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tome 1, Prologue tome 1, Prologue

La journée avait mal commencé.

Le réveil qui n'avait pas sonné, le métro raté de justesse, le regard mielleux et les sarcasmes voilés de son cher supérieur hiérarchique, dont la présence devenait de plus en plus insupportable au fil des jours...

Non, vraiment, elle ne voyait pas ce qui pouvait être pire...

Elle rejeta ses cheveux bouclés en arrière et étira ses bras au dessus de sa tête en réprimant un bâillement.

« - La nuit est faite pour dormir, pas pour faire des folies de son corps... », susurra son chef derrière elle, le souffle de ce dernier bien trop près de son oreille à son goût.

Elle sursauta, son regard rempli d'indignation, autant pour le sous-entendu plus que douteux que par le fait qu'il était visiblement en train de la surveiller.

Elle se fit une note mentale à elle-même : ne jamais sous-estimer le pouvoir de nuisance de ce sinistre personnage.

« - Aux dernières nouvelles, ce que je fais de mes nuits ne regarde que moi. Et vous n'avez aucun reproche à me faire sur ce retard, je l'ai largement compensé. »

Elle se leva et prit la pile de dossier volumineuse qui trônait sur son bureau, pour la lui claquer sur les bras.

Tournant les talons, elle se saisit de son sac et de son manteau en lui lançant un sourire ironique.

« -Je vous conseille de passer des nuits un peu plus agitées, ça ne peux pas vous faire de mal... »

D'un pas ferme et sans se retourner, elle gagna l'ascenseur et s'y engouffra sans attendre.

La mâchoire serrée, elle jeta un juron entre ses dents. Il la mettait toujours dans un état de rage indescriptible, et si ce soir elle avait réussi à lui damer le pion, cela n'était pas toujours le cas: il restait un supérieur, un supérieur à ménager.

Et même si son travail lui pesait de plus en plus régulièrement, elle devait admettre qu'au moins elle en avait un, et qu'elle en avait besoin.

Malgré tout, elle ressentait une certaine fierté à avoir su défendre son honneur et sa répartie, acquise de haute lutte. Ce n'était pas ce pseudo bellâtre gominé qui allait changer cela, ni ruiner sa bataille perpétuelle contre elle-même.

Elle savoura l'air froid du soir parisien, qui chassa sa colère. Un bon bain, un chapitre d'un bon livre ou un à écrire, et la journée finirait bien, au moins !

Elle pénétra dans le métro, et s'adossa au mur, attendant sur le quai déserté.

L'avantage avec le fait de finir tard, c'était qu'on évitait la cohue. Et qu'on pouvait donner libre cours à sa pensée, sans étouffer, sans se sentir épié. Pensée qui était souvent interrompue par le bruit de la rame qui entrait en gare, comme c'était le cas maintenant.

Poussant un soupir, elle entra dans le train, s'installa sur la banquette et appuya sa tête lourdement contre la vitre, regardant le souterrain défiler inexorablement sous ses yeux.

D'un geste rapide, elle sortit de son sac un petit calepin duquel pendait un stylo miniature, qu'elle ouvrit et couvrit bientôt de mots écrits tout petits. Avec un sourire satisfait, elle referma le carnet et le replaça dans son sac. L'inspiration la prenait n'importe où ces derniers temps, comme autant de signes pour qu'elle suive sa passion. Autant de signes qu'elle se refusait à voir aussi, et elle le savait. Elle avait toujours manqué de courage pour tout un tas de choses : l'habitude est tellement plus rassurante !

De toute façon, qui lirait les milliers de pages manuscrites ou tapées à l'ordinateur, qui cela intéresserait-il ? Elle ne se voyait pas apporter son imaginaire sur le bureau de son patron, aussi grand éditeur soit-il. Alors elle continuerait à lire les lignes des autres, à les disséquer, à les critiquer, comme elle avait appris à le faire depuis la fin de ses études.

Le train s'immobilisa lentement à Nation. Sortant de ses réflexions, elle se leva prestement et gagna la sortie.

Plus que froid, l'air de décembre était désormais gelé. Elle releva les pans de son manteau, réajusta son écharpe et maudit intérieurement la sacro-sainte tradition qui voulait que l'on porte des tailleurs pour se rendre au travail.

D'ailleurs, était-ce réellement une obligation ? Elle se flagella mentalement de ne pas avoir remis en question cette idée plus tôt, une sale habitude qui l'irritait au plus haut point.

Elle remonta le boulevard de son pas rapide et assuré, et tourna dans une petite rue au bout de 10 minutes.

« -Encore 120 petites secondes, et je serais dans mon petit nid... » murmura-t-elle avec bonne humeur. Ses clés en main, elle chantonnait à présent le générique de son anime favori du moment, visualisant un énième repas soupe-ordi qui l'attendait là-haut. Elle poussa la grille après avoir tapé le code d'entrée, et descendit les quelques marches qui la séparait de la porte du hall d'un pas dansant.

Au moment où sa main s’approchait de la poignée, une autre la saisit à la gorge, l’entraînant en arrière sans ménagement. Le cri qu’elle s’apprêtait à émettre se perdit contre la paume de son agresseur, tandis qu’il la tirait vers le local à poubelles tout proche.

A défaut de pouvoir hurler, elle mordit au sang la main qui l’emprisonnait, et se débattit de toutes ses maigres forces, avec l’espoir d’attirer l’attention d’un passant ou d’un voisin.

L’agresseur recula avec un cri de douleur, qui résonna comme une victoire aux oreilles de la jeune femme, laquelle se précipita vers la porte de son immeuble.

« - C’est plutôt moi qui était censé te faire ça, cara mia… »

Elle n’avait pas fait un pas que son adversaire était devant elle, coupant toute chance de retraite, et arborant un sourire qu’elle avait du mal à définir… Mais plus l’espace entre eux se comblait, plus le sens de ce sourire lui apparaissait. Ce n’est que quand elle se retrouva acculée à la rangée de conteneurs qu’elle comprit.

Ce sourire, il était carnassier.

La peur lui serrait la gorge, si bien qu’elle n’émit qu’un sanglot étouffé, sec, qui s’évanouit bien vite dans l’air. Tout espoir de s’échapper était devenu vain, et elle savait que son opposant n’était pas comme les autres. Il s’en dégageait une impression de force brute, presque animale, contre laquelle elle ne pourrait opposer qu’une faible résistance.

Cette impression se confirma quand il lui administra une gifle du revers de sa main, qui la sonna et l'envoya valdinguer contre le mur, une douleur intense irradiant son côté gauche, son esprit embrouillé et ses jambes chancelantes sous le choc de sa rencontre brutale avec le béton.

Soudain, et cela lui parut bête et banal, elle revit sa vie défiler à toute vitesse dans son cerveau. Et l’impression de vide que ce flash-back lui laissa lui mordit le cœur plus violemment qu’un coup de poignard.

Alors, pourquoi continuer plus longtemps…

L’issue était de toute façon décidée, ce malade allait lui faire subir les pires outrages avant de la déchiqueter sans pitié. Quoique, pour le moment, il avait plutôt l’air de vouloir la faire souffrir à petit feu, à renfort de souffles glacés contre son visage et son cou, toujours son sourire accroché à ses lèvres pâles.

Quelle arme avait-il choisi ? Un couteau, ou peut être une lame de rasoir ? Un beau katana ? Ses ongles ? Ou encore ses dents ?

Elle se surprit à rire intérieurement des divagations de son esprit.

Merde, elle allait mourir dans un local à poubelles après 25 années d’une vie sans intérêt, et sa dernière pensée aura concerné l’arme du crime !

Le froid engourdissait ses membres et son esprit, et la bouche de l’homme sur sa nuque et son cou ne l’aidait pas à rester consciente. Elle sentit les ongles de son bourreau s’enfoncer allègrement dans la chair de son visage, de son dos, avant que ses mains n’enserrent ses bras à les briser. La douleur, au lieu de la secouer, l’assomma un peu plus encore. Ses yeux se fermèrent lentement : elle aura été nulle jusqu’au bout…

Le poids de ce corps sur le sien s’évanouit d’un coup, sans estomper l’état de semi inconscience dans lequel elle était plongée pour autant. Ses jambes la lâchèrent, et elle glissa lentement au sol, suivant d’un regard vide le combat féroce qui se déroulait autour d’elle : deux silhouettes semblaient s’entrechoquer à une vitesse anormalement rapide, dans un concert de grognements sourds.

La seule chose qu’elle voyait, c’était les prunelles de son sauveur, qui luisaient d’un éclat fauve.

Seule lumière dans la nuit qui la surplombait, elle s’y raccrochait, sans savoir réellement pourquoi. Peut-être l’intuition que si elle les laissait s’échapper, tout serait fini pour elle.

Elle les vit soudain à dix centimètres de son visage, la lueur cachée au fond de ces prunelles ambrées déclenchant une sensation de chaleur et de sécurité que son esprit embrumé n’expliquait pas. Elle tendit la main vers ce visage inconnu qui lui inspirait soudain une confiance infinie, ses lèvres formant un silencieux « merci » avant que l’inconscience envahisse son être.


Texte publié par Mimisao, 20 avril 2022 à 23h33
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