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tome 1, Chapitre 7 « Charlie sait » tome 1, Chapitre 7

Note de l'auteure :⚠️Les chapitres de Manon sont difficiles à lire : phrases courtes, informelles avec un vocabulaire peu enrichi et les actions très décrites. Le personnage voit le monde différemment des autres personnes, les émotions/sentiments lui sont étrangers. Merci de prendre en compte ces informations durant votre lecture.

Samedi 28 août 2021 – Manon

Le réveil sonne. J’appuie sur le bouton. Apollo relève la tête quand je me lève. Il me regarde prendre des habits dans le placard. Je rejoins la salle de bain. Je ressors prête. Je quitte la chambre avec Apollo. Il me suit dans la cuisine. Il se dirige vers Jupiter. Ils se touchent le museau. Leurs queues bougent de gauche à droite. Je m’assois à la table. Je mange le reste de pancakes et de gaufres d’hier.

J’entends des pas approcher. Mon père rejoint la cuisine. Il passe à côté de moi. Il pose sa main sur mon front. Il pense que je suis malade ? Le suis-je ?

– Bonjour ma chérie.

Il m’observe en s’asseyant en face de moi. Il attend que je réponde quelque chose ? Que dois-je dire ?

– Bonjour.

La bouche de mon père s’étire vers le haut. J’ai dû dire ce qu’il fallait. Je finis de manger. Je mets les couverts à laver. Je rejoins la chambre. Je me brosse les dents. Je prends un sac à dos posé par terre à côté de la porte. Je rejoins le hall. Je mets des chaussures. Je prends la boîte avec les pochoirs et les bombes de peintures. J’ouvre la porte. Je rejoins la voiture. Je mets le carton dans le coffre. Mon père arrive avec l’autre boîte contenant les pièces mécaniques. Je m’assois sur le siège passager. Mon père s’installe derrière le volant. Le moteur ronronne. Je sens un coin de ma bouche s’étirer vers le haut. Mon cœur bat plus fort.

Mon père roule jusqu’à l’hôpital. Je regarde le grand bâtiment. Je sens une boule se former dans mon estomac. Ma cage thoracique se serre. Ma respiration devient saccadée.

– Je vais déposer les cartons au garage, à ce soir, ma chérie.

– Ok.

Je prends la poignée de la portière dans la main. Je reste un instant à ne pas savoir quoi faire. Quelqu’un klaxonne. J’ouvre la portière. Je sors. Je regarde mon père reprendre la route en direction de son travail.

J’entre dans l’hôpital. Je monte dans l’ascenseur. J’appuie sur le numéro quatre. J’arrive dans un couloir où une forte odeur pique mon nez. Une secrétaire me regarde. Je passe devant elle avant qu’elle parle. Je rejoins une salle d’attente. J’appuie sur un interrupteur pour signaler ma présence. Je m’assois sur une chaise. J’attends. Il y a des cadres de paysages sur les murs vert pâle de la pièce. Je les regarde comme à chaque fois que je viens ici. Charlie m’a dit d’essayer de « ressentir » quelque chose. Je ne comprends pas ce qu’elle veut dire. Ce sont que cadres avec une image à l’intérieur.

La porte s’ouvre. Un homme en sort les yeux rouges et gonflés. Il tient un mouchoir devant sa bouche. Je regarde ses épaules faire des petits sauts non réguliers. J’entends Charlie tousser. Je me tourne dans sa direction. Elle me fait signe d’entrer.

Je me retrouve dans cette pièce deux fois par semaine. Je m’assois sur le canapé. Il est collé au mur en face du bureau. Le cabinet de Charlie est blanc et jaune pâle. Il y a des cadres avec des images accrochés aux murs. Il y a des plantes placées à plusieurs endroits. Sous mes pieds, il y a un tapis qui recouvre le parquet. Charlie s’assoit sur un fauteuil en face de moi. Il est de travers. C’est étrange. Pourquoi ne place-t-elle pas les meubles droits ?

Elle tient entre ses mains un carnet. Elle l’utilise pour noter des choses durant les séances.

– Bonjour, Manon. Comment vas-tu aujourd’hui ?

– Bonjour.

Charlie note quelque chose dans son bloc-notes.

– Tu as apporté le carnet que je t’ai offert ?

– Oui.

– Tu as noté des choses dedans comme je te l’ai demandé ?

– Oui.

Je vois les yeux de Charlie s’ouvrir en grand. Sa bouche forme un « o ». Mon père a fait la même chose hier. Est-ce que ça signifie quelque chose ? Je prends le carnet dans le sac à mes pieds. Je le donne à Charlie. Elle l’ouvre. Les traits de son visage changent.

– Manon…

Elle soupire. Je vois ses pupilles grossir alors qu’elle me regarde.

– Tu dois vraiment faire des efforts, Manon.

– J’ai écrit.

– Je t’ai demandé une présentation.

– C’est ce que j’ai fait.

– Juste ton nom et prénom ! Tu es plus que ça Manon.

Charlie me redonne le carnet. Elle croise ses bras sur sa poitrine. J’ai du mal à avaler ma salive. Il y a une boule dans ma gorge.

– Pour notre prochaine séance, je veux que tu aies fait une véritable présentation et même que tu aies écrit d’autres choses. C’est difficile pour toi, je sais bien.

Elle le sait vraiment ? Si c’est le cas, pourquoi me force-t-elle à faire ça ?

Je prends le carnet. Je le range dans le sac.

– Raconte-moi ta journée d’hier. Julien m’a dit que tu n’avais pas voulu participer à la thérapie de groupe.

C’est son prénom ? Julien. M’en rappellerai-je la semaine prochaine ?

– Manon ?

Charlie me force à parler. C’est son travail. C’est pour ça que je suis ici. Mais pourquoi ? Qu’est-ce que ça m’apporte ?

– Non.

– Non ?

– Je n’ai pas participé.

– Pourquoi ? Qu’a-t-il demandé ?

Elle le sait déjà. Elle veut que je le dise moi-même. Je ne comprends pas pourquoi.

– Je devais parler d’un souvenir…

Je réfléchis. Quel mot a-t-il utilisé ?

– Heureux et…

Quel était le deuxième ?

– Triste.

Les mots ont du mal à franchir mes lèvres. Ils me paraissent étrangers. Je ne les comprends pas.

– Pourquoi ne pas avoir répondu ?

– Tu sais pourquoi.

– Dis-moi Manon.

Je serre mes mains en forme de poings. J’entends mon cœur battre à mon oreille. Je sens ma mâchoire se contracter. Mes traits du visage deviennent plus durs. Ma cage thoracique se gonfle. Chaque respiration est plus difficile que la précédente. Je sens mon sang pulser dans mes veines.

– Parce que je n’en ai pas !

Les muscles de mon corps se relâchent. J’ai un mouvement de recul. Que vient-il de se passer ? Pourquoi ai-je parlé si fort ?

– Ça s’appelle de la colère, une émotion forte et primitive.

Je pose mes mains sur mes cuisses. Petit à petit ma respiration ralentit. Je n’entends plus les battements de mon cœur contre mon oreille. Le vide revient. Est-ce vraiment de la colère que j’ai ressentie ? Je ne sais pas. Je regarde Charlie noter quelque chose. Puis elle me pose une nouvelle question.

– Comment s’est passé le reste de ta journée ? Tu as dû recevoir des cadeaux, qu’as-tu eu ?

– Des pièces pour ma voiture. Des pochoirs. Des bombes de couleurs.

– Tu as l’air contente de ce cadeau. Qui te l’a offert ?

À chaque séance, Charlie emploie des mots que je ne comprends pas. Est-ce qu’ils définissent ce que je devrais ressentir ? Pense-t-elle que me les dire m’aidera ?

– Mes grands-parents.

– Lesquels ?

– Frances et Howard.

– Les parents de Norman ?

Elle parle de mon père.

– Oui.

– Tu as eu d’autres cadeaux ?

– Des mini-voitures de collection.

– De la part de qui ?

– Ma tante, mon oncle, mes cousins et mes cousines.

– La sœur de ton père ?

– Oui.

– Tu as eu autre chose ?

– Un chèque.

– De qui ?

– Ma m… Sue.

– Je vois.

Charlie écrit de nouveau dans son carnet. Mes mains deviennent humides. Je sens mes jambes trembler. Mes chaussures tapent contre le parquet. Je me mords la lèvre. Un frisson me glace le dos. Je regarde Charlie. Elle écrit toujours. Va-t-elle me poser une autre question ? Va-t-elle me parler de Sue ? Il ne faut pas.

– Des messages. J’ai…j’ai reçu des messages de toute la famille.

Charlie lève la tête vers moi les yeux grands ouverts. Elle ouvre la bouche. Une sonnerie retentit. Je soupire. Mes jambes arrêtent de trembler. J’essuie mes mains humides sur mes cuisses. Je me lève. Charlie m’imite. Elle s’avance vers moi.

– Qu’as-tu prévu aujourd’hui ?

– Je vais au garage.

– Toute la journée ?

– Oui.

– Et ce soir ?

Mes mains se contractent contre mon corps. Je sens le regard de Charlie sur moi. Une boule se forme dans ma gorge. Je regarde sa main qui tient la poignée de la porte. J’attends. Je lève les yeux vers son visage. Elle ouvre la porte.

– À mardi, passe un bon week-end et fais attention à toi.

Je m’arrête un pied en dehors de la pièce. Je me tourne pour faire face à Charlie.

– N’oublie pas d’écrire dans le carnet, je compte sur toi.

Son regard me transperce. Je sens une goutte couler le long de mon visage. Le long de ma colonne vertébrale. Comment peut-elle être au courant ? Je ne lui ai pas dit. Je ne l’ai pas dit à mon père. Comment Charlie pourrait-elle savoir ? Est-ce qu’elle me surveille ?

Je quitte l’hôpital. Dehors le soleil brûle mes yeux alors que je regarde le ciel. Je m’en détourne. Je prends la direction du garage.


Texte publié par Aihle S. Baye, 5 janvier 2023 à 14h09
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