Mardi 23 novembre 2021 – Makoto
Cinq jours sont passés et j’ai l’impression d’être étranger à ma propre vie, je suis en train de me perdre et je ne sais plus si j’ai envie de m’en sortir. En réalité, je ne sais plus qui je suis. Chaque nuit, je cauchemarde des trois hommes et de Manon, je la vois sans défense, incapable de se libérer de l’emprise de ses assaillants, pendant que j’observe la scène sans pouvoir bouger, ni même lui venir en aide, et chaque fois je perds une petite partie de moi alors que je me réveille, en sueur.
Le miroir en face de mon lit me renvoit mon reflet, mais j’ai l’impression que c’est celui d’un étranger. Quand je repense à qui j’étais il y a quelques mois, je me sens pathétique. Comment ai-je pu penser que je réussirais à intégrer une troupe de danseurs et que j’arriverais à vivre la vie dont je rêvais ? Au final ce n’était que les rêves d’un gamin qui n’a jamais voulu grandir et voir la réalité en face. Je suis las de ma vie et de qui je suis.
Je regarde l’heure sur mon téléphone et me lève péniblement. Je descends dans la cuisine où personne ne fait attention à moi : Tenshi et Kyoko parlent, rigolent ensemble sans se soucier que je fais moi aussi, partie de leur famille. Manon arrive quand je prends place en face de mon paternel. Je lève la tête vers elle, nos regards se croisent et je ne peux empêcher mon cœur de battre plus vite, je sais pourtant que je ne devrais pas réagir ainsi, mais je dois me rendre à l’évidence, j’éprouve des sentiments pour elle. Je ne sais simplement pas encore comment bien les interpréter. Je lui souris faiblement et à plus mon grand plaisir, elle me le rend. Je ferme un instant les yeux, soulagé.
– Peut-on savoir ce qui te fait sourire ? Laisse-nous en profiter.
J’ouvre les yeux en serrant les dents. Je regarde Tenshi et ne vois plus qu’aucune trace de l’homme joyeux qui échangeait avec sa fille chérie. Je serre les poings, prêt à exploser.
– Alors ? Qu’est-ce qui te fait sourire comme ça ?
– Rien.
Pourquoi s’acharne-t-il autant sur moi ? S’il me considère avec si peu d’intérêt, pourquoi se donne-t-il autant de mal pour épier le moindre de mes faits et gestes ?
– Je t’en prie Makoto, soit digne de ton prénom, fait preuve de sincérité !
Mon poing frappe la table. Kyoko en lâche ses baguettes et j’écope d’un regard noir. Je me lève brusquement, la chaise tombe par terre, j’empoigne la table et la pousse vers celui que je devrais appeler « papa ». Il se met immédiatement debout, prêt à faire valoir sa force et sa supériorité, mais je ne lui en laisse pas l’occasion, car je quitte la cuisine et rejoins ma chambre en silence.
Je m’appuie contre la rambarde de mon balcon pour regarder la nuit s’étendre et les étoiles apparaître dans le ciel. Je soupire longuement, ma vie n’a plus aucun sens. Je laisse reposer mon front sur mes mains et ferme mes yeux pour me laisser bercer par les bruits de la nuit. Je me redresse lorsque je sens une présence. Je m’attends à voir Sue, mais c’est en réalité Manon qui se tient à côté de moi.
– Qu’est-ce que tu fais là ?
Mon ton est sec, je n’ai pas la patience de discuter avec quelqu’un qui ne répond rien et qu’il ne montre aucune émotion. Je soupire encore une fois et me mets dos à la barrière, épuisé par cette colère perpétuelle.
– Qu’est-ce qui se passe avec ton père ?
Je laisse échapper un petit rire qui masque à peine ma colère, de toute manière Manon n’est même pas capable de la déceler. Au fond de moi je bouillonne, elle ose vraiment me poser cette question alors qu’elle ne répond à aucune des miennes et qu’elle reste murée dans le silence ? Elle croit que je vais gentiment lui donner ce qu’elle veut sans broncher ? Je me place devant elle et la regarde avec toute la rage et la douleur qui m’animent.
– Tu as le culot de me poser des questions alors que tu ne réponds jamais aux miennes ! Tu penses faire de moi ta marionnette, c’est ça ?
J’ai beau m’énerver, je parle à un mur. Manon reste égale à elle-même. Je me détourne et passe nerveusement une main dans mes cheveux.
– Qu’est-ce qui se passe avec ton père ?
Je m’avance brusquement vers elle, nos nez se touchent presque.
– Qui est Letty ?
À la seconde où les mots ont franchi mes lèvres, le regard de Manon se brise et ses yeux se remplissent de larmes. Elle recule de quelques pas et court pour quitter ma chambre, la main plaquée sur sa bouche pour étouffer un cri. Je lui tourne le dos et la laisse partir sans m’excuser.
Je m’assois contre le mur et observe le ciel. Je devrais probablement me sentir coupable de lui avoir fait autant de mal, ce n’est pourtant pas le cas. Elle doit comprendre que je ne suis pas son pantin, qu’une conversation ce n’est pas à sens unique. Je conçois que de par sa maladie c’est très compliqué pour elle, cependant je ne vais pas pouvoir continuer de subir ses comportements qui varient à la moindre occasion. Je pense avoir déjà suffisamment donné pour elle pour mériter un petit peu de considération. Si Manon n’est pas capable de faire un minimum d’effort, alors une décision devra être prise.
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