Note de l'auteure :⚠️Les chapitres de Manon sont difficiles à lire : phrases courtes, informelles avec un vocabulaire peu enrichi et les actions très décrites. Le personnage voit le monde différemment des autres personnes, les émotions/sentiments lui sont étrangers. Merci de prendre en compte ces informations durant votre lecture.
Vendredi 7 janvier 2022 - Manon
Ma valise dans une main et un sac dans l’autre, je rejoins le hall d’aéroport de Miami. Mon voyage a duré vingt-deux heures, je suis épuisée et j’ai faim. J’ai fait escale à Istanbul où je n’ai pas eu le temps de prendre quelque chose à manger.
Je cherche Makoto parmi la foule. Je lui ai téléphoné hier, tard dans la soirée, mais tôt aujourd’hui pour lui. L’appel n’a pas duré plus de deux minutes. Je ne sais pas quoi penser de nos retrouvailles. Comment va-t-il réagir ? Comment vais-je réagir ? Est-ce que ça sera différent ? Toutes ces questions m’oppressent et nouent mon estomac.
Des mains se posent sur mes épaules. Je me tourne et à la seconde où je le vois, je sens un poids quitter mes épaules. Makoto me fait face et je ne peux retenir un léger sourire, mais il n’y répond pas. Une douleur dans mon cœur ternit mon visage. Je suis Makoto alors qu’il m’entraîne vers la sortie. Je m’arrête sur le parking lorsque je la vois. Ma voiture…je laisse tomber mes affaires à mes pieds et rejoins ma Dodge. J’avais oublié à quel point j’appréciais cette voiture. Ma poitrine se gonfle de fierté en passant ma main sur la carrosserie. J’avais confié les clés à Makoto avant de partir pour l’Ouganda, je peux voir qu’il en a pris soin.
– Attrape !
Je réceptionne les clés et prends place derrière le volant pendant que Makoto met mes affaires dans le coffre. Je soupire en sentant le cuir du volant, je mets le contact et souris de toutes mes dents en entendant le moteur ronronner. Je pianote sur la surface tactile de la voiture et entre l’adresse de la maison. Une boule se forme dans ma gorge, je chasse les larmes ainsi que les souvenirs qui inondent mon esprit. Je ne dois pas pleurer, je ne dois pas me laisser aller.
– Attends.
Makoto prend le contrôle du GPS et y ajoute un itinéraire. Je tourne la tête vers lui.
– J’ai des affaires et les chiens à récupérer.
Je quitte le parking et prends la direction que m’indique le GPS dans le silence. Je ne sais pas quoi lui dire.
– Makoto…
– Manon…
Je tourne la tête vers lui, un léger sourire se dessine sur son visage lisse.
– Comment vas-tu ?
Ma mâchoire se contracte et mes mains agrippent le volant jusqu’à ne plus avoir de sang qui circule dans mes doigts. Que suis-je censé faire ? Que suis-je censé dire ?
– Je…
– Excuse-moi, ce n’est pas une question à te poser.
– Ce n’est pas ça, simplement je ne sais pas comment mettre des mots dessus.
C’est mon plus gros problème. Charlie me fait des listes de vocabulaire, elle prend le temps de m’expliquer les émotions. Cependant, j’ai toujours énormément de difficulté à poser les bons mots sur ce que je ressens.
– Tu sembles différente.
Oui, je le suis. J’avance, même si je sens que quelque chose me bloque et m’empêche de pleinement me dévoiler.
Nous ne parlons plus jusqu’à notre première destination. Je gare la voiture le long d’un trottoir et coupe le moteur. Makoto descend et je l’imite. Il me guide jusqu’à une chambre d’hôtel. Il sort une clé et l’insère dans la serrure. Derrière la porte, j’entends les chiens gratter et aboyer. Makoto ouvre la chambre et nous entrons. Mon cœur se gonfle en voyant Jupiter et Apollo me tourner autour et me renifler. Je m’agenouille devant eux et laisse les larmes rouler sur mes joues. Les deux chiens me lèchent les mains, le cou, le visage. Je me laisse faire avec un sourire aux lèvres. Je me relève quand Makoto revient avec ses affaires. Il met la muselière et la laisse à Jupiter pendant que j’attache Apollo. Puis nous quittons tous ensemble la chambre d’hôtel.
Nous faisons monter les chiens sur les sièges arrière. Je reprends ma place derrière le volant et nous poursuivons notre route jusqu’à la maison de mon enfance. Makoto met un fond de musique et je me renseigne sur sa vie en Floride.
– Je passe des auditions de danses, mais je ne suis jamais pris, je n’obtiens jamais ma chance. Je commence à perdre espoir, surtout que je peine à vivre avec ce que je gagne en dansant dans une boîte de nuit.
Je me rends compte que ça n’a pas dû être facile pour lui de vivre tous seul ici. J’aurais dû l’appeler, prendre de ses nouvelles, mais je ne l’ai pas fait.
– Et toi ? Tu fais toujours des courses de rues ? Tu as dû te faire une sacrée réputation !
– Je n’ai pas fait une seule course depuis que je suis partie.
– Ça ne te manque pas ?
– Si…
Je soupire. C’est vrai que la sensation de la vitesse, de l’adrénaline me manque, mais je ne peux plus faire de courses. Je n’ai pas su comprendre le comportement de mon père lorsque la police m’a arrêté, mais maintenant oui, et je ne peux pas prendre de nouveau le risque de me tuer en courant.
Makoto semble surpris par ma réponse si rapide et complète. C’est vrai que j’ai beaucoup changé, mais Charlie m’a dit qu’il ne fallait pas que je me précipite. Je dois prendre le temps de comprendre et de chercher au fond de moi. J’essaye de ne plus m’arrêter seulement aux sensations de mon corps, je dois poser les mots sur ce que je ressens et sur ce que les autres ressentent. Je le dois à mon père et à Letty. Je ne peux plus me cacher derrière mon alexithymie.
– Te rends-tu compte ?
– De quoi ?
– Qu’il y a quatre mois, quand on s’est rencontré, jamais tu n'aurais pu tenir un tel discours ! Tu fais d’énormes progrès, c’est incroyable !
Il a raison, mais l’idée de faire tant de progrès amène mon estomac à se nouer et à former une boule dans ma gorge. J’ai parfois l’impression que la voie de la guérison n’est pas le meilleur choix.
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