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Note de l'auteure :⚠️Les chapitres de Manon sont difficiles à lire : phrases courtes, informelles avec un vocabulaire peu enrichi et les actions très décrites. Le personnage voit le monde différemment des autres personnes, les émotions/sentiments lui sont étrangers. Merci de prendre en compte ces informations durant votre lecture.

Jeudi 2 décembre 2021 - Manon

L’horloge au-dessus de la télévision du salon vient de passer minuit. Nous sommes officiellement le 2 décembre. Mon père va bientôt rejoindre la fusée pour aller dans l’espace. Nous sommes tous assis pour regarder le décollage. Makoto est entre sa sœur et moi. Tenshi est assis sur le fauteuil avec Sue sur ses genoux.

Je vois mon père et ses copilotes sur l’écran. Ils s’avancent jusqu’à la fusée en saluant la foule. Il sourit aux caméras et mon cœur se serre. Je baisse la tête. Makoto pose sa main sur la mienne. Je le regarde.

– Tout ira bien, ne t’en fait pas. Tout s’arrangera tu verras.

Il m’offre un sourire que je lui retourne. Je serre sa main dans la mienne et nous nous tournons vers l’écran.

– Nos astronautes s’avancent jusqu’à la fusée dans laquelle ils s’envoleront dans quelques instants pour rejoindre la navette spatiale Théanias. Durant les six prochains moins, l’équipage va reprendre les travaux des astronautes se trouvant à bord de la navette et qui serons de retour parmi nous dans une semaine.

Les quatre astronautes s’alignent devant la fusée. Les photographes prennent de nombreux clichés, puis la journaliste s’approche d’eux avec un micro.

– Astronaute Norman Anderson, vous êtes en charge de cette équipe. Appréhendez-vous le décollage ?

– L’appréhension ne peut pas être évitée, chaque décollage est risqué. Je fais pleinement confiance à nos équipes qui, pendant que nous parlons, vérifient tous les paramètres pour un décollage dans les meilleures conditions.

– Donc il n’y a aucun risque ?

– Le risque zéro n’existe pas, mais nous essayons de les minimiser au maximum pour nous permettre d’atteindre les étoiles.

– En quoi va consister votre travail dans la navette spatiale Théanias ?

– Nous allons étudier la Terre, la Lune ainsi que les étoiles qui nous entourent et observer l’évolution des plantes et des insectes présents à bord de la navette. Le but de notre mission est de comprendre l’univers et d’où nous venons. Nous essayons également de répondre à la question d’une possible vie en dehors de notre environnement terrestre.

– Beaucoup de mystère à résoudre !

– Oui, mais c’est ce qui est fascinant et fait la beauté de l’univers !

– Nous allons vous laisser rejoindre la fusée et vous souhaites un bon décollage. Merci pour cette interview Norman.

– Avec plaisir, Catherine.

Mon père salut la caméra, puis lui et son équipe rejoignent l’élévateur. Je les vois mettre leur casque sur leur tête alors qu’ils arrivent devant une lourde porte en haut de la fusée. Je regarde mon père disparaître dans la structure.

– On me dit dans l’oreillette que les dernières vérifications ont été faites, le compte à rebours à commencer.

Je serre la main de Makoto dans la mienne. J’ai du mal à respirer. Mon cœur bat très vite. Je me mors la lèvre inférieure en me remémorant les dernières paroles que j’ai échangées avec mon père. Je n’aurais pas dû lui parler de cette façon. Maintenant je vais devoir attendre six mois avant de pouvoir de nouveau lui parler.

Je regarde les chiffres défiler en bas de l’écran à mesure que le centre de contrôle commente le compte à rebours.

– 10…9…8…7…6…Allumage moteur principal. 5…4…3…2… Mise à feu. 1…Décollage !

La fusée décolle dans un nuage de fumée et s’envole dans les airs. Je retiens mon souffle. Je lâche la main de Makoto et me penche en avant. Je pose mes coudes sur mes genoux et croise mes mains. Une boule se forme dans mon estomac et dans ma gorge.

– Bonne propulsion…

J’écoute les commentaires des techniciens qui analysent attentivement chaque paramètre de la fusée depuis le poste de commande.

– Paramètres nominaux…les données sont bonnes. Tout va bien, DDO.

Sue, Tenshi, Kyoko et Makoto applaudissent, mais moi je reste concentrée sur l’écran.

– Légère augmentation du vecteur de propulsion.

– Nous avons dû flottement. Nous avons une très grosse précession.

– Niveau d’alerte atteint.

Je plaque ma main sur ma bouche. Je sais ce que cela signifie. Je sais ce qui va arriver. Dans le salon, tout le monde retient son souffle. Ont-ils conscience de ce qui va arriver ? Moi je sais, mais je ne réalise pas.

– En rotation, précession 17°.

– La fusée encaisse 7 G.

Je sens les larmes monter. Jamais je n’aurais dû lui parler comme je l’ai fait. J’aurais dû m’excuser. J’aurais dû décrocher à tous ses appels. Pap…

– On a perdu le signal.

Je hurle devant les images de la fusée qui explose en plein vol. L’inévitable s’est produit. Je le savais. Alors pourquoi la douleur est si forte ?

– Récupération des données ?

– On l’a perdu…

– SatCon ?

– Aucune acquisition de signal satellite.

– Signal perdu.

– Ici aussi.

– Le destroyer Stockton signale une chute de débris.

Je glisse du canapé. C’est un cauchemar. Je vais me réveiller. La fusée n’a pas pu exploser. Les paramètres étaient bons. Ils avaient fait les vérifications. Mon père ne peut pas être… Je hurle à m’en décrocher les poumons. Mon cœur est écorché à vif. Ma poitrine me brûle et je n’arrive plus à respirer. Je perds tous mes repères. Je ne sens plus que la douleur.

Je ne sais pas depuis combien de temps je me balance d’avant en arrière, mais j’ai arrêté de hurler. La fusée a explosé. Mon père est mort. Les larmes s’arrêtent de couler, puis je sens mon cœur se durcir jusqu’à devenir de la pierre. Je me relève. J’entends qu’on me parle, mais je ne regarde personne. Je quitte la maison et rejoins l’enclos du lionceau. J’entre dans la cage. La lionne tient son petit endormi contre son flanc. Elle lève la tête vers moi. Je m’accroupis à côté d’elle et elle lève sa patte. Je m’allonge à côté du lionceau. La patte de la mère se referme sur mon corps et je ferme les yeux, toute trace de douleur envolée. Il ne me reste plus rien. Il n’est plus là…