Chapitre 8
Léopold
Je crois que je vis un cauchemar. J’ai à peine dormi chez Clément. Seul dans mon sac de couchage au pied de son lit, il manquait une présence douce et chaleureuse. Et elle m’en veut. Et je suis sûr que je la déçois.
J’ai à la fois de la hâte de la voir après les cours et une sorte d’appréhension sourde. Comme si tout avait changé.
Je passe la journée tendu et irascible. En plus il y a une fille qui me tourne autour depuis quelque temps. Elle est de plus en plus insistante. Pour qu’elle me lâche, je lui ai donné mon ancien numéro de portable. Mais visiblement ça ne l’arrête pas.
Il est seize heures, dans quelques minutes je vais retrouver Elo. J’entends une voix de fille piailler à côté de moi, mais soudain tout s’arrête. Elle est là. Sur le trottoir d’en face.
Elle porte mon sweat, elle a ma guitare sur le dos, une valise et ce qui ressemble à douze sacs autour d’elle. Je crois qu’elle ne m’a jamais semblé aussi belle. J’entends vaguement des conversations féminines autour : c’est qui cette fille ? c’est sa sœur ?
Je traverse la rue et me précipite sur elle. Elle a l’air aussi perdue que moi. Je caresse sa joue, prends son visage dans mes mains et l’embrasse. Je n’avais jamais osé faire ça. Là, c’est comme si j’étais libre de le faire. Je voulais juste poser mes lèvres sur les siennes mais ce n’est pas suffisant. Nos regards se croisent et chacun agrippe l’autre plus fortement, se cherchant des lèvres, de la langue, nos corps collés l’un à l’autre. Un de ses sacs tombe.
- Ah non, visiblement, ce n’est pas sa sœur.
Quand on arrête enfin de s’embrasser, je la serre dans mes bras. Je sens qu’elle va se débattre un peu avec les mots.
- J’ai pris ce que j’ai pu. J’ai vidé tout le reste et l’ai caché dans ma chambre. Mais… écoute, ne te fâche pas, j’ai tout raconté à Mme D. Elle m’a donné son numéro hier, et bref, je l’ai appelée, je lui ai expliqué la situation, et elle en a parlé à la proviseure du lycée. Je ne sais pas trop comment mais on a une solution pour six mois. Il y a un appartement de libre au lycée. Je ne savais même pas qu’il y avait des appartements dans le lycée. Et donc tu peux y aller. On y va maintenant même, si ça te va, j’ai tout arrangé normalement. Elles nous attendent.
Je la regarde, bouche bée. Je crois qu’elle a décidé qu’elle devait me sauver à chaque fois. Je me sens à la fois nul et reconnaissant.
Je hoche la tête et attrape des sacs et la valise. On prend le tramway chargé comme deux mules et je me demande comment elle a porté ça toute seule. Arrivés devant son lycée, elle sort son nouveau téléphone et appelle Mme D., qui arrive deux minutes plus tard avec la proviseure et des clefs. Les deux femmes me détaillent de la tête aux pieds et je sens qu’Elo a encore envie de faire paravent devant moi.
Une fois dans l’appartement, on s’installe tous les quatre dans le salon. Les deux femmes sont sur les chaises, devant nous, Elo et moi sommes côte à côte sur le canapé. Comme deux enfants pris en faute.
Elles me posent des questions, j’y réponds. Ça a l’air de confirmer ce que leur a dit Elo. Elle est droite comme un i, totalement immobile et tendue. Je crois qu’elle a arrêté de respirer.
La proviseure explique que ce n’est pas très orthodoxe ni très légal mais que pour six mois, elle veut bien nous dépanner. Que Elo est mineure et qu’elle devra rentrer à l’appartement. Pas fuguer pour vivre ici avec moi. Je paierai un loyer hyper modéré et j’aurai un accès indépendant des grilles officielles du lycée. Bien sûr au moindre manquement, je serai viré.
J’accepte tout. C’est inespéré.
La proviseure et Mme D. s’apprêtent à partir et attendent visiblement que Elo s’en aille aussi. Quand elles énoncent cette idée à haute voix, on répond en même temps : non.
C’est moi qui prends la parole.
- Pas ce soir. Elle est partie avec mes affaires. C’est risqué de rentrer tout de suite. Elle rentrera demain, et je ne serai pas loin au cas où. Mais…
- Pas ce soir, termine Elo.
Les deux femmes hésitent mais acceptent notre explication, tout en annonçant que le lendemain il y aura une rencontre avec l’assistante sociale. Puis elles partent et on se retrouve tous les deux.
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