Une heure s’était écoulée depuis la pause dans la chambre froide, et Luce se fustigeait de tomber dans le cliché de l’impression qu’elle avait duré des siècles.
Tout défilait à toute vitesse dans une lenteur qui lui déchirait les entrailles.
Lou était toujours vivant.
Mais toujours inconscient.
Une histoire de réserve de mana proche de zéro, ce qui aidait pas à ce qu’il récupère.
Vincent était en train d’évaluer le niveau de menace et d’établir la meilleure stratégie en attendant des nouvelles de ce fameux Paul, ou que Lou se réveille.
Valait mieux tabler sur Paul, visiblement….
Elle avait essayé d’aider à l’infirmerie, mais clairement, elle avait le sentiment d’être plus dans les pattes des Sentinelles qui s’occupaient de Mickaël et de Lou qu’autre chose.
Au lieu d’errer comme une âme en peine à quémander une mission quelconque pour s’occuper l’esprit, elle avait décidé de prendre l’initiative: amener les cafés pour les vigies chargées de surveiller le QG, réapprovisionner en eau ceux et celles qui se battaient pour sauver les blessés, et se tenir éloignée des fenêtres, toujours.
Ordre de Vincent.
Elle comprenait son chemin de pensée, vraiment: qui sait ce que les mages et les vampires ennemis pourraient tenter s'ils savaient à quel endroit elle se trouvait en l’apercevant du haut d’un bâtiment voisin?
Mais ça limitait encore ce qu’elle pouvait faire, en fait.
Du coup, elle avait fini par se caler dans la salle d’entraînement avec une pile de bouquins qu’elle avait trouvé par hasard en cherchant de quoi aider à barricader les fenêtres, vu qu’elle ne pouvait pas s’en approcher.
La porte ouverte, aux aguets au cas où on aurait besoin d’elle, elle avait ouvert les tomes épais sans même regarder les titres, avide de se distraire des conversations qu’elle captait au loin.
La voix de Vincent ne lui apportait pas le réconfort habituel: les mots “siège”, “embuscade”, “armes” lui arrachaient une grimace à chaque fois qu’elle les entendaient, eux ou un de leurs synonymes, et les nouvelles de l’infirmerie ne laissaient pas présager de bonnes nouvelles dans l’immédiat.
Elle referma le livre auquel elle n’avait pas accordé un regard et ferma les yeux, inspirant et expirant selon un rythme particulier.
L’exercice eut le mérite de faire décanter l’agitation.
En fait, elle détestait juste cette attente. Depuis qu’elle avait failli mourir des mains de ce vampire, c’était sa kryptonite, cette sensation de tension sans résolution qui voit s’accumuler doutes et questions au point de se noyer dedans.
D’où les excès de zèle, une autre fuite en avant pour échapper à son démon personnel.
Elle sortit son téléphone et ouvrit l’application pour prendre des notes: un truc de plus dont elle devait parler au psy, tiens.
-Luce?
Elle leva les yeux et croisa le regard inquiet de Gwen, les bras chargés de gilets renforcés.
-Oui? Y’a un souci?
-C’est plutôt moi qui devrait te poser la question, je crois, dit la jeune femme.
-Juste…. juste un peu tendue, mais ça va aller.
-Merci d’avoir donné un coup de main: les gars en bas ont apprécié d’avoir une pause café.
Luce haussa les épaules d’un air désinvolte, mais sentit ses joues rougir.
- C’est… c’est pas grand chose. Je peux pas vraiment vous aider pleinement, alors…
- Te tracasse pas, va. Vincent fait du zèle niveau prudence, à raison, mais je pense que le pire est passé.
Gwen posa les yeux sur la pile de bouquins, et siffla.
-Hé bé, tu t’attaques à du lourd, dis-moi!
-Hein? Oh, j’ai trouvé ça et je me disais que quitte à attendre, autant apprendre des trucs.
-Enfin là, c’est les principes avancés de la magie que tu tiens dans les mains, c’est un peu hardcore.
Elle posa sa cargaison devant la porte ouverte et se saisit de la pile pour en scanner les titres, avant d’en dégager deux ouvrages.
-Mon truc c’est de faire parler mes poings, mais je pense que tu peux commencer par ces deux-là déjà !
Luce prit le temps de vraiment lire les titres cette fois-ci, et se surprit à faire un “o” de surprise.
Le premier livre était intitulé “Introduction aux leylines” et le second, qui accusait plus son âge, portait le titre de “Petit traité sur les vampires”.
- L’équivalent des “Sentinelles pour les nuls”? dit la jeune femme avec un sourire.
Gwen éclata d’un rire franc.
-Exactement ! Parfait pour ne plus te sentir larguée lors de la prochaine soirée entre collègues !
-Merci Gwen!
-Avec plaisir!
Elle regarda la jeune combattante récupérer le matériel et lui fit un signe de la main avec un grand sourire.
Toujours une oreille traînant sur ce qu’il se passait dans le reste de l’étage, elle entreprit de faire ce qu’elle aurait dû faire depuis longtemps: savoir qui était l’ennemi.
Vincent luttait contre l’envie de rentrer dans l’infirmerie toutes les deux secondes depuis deux heures déjà. Il avait aperçu Luce dans la salle d’entraînement, qui s’interrompait dans sa lecture de temps à autre pour apporter un truc à boire ou à grignoter aux autres: il en avait presque oublié que Lou avait insisté pour qu’il y ait une mini-bibliothèque pour les nouvelles recrues, et au final, c’était un peu de cette manière que tout le monde traitait Luce.
Là où il avait toujours eu du mal à s’intégrer, elle avait su se faire une petite place, et pas en tant que la demoiselle à protéger.
Son téléphone sonna, et il décrocha sans attendre.
-Oui?
-On a fini la patrouille. RAS. Le sort de détection a été installé aussi, on devrait pouvoir sentir toute présence ennemie dans un rayon de deux kilomètres.
-Merci pour votre travail… Pas de trace de Paul ou Arnaud ?
Un soupir résigné à l’autre bout du fil lui donna la réponse.
-Venez vous reposer au QG, et soyez prudents sur le retour.
Il se sentit se détendre un peu, et observa ses camarades: l’état de Mickaël et Lou jetait une ombre sur tous les visages, la crispation visible dans les mâchoires ou les mouvements.
Il voulait redonner un coup de boost au moral des troupes, mais n’avait pas la moindre idée de par où commencer…
A moins que…
Ses pas le dirigèrent vers la salle d’entraînement, et il la trouva le nez dans un bouquin, calepin sur les genoux et air sérieux sur le visage.
- “Petit traité sur les vampires”... lut-il à voix haute.
Arf. Il n’allait pas échapper à la séance de question… Bon, en soit, il savait qu’il allait y passer mais il pensait avoir un peu de temps.
-Oh putain! s’écria Luce en sursautant. Je t’ai pas entendu venir, tu m’as fait peur !
-C’est quelque chose qu’on me dit souvent, mais c’est pas comme si je pouvais y faire quelque chose.
-On va te mettre des clochettes ou un truc du genre, rigola-t-elle en notant le numéro de la page qu’elle était en train de lire sur son calepin et en glissant un bout de papier en guise de marque page.
Il soupira d’un air résigné à sa blague.
-Besoin de quelque chose?
-Te tenir au courant: la seconde patrouille n’a trouvé aucune trace de menaces et a pu étendre la zone de détection.
-C’est bon signe, commenta-t-elle avec un léger sourire.
-Et… désolé de te laisser découvrir les infos de ton côté… Je pensais qu’on aurait eu plus de temps pour t’expliquer tout ce qui est lié aux vampires.
-Je sais, mais bon, on fait comme on peut! Et tu répondras à mes questions si j’en ai, non ?
Il hocha la tête d’un air sérieux, contemplant comment lui demander son aide.
Luce l’observa en silence, retournant dans sa tête ce qu’elle avait pu apprendre des vampires.
C’était assez simple et clair, au final, pas très éloigné de tout ce qu’on pouvait voir dans les films.
Force surhumaine, vitesse, discrétion, des fringales d’hémoglobine, et une aversion pour le soleil.
Certaines choses courantes dans la pop-culture se révélaient fausses, comme l’ail, et elle était reconnaissante de ne pas avoir à troquer son eau florale pour une fragrance aïoli.
Ce qui l’intriguait, en fait, c’était où se situait Vincent.
Parce qu’il cochait clairement certaines cases du vampire, sans aucun doute.
Mais elle s’était fait une raison: c’était un sujet bien trop intime et personnel pour être abordé au milieu d’une situation d’urgence…
-Est-ce que…
Le ton embarrassé de son ami la sortit de ses réflexions, et elle se retint de sourire en apercevant l’expression gênée de ce dernier.
-Est-ce que tu aurais une idée pour… pour alléger un peu l’ambiance? Tout le monde accuse le coup, et…
Luce se mordit la lèvre, son visage montrant tous les signes d’une réflexion intense…
Elle se mit à marmonner toute seule, posant machinalement son matériel d’étudiante à terre pour se relever et commencer à faire les cent pas.
Vincent se demandait quoi faire: l’interrompre en pleine réflexion? laisser son hamster de cerveau faire ses tours? Suggérer des choses ?
Pendant ce temps, la jeune femme repassait en tête les stocks de nourriture et ce qui serait gérable de faire dans la kitchenette avec le matériel à disposition.
Parce que vu la nuit qu’ils avaient tous passé, un bon repas restait à ses yeux le meilleur moyen de redonner un coup de fouet à tout le monde.
-Luce? Ça va ?
Elle s’interrompit dans sa ronde et le regarda avec un air malicieux.
-Oh, je viens de trouver la cerise sur le gâteau de mon plan !
Elle lui saisit le poignet et l’entraîna vers la cuisine.
-Tu vas me sortir les deux plus grosses gamelles que tu peux trouver, ok ? Je reviens.
Vincent resta interdit un moment avant de s’exécuter: l’idée de préparer à manger pour tout le monde n’était pas mauvaise…
Les Sentinelles étaient sur le pont depuis plusieurs heures, carburant au stress et au café: y’avait mieux comme régime alimentaire, clairement.
Il farfouilla dans les placards sous l’évier, et trouva une grande casserole un peu poussiéreuse. Après tout, la cafetière et le micro-ondes étaient les chouchous du QG, et de loin.
Il entreprit de la nettoyer dans le micro-évier, se demandant si la plaque fonctionnait encore en essuyant machinalement l’acier inoxydable avec un torchon qui devait traîner là depuis un bon moment.
-Et voilà!
Luce apparut à côté de lui, les mains occupées par plusieurs paquets de pâtes et de boîtes de sauce tomate.
-Je ramènerai l’équivalent une fois la tempête passée ! Ce serait plus sympa de faire une bolo, mais bon, on va se contenter de ce bon vieux classique.
- Des pâtes ? demanda le dhampire avec un sourcil relevé.
- Yep ! Fais moi confiance, ça fait mouche à chaque fois…. surtout qu’on va y ajouter notre ingrédient secret.
La grimace du jeune homme précéda la déclaration grandiloquente de Luce.
-L’amour et l’attention !!
-Luce… C’était vraiment pas nécessaire, hein…
-C’est pas vrai? Le but, c’est pas que tout le monde retrouve le sourire?
Il hocha la tête, mais la gène se lisait dans chaque expression de son corps.
Elle posa les ingrédients près de la cafetière et lui mit un léger coup de coude sur le bras.
- Si tu t’inquiètes pour les gens, c’est qu’ils comptent pour toi, c’est tout. Venir me chercher pour trouver de quoi remonter le moral, c’est une manière de l’exprimer, tout comme ce qu’on s’apprête à faire.
-On? demanda-t-il d’une voix incertaine.
-Tu es la cerise sur mon plan Vincent… Rien de mieux pour rallier tout le monde !
-Mais…
Elle mit son index devant ses lèvres, lui intimant de garder le silence avec un clin d'œil.
-Tu me fais confiance?
Vincent se demanda soudain s' il avait bien fait de lui demander son aide.
La seconde tablée finissait joyeusement son assiette, sous le regard amusé de Luce, qui jetait un œil sur la scène depuis l’infirmerie où elle veillait sur les deux mages toujours inconscients.
La quinzaine de Sentinelles était désormais rassasiée, et avait pu découvrir un autre aspect de Vincent, chargé du service après avoir cuisiné avec elle.
Et la tête que certains ont fait en le voyant manger ses pâtes resterait un moment gravé dans sa mémoire à vie: elle avait vraiment dû lutter pour ne pas éclater de rire.
Ce n’était rien de révolutionnaire, sûrement.
Mais elle avait déjà senti l’air changer quand il était revenu avec l’équipe de reconnaissance, la détresse mal contenue sur son visage révélant ce qu’il oubliait souvent lui-même.
Il était en partie humain, lui aussi.
Une boule d’émotions, de doutes et de maladresse, qui a aussi un régime alimentaire un peu à part de temps à autre, et un poil plus de force et de perception que les autres…
A défaut de pouvoir faire revenir Lou, elle pouvait essayer de faire que les choses se passent mieux pour lui au sein de l’organisation.
La jeune femme entreprit de vérifier le stock de matériel, notamment de compresses pour soigner les brûlures de Lou, avec les cliquetis de la vaisselle qu’on rassemble et des propositions fuser pour aider leur chef provisoire à faire la vaisselle en fond sonore.
-Luce ?
Elle se retourna pour voir Gwen sur le seuil de la porte lui faire un pouce en l’air avec un grand sourire, qu’elle lui rendit avant de la voir disparaître comme elle était venue.
Les préposées à l’infirmerie firent ensuite leur retour, la remerciant pour le repas avant de s’affairer autour des deux blessés.
Le signe qu’il est temps pour moi de débarrasser le plancher, se dit la jeune femme en s’approchant du brancard où reposait Lou, le haut du corps tel un patchwork, les zones brûlées sous des couches de tulle gras et de compresses stériles.
La blessure au dos avait été soignée et était moins profonde que prévu, ce qui avait soulagé tout le monde.
Mais il porterait sûrement des cicatrices à vie de la fournaise dans laquelle il semblait s’être trouvé, et qu’il avait peut-être même créée lui-même si elle en croyait ce qu’elle avait perçu des messes basses.
-Qu’est-ce qu’il s’est passé, Lou? murmura-t-elle en repoussant une mèche rousse qui était collée sur son front.
Son index effleura la peau intacte de son visage, et un choc électrique la traversa: elle poussa un léger cri et recula, une sensation de fatigue la submergeant comme un coup de massue.
Une des Sentinelles rappliqua illico, prête à la sermonner à en croire le regard meurtrier qu’elle lui lança avant de se pencher sur le moniteur: Luce commença à s’excuser, mais celle qui semblait être l’infirmière en chef leva une main en l’air avec autorité pour l’interrompre, les yeux rivés sur les courbes et à l’affût des bips de la machine.
Les secondes s’écoulèrent, et Luce restait fixée sur le dos de celle qui veillait à la guérison de son ami, se demandant de plus en plus si elle avait fait une connerie.
-Qu-est-ce que tu as fais?
Un frisson de peur parcourut la colonne vertébrale de Luce alors qu’elle répondait d’une voix tremblante.
-Je… Je lui ai parlé en… en enlevant une mèche de son front.
Elle déglutit avant de bredouiller.
-Et… et… j’ai pris le jus, je crois… y’a eu comme une décharge.
L’infirmière se retourna sans un mot pour lui prendre la main et la poser sur celle inerte de Lou: Luce eut un mouvement de recul au moment de l’impact, mais la force avec laquelle la soigneuse maintenait sa main semblait herculéenne, cette dernière concentrée sur le moniteur comme une forcenée.
Luce se mordit les lèvres, anticipant la douleur, mais la décharge attendue fut moins violente que prévue, et une forme de chaleur la remplaça peu à peu, alors que plusieurs membres de l’équipe médicale se rassemblaient autour du brancard.
-Qu’est-ce…
-C’est un miracle !
-Comment c’est possible?
-C’est Luce… Elle… elle lui transmet du mana !
-HEIN? s’écria la principale concernée, avant de sentir ses jambes se dérober sous elle et de s’effondrer au sol, haletante.
L’infirmière en chef accompagna le mouvement, posant une main sur son front fiévreux.
-Désolée… je devais vérifier mon hypothèse, mais je ne pensais pas que…
-Je… je peux aider Lou? dit Luce dans un soupir, son souffle erratique et la sueur ruisselant sur ses tempes. Elle avait l’impression d’avoir une espèce de grippe, de celle qui sape toute force.
-Euh… oui, mais tu n’as pas l’habitude de manipuler le mana alors ça peut être dangereux.
-Je… je veux…
La voix grave de Vincent l’interrompit, alors qu’il pénétrait à son tour dans l’infirmerie en effervescence.
-Pas au détriment de ta santé. Hors de question.
Un double “mais” résonna dans la pièce, mais le regard inflexible qu’il jeta aux deux jeunes femmes leur fit ravaler toute objection.
-Est-ce que quelqu’un peut accompagner Luce dans l’apprentissage de la magie? Une fois qu’on aura une meilleure vue d’ensemble de ce qu’il se passe, on verra pour qu’elle transfère du mana si c’est encore nécessaire.
Il s’approcha pour les aider à se relever, et l’infirmière hocha la tête en levant sa main droite en l’air, une fois debout.
-Je veux bien la superviser. Elle est la seule qui peut faire ça, et je promets de la préserver au maximum.
Vincent passa le bras de Luce derrière ses épaules pour la tenir debout, la sentant de plus en plus chancelante.
-Merci Nath. Je pense qu’elle a pour le moment besoin de se reposer. Je te confie Lou et je vais installer Luce dans la salle d’entraînement.
- Il va s’en sortir, je ferai tout pour!
-Je sais. Ils vont tous les deux s’en sortir.
Nathalie se retourna vers le brancard de Lou et prit de quoi noter les constantes vitales et de son mana, tout en donnant ses instructions pour vérifier les bandages de Mickaël.
Vincent laissa échapper un soupir en prenant une Luce totalement endormie dans ses bras et sortit rapidement de l’infirmerie.
Il avait besoin d’espace et de calme pour laisser retomber son bordel intérieur.
Entre son idée pour rassembler les Sentinelles et cette histoire de transfert de mana qui, il en était certain, était liée à l’éveil de ses pouvoirs, Luce ne cessait de le surprendre.
Elle avait le potentiel de faire des miracles…
Il la déposa sur un des tapis d’entraînement, avant d’aller piocher dans une des réserves un oreiller et une couverture.
Il la transfèrerait peut-être plus tard à l’infirmerie dans le brancard qui restait, mais pour le moment, il préférait la garder à l’œil, vu comment elle était prête à se mettre en danger.
Une fois la jeune femme confortablement installée, il s’assit par terre et jeta un coup d’œil à la pile de livres qu’elle avait laissé dans le coin de la salle, son carnet à moitié ouvert et un marque page de fortune dépassant du livre sur les vampires.
Tout allait trop vite, et il se demanda s' ils avaient bien fait de prendre leur temps pour la laisser venir vers eux, distillant des miettes d’infos par-ci par-là.
Sans Lou pour gérer tout ce qui était magique, sans informations sur ce qu’il s’était vraiment passé au Sacré-Coeur, il se sentait à bout d’options, et il détestait cet état de siège dans lequel ils s’étaient retrouvés depuis qu’ils avaient récupérés les deux blessés il y a douze heures.
Heureusement qu’il pouvait compter sur les personnes présentes pour pallier son incompétence.
C’était drôle comment les quelques interactions qu’il avait eu ces dernières heures semblaient avoir changé le regard que les autres portaient sur lui.
Il s’était toujours bien entendu avec Gwen les rares fois où ils étaient partis en mission, mais, dans sa tête, c’est parce que c’était Gwen: elle avait cette aura chaleureuse et se montrait toujours sympa avec tout le monde.
Sa mauvaise relation avec Paul était de notoriété publique, et une partie des mages s’étaient ralliés à la mauvaise opinion que le second de Lou avait de lui, mais certains étaient venus le remercier d’avoir gardé la tête froide durant cette crise.
Nathalie elle-même semblait éprouver une forme d’empathie quand elle l’avait aperçu au chevet de Lou alors qu’il lui racontait les dernières nouvelles.
C’était grâce à cette entêtée qui ronflait à deux pas, le front encore brillant de sueur.
Il se releva pour aller chercher une serviette et un bol d’eau chaude, et entreprit de lui tapoter le visage et les bras de l’éponge légèrement humide pour soulager les effets de la fièvre.
La conversation qu’ils avaient échangée dans la chambre froide lui revint en mémoire.
Et il allait falloir qu’il lui dise que sa vie à elle aussi était précieuse, et pas seulement parce qu’elle avait un sang spécial.
-Vincent?
Il releva la tête pour trouver Nathalie et Gwen sur le seuil de la salle.
-Un souci?
-Non, enfin, on venait voir comment allait Luce, dit Gwen en s’avançant près du matelas où reposait la jeune femme.
-Je suis désolée pour tout à l’heure. J’étais tellement obnubilée par l’état de santé de Lou que j’ai mis Luce en danger, dit l’'infirmière en s’asseyant près de l’endormie, un thermomètre frontal à la main.
-Je sais, je comprends… Et elle n’a pas un instinct de protection très élevé, ça complique les choses, dit Vincent avec un sourire en coin.
Le bip de l’appareil retentit, et Nathalie hocha la tête d’un air rassuré.
-C’est une fièvre légère, ça arrive souvent aux jeunes magiciens qui puisent dans leur réserve pour la première fois. Le choc a dû être plus fort pour elle à cause de sa condition… particulière.
-Son sang? demanda Gwen en penchant la tête. Je pensais qu’il ne pouvait donner du pouvoir qu’à celui qui le buvait.
-On se demandait avec Lou s' il ne pouvait pas lui donner des capacités spéciales aussi. Ça s'est confirmé quand on s’est entraînés hier : elle avait de biens meilleurs réflexes et plus de force.
-Vous vous êtes entraînés ? s’écria Gwen avec un air abasourdi.
-Vous la connaissez pas forcément bien encore, mais Luce ne supporte pas de rester sans rien faire et de se sentir inutile… Alors quand Lou est parti en mission, je lui ai proposé d’apprendre à se défendre, au cas où.
-Ça a pu réveiller des capacités dormantes, en effet. Je pensais prélever un échantillon de son sang pour l’étudier. Je ne sais pas combien de temps on va rester bloqués ici, mais plus on aura d’infos, mieux ce sera, dit Nathalie en notant des choses sur un calepin.
-On pensait lui demander dans les prochains jours, mais vu les circonstances… Je pense qu’il faut le faire.
-Pour le moment, elle doit recharger les batteries…. Si elle venait à dormir trop longtemps, on l’installera à l’infirmerie pour la perfuser histoire qu’elle ne se déshydrate pas, mais je pense pas que ce sera nécessaire.
Vincent hocha la tête, et battit des paupières. La fatigue commençait à pointer le bout de son nez, et pour le coup, il aurait préféré que le côté vampire prenne le dessus pour qu’il puisse continuer à veiller et gérer.
-Gwen et moi on va prendre le relais, alors va dormir un peu, Vincent. On a besoin de toi en pleine forme.
-Ça va aller, murmura-t-il en se relevant, mobilisant toutes ses forces pour paraître au top de sa forme.
Gwen lui barra le passage en se posant en plein milieu de la sortie.
-Nope, ça va pas le faire, boss ! J’y connais rien en moit/moit, mais je pense que tout le monde a besoin de prendre du repos, surtout après ce qu’on a vécu ces dernières heures. Même si c’est qu’une heure, c’est déjà ça de pris.
Il grommela en la voyant se pencher et lui lancer un autre oreiller qu’elle avait laissé dans le couloir, qu’il attrapa au vol.
-On vient te chercher si il y a le moindre truc, promis. Je reste veiller sur Luce, et Nath fait son bouzin de médecin. On s’est tous organisés pour que tu puisses te poser.
Le dhampire soupira et se résigna à s’installer non loin de Luce après s’être débarrassé de sa veste et de ses chaussures. Il perçut les mouvements de Nathalie qui revenait avec son matériel de prélèvement mais son esprit commençait déjà à glisser dans les limbes, et s’abandonna à la fatigue en quelques secondes.
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