pour me calmer et je me suis mis de l’eau partout. C’est bizarre d’être dans cet appartement. En plus, ce sera chez lui. Je n’y aurai pas ma place. Ça me déprime. Et demain, quand je serai seule chez Guy, ce sera encore pire.
Je regarde la nuit par la fenêtre en réprimant mon envie de pleurer. Alors que je suis perdue dans mes sombres pensées, Léo arrive derrière moi et m’enlace, plaquant son torse contre mon dos. Il ne dit rien, juste, il me serre dans ses bras en posant sa tête contre ma joue, sur mon épaule.
- Ça te fait peur ?
Je hoche la tête.
- Moi aussi. Mais en même temps, c’est une nouvelle vie qui commence. Et je la commence avec toi.
Je me retourne et enfouis mon visage dans son cou. J’ai envie qu’on s’embrasse. Mais on a peut-être eu notre dose de changement pour la journée.
On dort comme avant dans sa chambre ou dans la mienne. Peut-être encore plus collés qu’avant, comme si on faisait des provisions avant de dormir séparément. Quand le réveil sonne, je n’ai aucune envie d’aller en cours. Puis je me rappelle que je suis à cinq minutes de la salle, et que j’ai encore du temps. Je souris à cette idée et en levant les yeux, je croise le regard caramel de Léo. Il m’a vue sourire et regarde mes lèvres, puis y passe doucement son doigt. Je dépose un léger baiser dessus, et il s’immobilise dans un souffle. Cette fois-ci, c’est moi qui l’embrasse, qui pose mes lèvres sur les siennes. Et cela me semble tellement léger. Comme si ce n’était que le début.
Quand le second réveil sonne, nous reprenons notre souffle. Léo est allongé sur moi, une jambe entre les miennes, et je sens son désir contre le mien.
La journée de cours passe comme dans un rêve, j’ai du mal à rester ancrée dans la réalité. A répondre aux questions de l’assistante sociale, à ne pas stresser pour la soirée qui m’attend. En sortant des cours, Léo est là et, ma main dans la sienne, me ramène à l’appartement de Guy. Il me fait promettre de l’appeler si les choses se passaient mal. Je finis par accepter, dépose un léger baiser sur ses lèvres et m’enfuis dans l’escalier.
En rentrant, j’essaie d’agir comme d’habitude. Je me dirige vers ma chambre et jette un œil dans celle de Léo. J’ai un hoquet de stupeur. Elle est vide. Il a tout enlevé. On dirait une chambre d’hôtel : il n’y a plus que le lit sans draps et une armoire vide.
Je croise Guy, triomphant. Et oui, c’est fini ! il est parti ce petit con ! Puis il plisse des yeux en se rapprochant de moi. Et toi ? où tu as dormi la nuit dernière ? sous les ponts avec lui ?
- Non. Chez une copine. En fait, cette année, on a plein de projets de groupe pour le bac. On doit faire des trucs collectifs donc régulièrement j’irai dormir chez Julie ou une autre copine. Voilà, tu t’étonneras pas. J’ai vu avec maman, elle est d’accord.
Il ne répond rien et je m’enferme dans ma chambre. Heureusement que j’avais tout entreposé ici. Sinon je crois que ses livres et ses BD auraient fini à la benne. Maintenant, il va falloir que je sorte l’équivalent de trois cartons de déménagement de bouquins cachés sous mon lit, discrètement.
Alors que je médite sur le sujet en envoyant un sms à Léo pour le rassurer, quelqu’un frappe à la porte et je me retrouve nez à nez avec Jérémy. Il entre et referme derrière lui. Nous n’avons pratiquement jamais discuté, je dois être en train de le regarder avec les yeux écarquillés d’un hibou. Lui-même a l’air gêné.
- Je sais que c’est toi qui as pris toutes ses affaires. J’ai dit à Guy que je m’en étais occupé pour ne pas qu’il t’embête avec ça. Léo doit sûrement m’en vouloir et il aurait raison. Mais… enfin si tu peux me donner de ses nouvelles de temps en temps. Ou lui dire de m’écrire pour m’en donner. Je suis un père bien médiocre mais… enfin il reste mon fils. Et je tiens à lui.
- Je lui dirai.
- Il… il a un endroit où dormir ?
- Oui.
Au moment d’aller me coucher, dans le tee-shirt de Léo que j’ai emporté avec moi, je prends mon téléphone et vois que j’ai plusieurs messages de lui.
Demain tu dors chez moi ? ou après-demain ?
Non, demain, c’est mieux.
Je t’ai acheté une brosse à dents. Il me faudrait le modèle de ta crème et éventuellement ce que tu prends en protections hygiéniques, pour que je ne fasse pas d’erreur.
Apporte des chaussons et quelques vêtements de rechange. Peut-être aussi de quoi te maquiller. Laisse tomber les pyjamas, j’aime bien que tu dormes dans un de mes tee-shirt.
Il est en train de faire la liste de ce qu’il faut pour que je me sente chez lui comme chez moi. Cela me fait soudain chaud au cœur, comme s’il était près de moi.
Demain ramen. ;)
Ah est-ce que tu peux m’apporter mes livres de Robbe-Grillet et Sarraute ? on travaille le Nouveau Roman à la fac.
Et de quoi dessiner, pour toi.
Je vais voyager léger demain moi. Ou alors je passe chez lui tout déposer avant d’aller en cours. Mon téléphone sonne.
- Bon en fait avec tout ça, tu vas être hyper chargée. Ça risque d’être suspect non ?
- T’inquiète, je vais tout répartir dans deux sacs, ça fera juste comme si j’allais au sport. Et puis j’ai prévenu Guy que je ne dormirai pas toujours là.
Je l’entends sourire à l’autre bout du fil. Un bruit de drap m’indique qu’il est dans son lit.
- Tu me manques.
A dix-huit heures, la sonnerie retentit. A dix-huit heures cinq, je suis devant sa porte. J’avais juste déposé le sac de sport plein à craquer ce matin, en coup de vent. Il était déjà parti à la fac. A présent, il est là. Deux jours loin de l’appartement et il est métamorphosé. Il est lumineux. Souriant. Détendu. Je comprends que c’est parce qu’il n’a pas peur d’être battu. Il peut être qui il est, comme il le veut. Il est libre. Il a l’air heureux.
Je le laisse m’entraîner dans la chambre : il a rangé mes vêtements dans son armoire, ma nouvelle brosse à dents m’attend près de la sienne et il a installé un coin pour mes cahiers et mes feutres près de la fenêtre. Il me tend un petit paquet : c’est une peluche rockstar guitariste accrochée à un anneau.
- C’est pour tes clefs d’ici.
Je les lui donne et il les attache au porte-clefs.
- Par contre, je réalise que, comme je n’ai jamais trop eu accès à la cuisine chez Guy, je ne sais absolument rien préparer à manger. J’ai acheté deux trois trucs, mais ce soir ce sera nouilles instantanées parce que je n’ai pas envie de t’empoisonner dès le premier soir.
Je ris. Ok, on va apprendre à cuisiner alors. Moi non plus, je ne sais pas faire grand-chose.
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